
Roland-Garros: Nadal-Djokovic, les clés de la finale
Des conditions de jeu particulières
Qualifié pour sa treizième finale à Roland-Garros (il a remporté toutes les précédentes), Rafael Nadal accordait encore plus de valeur à celle-ci en raison des conditions particulières dans lesquelles se déroulent cette édition 2020 du tournoi parisien. "Il y a eu d'autres Roland-Garros dans lesquels je me sentais plus sûr de moi, dans lesquels j'avais de meilleures sensations en termes de jeu, confiait le Majorquin après un succès convaincant aux dépens de Diego Schwartzmann, en demies. Mais, je l'ai dit dès le premier jour, les conditions ne sont pas parfaites pour mon style de jeu ni pour la manière dont je frappe la balle, donc en arriver là, intérieurement ça a beaucoup plus de valeur encore."
Les conditions de jeu automnales, un climat humide et une terre lourde, qui rendent sa balle moins vive, moins dangereuse, désavantagent clairement Rafael Nadal face à Novak Djokovic. Le Serbe espère, lui, en tirer profit. La météo clémente annoncée pourrait rebattre les cartes. Quoiqu’il en soit, les conditions de jeu influeront sur le sort de cette finale. "La température comptera beaucoup, estimait-il en marge de cette finale. Ça affecte vraiment le court, le rebond de la balle, ça joue sur le fait que le court soit plus ou moins glissant. Il faudra aussi tenir compte du vent. Tous ces éléments peuvent peser sur nous deux, mentalement, et sur nos jeux respectifs."
Djokovic, un ascendant psychologique?
On pourrait facilement passer deux heures à égrener tout ce qui fait le sel de cette rencontre à couteaux tirés entre l’invincible Novak Djokovic (il n'a perdu aucun match à la régulière cette année), qui court après la gloire éternelle et cette trace indélébile qu’il souhaiterait laisser dans les livres d’histoire, face à celui qu’il décrit comme son plus grand rival, l’Espagnol Rafael Nadal. Qu’il pleuve ou qu’il vente, le Majorquin reste maître en son Royaume Porte d’Auteuil. Mais si les chiffres sur terre (17-7 en faveur de Nadal dans les confrontations sur terre) le donnent favori avant leur 56e duel, le 9e en finale de Grand Chelem, la dernière décennie de lutte acharnée entre les deux hommes dessine une autre dynamique, plus favorable à Djokovic.
De leurs 15 duels disputés sur l’ocre depuis la finale du Masters 1000 de Madrid en 2011 - Djokovic s’imposait pour la première fois sur terre face à l’Espagnol -, Rafael Nadal en a certes gagné un de plus que le Serbe Novak Djokovic (8 contre 7). La tendance est même clairement à l’avantage du Majorquin si l’on s’en tient à leurs chocs aux Internationaux de France de tennis. Trois de leurs quatre derniers duels ont tourné à l’avantage de Rafael Nadal. Mais le Serbe est à ce jour le seul à pouvoir dominer à intervalles réguliers le Taureau de Manacor, parfois très sèchement. En 2015, Djokovic corrigeait Nadal en quarts de finale (7-5, 6-3, 6-1), pour l’un de ses deux seuls échecs à Roland-Garros (avec la défaite contre Söderling, en 2009).
Les deux hommes ne se sont plus jamais affrontés sur la terre parisienne depuis. Et si Rafael Nadal a inversé le rapport de force sur terre en Masters 1000 avec trois victoires assez nettes, la première à Madrid (2017), les deux suivantes à Rome (2018 et 2019), Novak Djokovic est assis sur un tel matelas de confiance qu’il donne l’impression de pouvoir résister à tous les vents contraires. Le Serbe a pourtant vacillé dans ce tournoi, en demi-finales notamment, laissant apparaître quelques signes de fébrilité, mais il est encore sorti vainqueur d’une bataille fabuleuse contre un épatant Stefanos Tsitsipas.
L'aspect tactique: avantage Djokovic
Comme à l’accoutumée, le match sera très tactique entre deux joueurs qui se connaissent par coeur. Et de ce point de vue, le Serbe dispose peut-être d’un avantage conséquent dès lors qu’il maîtrise tous les rouages de son jeu et ces échanges dans la diagonale coup droit de Nadal avec son revers à deux mains, sans nul doute le meilleur du circuit.
