
Volley: son aventure au Japon, les JO avec les Bleus, son successeur... les vérités de Laurent Tillie
Quel bilan faîtes-vous de cette première saison dans le club d’Osaka ?
Je ne m’attendais pas à ce que ça soit aussi dur et aussi intense du mois d’octobre à avril avec la particularité de jouer deux matches le week-end contre la même équipe. Ensuite quel plaisir de voir un autre volleyball, très technique où il y a énormément de combinaisons, des systèmes différents. C’est très enrichissant. J’ai essayé d’amener plus d’efficacité dans le mode d’entraînement. Il a fallu que je convainque mes joueurs de me suivre dans ce type d’entrainement et d’organisation tactique différente. On perd deux finales (Coupe de l’Empereur en octobre et la finale des play-offs en avril) et on finit deuxième de la saison. Dans la globalité c’est une grande satisfaction. Certes on n’a pas de titre mais on joue toutes les finales.
Quelle est la valeur du championnat japonais par rapport aux championnats européens ?
Il n’y a pas les mêmes gabarits qu’en Europe, pas la même puissance, le jeu est basé sur la qualité de vitesse et de défense. En Europe, il y a une grosse prise de risque au service, au Japon les joueurs n’aiment pas faire des fautes, la prise de risque est moindre. Le block est beaucoup plus fort en Europe à cause des gabarits. C’est cette différence physique qui joue en la défaveur des japonais mais à côté de ça ce sont des joueurs très techniques avec une envie de jouer vite pour faire des coups spectaculaires avec une arrière défense très forte. En terme de niveau le championnat japonais se situe derrière l’Italie, la Russie et la Pologne.
Quelles étaient les conditions de travail pour vous qui découvriez cette ligue et ce club ?
Je suis un coach NBA du volleyball japonais ! (rires) Les conditions de travail sont extraordinaires. Exemple avec notre Panasonic Arena où j’ai trois terrains à ma disposition tous les jours, j’ai vingt joueurs, trois adjoints, un statisticiens, un kiné à plein temps, un manager, une interprète. On a des conditions de voyages de grande qualité entre les trains à grandes vitesse et les hôtels. Tout est fait pour l’hygiène et le bien être des joueurs. La salle de soins avec énormément de matériel, les bains froids ou chauds. Tout est pensé pour le bien être, le confort et la performance des joueurs.
Le volley est derrière le baseball et les arts martiaux mais c’est un sport qui compte, il est au même niveau que le football et le rugby.
Justement est-ce que les japonais ont une culture de la pratique sportive ?
Ils ont une culture sportive qui est différente de la nôtre. Ça n’est pas une culture volontariste ou institutionnalisée. Il y a une grosse culture sportive à l’école et à l’université. J’ai vu que les équipes de volley au lycée qui s’entraînent tous les jours, week-end compris entre deux et quatre heures d’entrainement quotidien ! A Osaka, j’habite à côté d’une grande rivière avec des grandes berges. Ces berges sont inondées de sportifs le week-end, ils jouent au baseball, au football, au volley, au badminton ou au tennis.
Quel est votre ressenti par rapport à l’engouement populaire des japonais pour les jeux ?
Plus personne ne résonne normalement avec le Covid. Cela a altéré l’engouement des japonais pour les jeux alors qu’ils en étaient très fiers et qu’ils ont investi énormément d’argent. Ils suivaient cela avec passion. Maintenant on pense à soi et les jeux viennent après. On a tout le temps peur que le Covid freine notre enthousiasme, c’est la même chose au Japon. Il y a une psychose du Covid qui viendrait de l’extérieur, des touristes, des voyageurs. Il y a eu un refroidissement dans l’accueil des jeux par les japonais.

"On va essayer d’être le plus performant possible à la VNL"
Est-ce que justement vous allez vacciner les joueurs de l’équipe de France avant de partir aux jeux ?
On va tenter de le faire en France avant de partir à la VNL (28 mai au 27 juin à Rimini en Italie).
Allez-vous changer des choses pour la préparation par rapport aux jeux de Rio en 2016 ?
Par rapport à Rio, on a eu le temps de digérer notre qualification, on a eu le temps de se préparer mentalement au jeux. Maintenant on attend depuis trop longtemps. Le problème c’est que le Covid et la fédération internationale (FIVB) embrouillent tout en organisant une VNL (Volley Nations League) sous forme de bulle pendant six semaines avant les jeux olympiques. C’est assez compliqué à gérer. On a décidé d’utiliser cette bulle comme période de préparation olympique et donner de la liberté avant de rentrer dans le « tunnel » de la bulle VNL et des jeux. On va essayer d’être le plus performant possible à la VNL car cela fait un an et demi que l’on a pas joué ensemble. Il faut retrouver le collectif, l’habitude, les réflexes mais aussi travailler physiquement pour ne pas s’épuiser et être au mieux pour les JO. On fera une préparation rallongée au Japon à cause de la bulle. On va rester quinze jours à Okinawa pour se préparer au mieux et arriver au dernier moment dans le village olympique.
Quelle est votre approche par rapport à Stephen Boyer qui avait refusé de jouer le TQO de Berlin en janvier 2020 pour raisons personnelles ?
Il y a eu en effet des raisons personnelles évoquées. C’est entre lui et moi et j’ai accepté. Après ça évolue, il faut voir comment le groupe l’accepte, comment lui accepte le groupe. Il y a plein d’interrogations, on ne vit plus ensemble depuis tellement longtemps. Il faut donc se donner du temps, il ne faut pas se fermer les portes et être bienveillant envers tout le monde et après on fera les choix au cours de la VNL.
Un dernier mot sur l’annonce de votre successeur après Tokyo, le brésilien Bernardo Rezende (61 ans, entraîneur le plus titré de l’histoire du volleyball) qu’est-ce cela vous inspire ?
Sur le timing il n’y a aucun problème puisque c’est moi qui ai annoncé que je voulais arrêter. Je suis assez fier qu’un entraîneur comme Bernardinho soit intéressé par l’équipe de France et ses joueurs. Ça prouve que le fédération et l’équipe de France ont bien changé dans le contexte international puisque sur le papier c’est le meilleur entraîneur qui soit par les titres, sa philosophie, par le mode de travail. C’est une inspiration. Les joueurs peuvent être fiers de ce qu’a fait la fédération avec de choix là. C’est vraiment un super coup !