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Loïck Peyron : "Un pied dans l’histoire"

Loick Peyron

Loick Peyron - AFP

A la veille du lancement de « The Transat », lundi à Plymouth, Loïck Peyron était l’invité de Direct Laporte. Avant de rallier New York à bord du deux-mâts utilisé par Eric Tabarly, vainqueur de la Transat britannique en 1964, le navigateur de 52 ans a fait part de ses impressions, huit ans après son titre lors de la dernière édition.

Barrer un bateau de légende

« C’est sympa, c’est une belle histoire, mais je n’ai pas envie d’aller plus vite qu’Eric (Tabarly). C’est la première fois que je vais traverser l’Atlantique aussi lentement… Ce n’est pas seulement l’éloge de la lenteur. Je dis toujours que l’on doit respecter l’histoire pour bien voir l’avenir. J’ai une botte dans l’avenir en étant membre d’une équipe de l’America’s Cup et j’ai un pied, non pas dans le passé, mais dans l’histoire car je suis sur ce bateau qui est à la France, à l’Ecole nationale de voile, et c’est un bonheur incroyable. C’est du bois, ça coince, ça couine un petit peu, ça va très lentement comparativement à ce que j’ai l’habitude de faire. »

Aucune pression

« Ce qui est génial, c’est que je me retrouve au départ de cette course aux côtés des vrais marins qui vont essayer de gagner cette course en étant encore le détenteur du titre. Mais comme je suis un petit peu trop vieux pour défendre mon titre, alors j’ai trouvé une bonne excuse. Je n’ai aucune pression de résultat puisque je ne cours contre personne, juste contre moi-même. Mais la grosse pression, c’est de ramener le bateau à bon port. Il fait quand même partie du patrimoine national. »

Des moyens rudimentaires

« Nous n’avons pas d’assistance électrique à bord de nos bateaux. Ce que je veux ressentir, ce sont les sensations de mes premières transats, quand j’avais 19 ans et que je traversais l’Atlantique à bord d’un petit bateau de 6,50m. A l’époque il n’y avait pas de GPS, on était équipé d’un sextant comme le capitaine Haddock et on avait un régulateur d’allure à l’arrière comme des girouettes qui actionnaient le gouvernail. C’est le même matériel, celui qu’utilisait Eric à bord de Pen Duick II. J’aurai seulement du matériel de sécurité pour ne pas prendre de risques, avec des aides modernes comme un détecteur de radar pour éviter de rencontrer des gros cargos. La sensation de naviguer au sextant, de regarder les étoiles, de n’avoir aucune information météo et aucun contact avec la terre, j’avais envie de la revivre, autant que ce soit pour une bonne cause. »

Dans la filiation d’Eric Tabarly

« Eric a toujours compris que les bons marins sont ceux qui savent faire autre chose que du bateau. Lui savait faire beaucoup d’autres choses et il n’a jamais forcé son caractère. Il n’a jamais été aussi bavard que moi, ce qui l’a aidé. Mais il avait bien compris qu’il fallait malgré tout montrer ses exploits. Il les a partagés et quand on voit Eric Tabarly avec Brigitte Bardot et Alain Delon sur une photo à bord du Pen Duick, on comprend qu’il savait que sa communication ferait qu’il pourrait avoir des bateaux plus grands, plus rapides et avec lesquels il aura ensuite marqué l’histoire pendant des décennies. Je me sens dans la filiation d’Eric, même si je suis plus de l’école Mike Birch, car je suis plus "roseau" que "chêne". Le roseau plie mais ne rompt point, Eric, lui, était plus chêne. »