Le Serbe voudra installer son jeu dans le court pour mettre l’Espagnol sur le reculoir et le déborder, lui faire jouer des coups très difficiles côté revers avec son coup droit court croisé, une arme devenue redoutable, autant que ses amorties, d’autant que sa couverture de terrain exceptionnelle fera des merveilles dans ces conditions de jeu qui l’avantageront.
Rafael Nadal sera contraint de s’adapter, il sait très bien le faire. Contre Diego Schwartzman, on l’a vu parfois très offensif, surtout lors des points les plus importants. La clé se situe peut-être là, dans la faculté du Majorquin à écourter les échanges, à avancer dans le terrain avec son coup droit, à surprendre son adversaire par des variations.
Le poids de l'histoire, en faveur de Nadal
Les deux grands favoris du tournoi Rafael Nadal et Novak Djokovic vont s’affronter pour un choc de titans qui fait saliver sur le papier, mais ce choc revêt aussi une dimension supérieure que le contexte singulier et des conditions très particulières ne sauraient occulter. Car c’est bien l’histoire du tennis qui devrait s’écrire sous nos yeux ébahis. Sur le court central Philippe-Chatrier, Rafael Nadal va se battre avec tout son coeur pour décrocher un treizième succès à Roland-Garros, synonyme de vingtième titre du Grand Chelem, record absolu de Roger Federer égalé.
De l’autre côté du court, le Serbe va tenter d’accrocher un second succès sur la terre battue parisienne, qui lui permettrait de se rapprocher de ses plus grands rivaux avec un dix-huitième titre du Grand Chelem, à une unité du Majorquin et deux seulement du Suisse, qui prépare dans l’ombre son retour. Dépasser le maître, Djokovic ne vit que plus que pour cela depuis qu’il a clamé haut et fort son ambition de devenir le GOAT. Incontestablement, le poids énorme de l’histoire qui pèse sur cette affiche entre les deux meilleurs joueurs du circuit devrait jouer un rôle prépondérant.
Conscient de la dimension exceptionnelle de cette finale, les deux protagonistes ont tenté de relativiser la portée de l’événement. "Toutes les finales de Grand Chelem sont énormes, on travaille pour ça toute l'année, mais je ne pense pas que ce soit le match le plus important de ma carrière, a tempéré Djokovic. Même si je n'aime pas trop comparer, mon premier titre à Wimbledon, contre lui (2011), était au-dessus. Wimbledon est le tournoi dont je rêvais quand j'étais enfant. Et Roland-Garros 2016 contre Andy Murray, aussi. Chaque finale de Roland avant que je remporte le tournoi était le plus important parce qu'il me manquait ce titre."
Même son de cloche chez Rafael Nadal: "Je comprends tout ça, et c'est bon pour le tennis qu'on parle de ça, mais ma réalité, c'est que je suis en train de jouer Roland-Garros. Tout ça, on en parlera à la fin. Mais pour moi, là, la seule chose qui compte, c'est que je suis en train de jouer le tournoi le plus important de la saison pour moi, je suis en finale, et c'est ça qui m'occupe et me motive. Tout le reste, ça passe au second plan pour moi, comme ça a toujours été le cas. Mon objectif quand je viens ici, ça a toujours été de gagner Roland-Garros, au-delà de dépasser (Björn) Borg ou un autre, ou d'en gagner dix. Intérieurement, ce qui m'a toujours motivé, c'est Roland-Garros en soi, et cette année ne fait pas exception."
La détermination de Novak Djokovic à prouver qu'il est le meilleur pourrait se retourner contre lui. Le Serbe joue gros dimanche. S'il s'incline, il pointera toujours à trois majeurs de Roger Federer et Rafael Nadal. Avec la nouvelle génération qui tape de plus en plus fort à la porte, il s'agirait pour lui de ne plus laisser filer trop d'occasions de se rapprocher de ses rivaux à qui il conteste le titre de plus grand joueur de l'histoire du tennis.