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Guerre en Ukraine: les joueurs russes ne prenant pas position "ne devraient pas jouer", estime Stakhovsky

De passage express à Paris pour Roland-Garros, l’ancien joueur ukrainien de tennis Sergiy Stakhovsky est revenu sur son engagement pour son pays depuis le début du conflit avec la Russie et a évoqué l’actualité tennistique.

Sergiy, déjà, comment allez-vous ?

Je suis vivant, les membres de ma famille aussi, tout le monde est en sécurité, je vais bien personnellement.

Vous avez retrouvé Elina Svitolina et Andriy Shevchenko à Paris, pour quelle occasion ?

Elina Svitolina faisait une récolte de fonds avec sa fondation, pour aider trente jeunes joueurs de tennis ukrainiens et leur famille. En récoltant de l’argent, on essaye de leur facilité leurs séances d’entrainements. Et plus la fondation récolte des fonds, plus on peut les aider. On s’est retrouvés autour d’un dîner tous les trois où nous avons parlé de notre pays, de notre projet pour les jeunes joueurs.

Andriy Shevchenko est devenu ambassadeur de "United 24", une campagne que le président Volodymyr Zelensky a initié pour récolter des fonds dans différents secteurs, l’humanitaire, militaire… Elina est également devenue une ambassadrice. Donc nous essayons de voir ce que l’on peut faire pour aider. Et spécialement pour le tennis. Avec Elina, en tant que joueuse en activité, même si elle est enceinte, et moi comme retraité, on veut aider au maximum les jeunes joueurs et joueuses pour qu’ils s’en sortent en ces temps compliqués.

Qu’est-ce que cela vous fait de revoir du tennis ?

C’est vraiment génial. J’ai regardé la fin du match d’Alexander Zverev sur le Lenglen. Le public encourageait, chantait. C’est la première fois que je revois un court plein depuis le Covid. Et ca fait du bien de revoir du sport, qui plus est sans restriction sanitaire.

Depuis près de trois mois vous êtes en Ukraine. Comment vivez-vous le fait de sortir de votre pays ?

C’est une réalité différente mais ça fait du bien de voir des gens vivre normalement. Il n’y a pas d’alarmes, pas de fusils, pas d’échanges de tirs. Ça fait du bien.

C’était important pour vous de venir ici, dans la "réalité", comme vous dites ?

Oui, bien sûr. On doit connaître le prix pour lequel l’Ukraine se bat, ce pour quoi elle se défend. Et espérer que notre pays reprenne une vie normale.

Vous allez retourner rapidement en Ukraine ?

Je vais d’abord passer une semaine à Budapest, avec ma famille. Puis, je retournerai en Ukraine. Je suis dans la réserve, donc un civil. Je peux voyager en dehors de mon pays comme j’ai trois enfants. C’est l’un des avantages que j’ai, par rapport à d’autres Ukrainiens.

Comment votre famille vit cette décision ?

Ma femme a trouvé la force d’accepter mon choix d’aller à l’armée. Je ne sais d’ailleurs pas comment moi j’ai trouvé cette force de m’y engager, mais je l’ai fait et j’ai compris que je n’avais pas d’autre choix. Je dois le faire pour mes parents, pour moi, pour mes enfants. Je crois en notre armée, qui est assez forte, et pour l’instant elle n’a pas besoin de moi dans leurs rangs. Mais si on me le demande, j’irai au front.

Dans quel état se trouve votre pays, les différentes villes ?

C’est dévasté, détruit. Il y a beaucoup de morts tous les jours. Des bâtiments bombardés. C’est un monde qui fait peur. Ce que nous vivons a disparu des télévisions mais c’est toujours la réalité. Ça bombarde de plus en plus à l’ouest, donc proche de la zone européenne. Le conflit est toujours dans notre pays et est toujours aussi important.

Pour revenir au tennis, l’ATP a décidé de n’accorder aucun point aux joueurs lors de Wimbledon, en réponse aux organisateurs du tournoi qui ont banni les joueurs et joueuses russes. Que pensez-vous de ce choix ?

Je suis déçu de cette décision. La Russie doit être isolée. C’est un pays démocratique, ils peuvent élire un nouveau gouvernement. Je pense que les athlètes et les autres personnes, ne devraient pas être autorisés à voyager en dehors de leur pays, c’est aussi simple que ça. Ils veulent vivre normalement en Europe, en France ou aux Etats-Unis mais aujourd’hui les athlètes ne prennent aucune responsabilité sur ce qu’est en train de faire leur propre gouvernement qu’ils ont élu.

Ce n’est pas correct. Ils ne veulent prendre aucune position pour dire si c’est bien ou non. Aucun joueur ou joueuse russe ne s’est exprimé contre l’invasion. Pour moi, si vous ne choisissez pas blanc ou noir, alors vous ne devez pas prendre part à des tournois comme Roland-Garros ou Wimbledon.

Est-ce que vous avez parlé avec des joueurs russes ?

J’ai parlé avec Andrey Rublev et je dirai que c’est le seul pour qui je me sens mal, car depuis le premier jour il essaye de dire non à la guerre et à tout ça. Mais malheureusement, le "non à la guerre" ne veut plus rien dire maintenant. Car si les Ukrainiens arrêtent de se battre, on n'existerait plus.

Les autres joueurs toujours en activité, je n’ai pas eu de contact avec eux. Ils n’ont jamais eu l’envie d’envoyer un message. Je ne vais pas me confronter à eux. C’est leur décision. S’ils préfèrent dire "je ne sais pas ce qu’il se passe en Ukraine", alors que leur armée est en train de tuer des hommes, des femmes, des enfants… C’est qu’il y a quelque chose quand même qui ne va pas.

Propos recueillis par Léna Marjak