
Ultimate Tennis Showdown: intensité, émotions et coup de sang au rendez-vous
Après une annulation samedi due à la pluie, l’Ultimate Tennis Showdown (UTS) a connu sa toute première journée de matchs ce dimanche à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes). Lorsqu'on regarde cette nouvelle compétition impulsée par Patrick Mouratoglou, avec ses nouvelles règles, il faut oublier ses codes habituels du tennis.
De l’intensité à tout va
La première impression: cela va vite, il n’y a pas de temps mort. Les joueurs n’ont que 15 secondes pour servir (contre 25 habituellement sur le circuit) avec 2 minutes de pause à la fin de chaque quart-temps de 10 minutes. Et ça change tout. "Cela enchaîne sans arrêt. Il se passe tout le temps quelque chose, c’est le but de ce format-là qui est vraiment super. Si pendant 3 minutes, il ne se passe rien, les gens s'endorment. C’est très ludique, c’est beaucoup de jeu", se réjouit Lucas Pouille (58e mondial). Richard Gasquet abonde aussi après sa victoire sur David Goffin (10e), à la mort subite: "Le format était parfait, c’était intense mais comme il faut pour une reprise. Tous les points sont importants. C’était marrant, sympa à jouer". Le coaching, grand sujet de débat sur le circuit professionnel, est aussi un moment important. L’entraineur devient un acteur du jeu en appuyant sur son buzzer à tout moment afin de solliciter 30 secondes avec son joueur. On a vu des joueurs dire "Attends, je reprends mon souffle, c’est super intense", avant de pouvoir écouter l’analyse de l’entraineur.
Et même aux changements de côté entre les quarts-temps, les joueurs sont sollicités pour répondre aux questions des commentateurs en direct. "Il faut parler en anglais en même temps, c’est ça le problème, ce n’est pas facile de faire les deux, c’est plus instinctif de faire le grip (sourire)", décrit Gasquet. Les journalistes n’hésitent pas à leur demander leur tactique pour les prochains points. "Je vais déjà tenter de mettre le retour dans le court et ensuite on verra", a répondu Gasquet avant la mort subite face à Goffin. Résultat: deux coups gagnants dont un passing en bout de course de coup droit.
Les cartes, le facteur X
Ajoutez à cela l’utilisation stratégique des cartes, sortes de jokers, que peuvent solliciter les joueurs à n’importe quel moment pendant la rencontre (2 cartes par quart-temps). La physionomie d’une rencontre peut être chamboulée, comme lors du match Lopez-Pouille remporté à la mort subite par l’Espagnol grâce à de nombreux points bonus. "Je les ai mieux utilisées à la fin. Dans le premier quart-temps, cela fait une grande différence parce qu’il me met un ace et il prend trois points d’avance. Le choix des cartes est important et il faut surtout être bon quand on les utilise", concède Lucas Pouille.
Concrètement, ce format profite aux joueurs ultra offensifs et attaquants. Le fantasque Dustin Brown (239e mondial) a obligé Matteo Berrettini (8e mondial) à arracher la victoire dans un ultime point après le gong, au cours d’une dernière minute de jeu pleine de rebondissements. Benoit Paire n’a pas servi à 5 secondes de la fin pour remporter un quart-temps. S’ils doivent encore s’adapter au format, les joueurs peuvent être authentiques et naturels sur le court, ce qui ravit Richard Gasquet: "Dès que tu dis un « merde » (sur le circuit), tu prends 3000 dollars. Tu balances une balle, c’est 5000, donc tu gardes la raquette dans la main quoi. Que cela soit aussi aseptisé, ce n’est pas normal. Là, c’est bien que cela vive un peu". Un format qui colle au style de Benoit Paire, qui a pu piquer une belle colère contre l’arbitre à la suite d'une décision dans le dernier quart-temps de son match face à Stefanos Tsitsipas. Le tout sans avertissement.
Un format qui peut compléter le circuit
Avec la création de cette compétition, Patrick Mouratoglou veut faire bouger les lignes pour redonner le goût du tennis aux jeunes générations, car les matchs manquent de suspense et d’émotion selon lui, notamment dans les premiers tours de Grand Chelem. Un besoin de changement que partage Richard Gasquet: "Sur le circuit, c’est trop rébarbatif. On est en 2020, je pense qu’il y a des choses à faire. Parfois à Roland-Garros, quand tu remportes le premier set 7-6, tu as joué 1h22. Et tu te fais breaker derrière. Même moi, je le dis, c’est trop long. Après, je ne crache pas dans la soupe, c’est fabuleux de jouer Roland-Garros et Wimbledon". Pour Mouratoglou, l’UTS a pour but de compléter le circuit professionnel. Pour l’instant, avec l’interruption de la saison liée à la pandémie, la fenêtre est idéale, mais lorsque le tennis reprendra ses droits avec le calendrier surchargé habituel, les créneaux seront peut-être plus difficiles à trouver. L’UTS pourrait s’insérer en lieu et place de tournois de préparation aux grands événements, selon Elliot Benchetrit: "Cela ne m’étonnerait pas qu’il y ait certains tournois dans ce but-là. On voit qu’il y a beaucoup de joueurs sur des quarts ou demies avant les Grands Chelems qui ne jouent pas à fond car cela peut les entamer. Alors que sur un format comme ça, plus ludique, tout le monde pourrait se préparer dans de bonnes conditions dans la bonne humeur et rester frais pour les gros événements". Quoi qu’il en soit, même si tout n’était pas parfait pour cette première journée, l’UTS a marqué les esprits.