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UFC: pourquoi Francis Ngannou a tout pour devenir une superstar mondiale

Vainqueur de Stipe Miocic sur un KO spectaculaire ce samedi soir à Las Vegas, Francis Ngannou est devenu le nouveau champion des lourds de l’UFC, plus grande organisation mondiale de MMA. Le surpuissant combattant camerounais a désormais tout pour devenir une superstar globale et "mainstream". Explications.

Un hommage comme une prédiction. Quand Dwayne Johnson a pris la plume virtuelle sur Twitter pour féliciter Francis Ngannou pour sa victoire sur Stipe Miocic, ce week-end à Las Vegas lors du combat principal de l’événement UFC 260, la star de cinéma (et ancien catcheur) a lâché des mots synonymes d’avertissement pour tous les poids lourds de l’UFC: "Le règne du Predator a commencé". Si son message peut paraître anodin au milieu des milliers partagés sur les réseaux sociaux, et de la liesse du côté de Batié, l’intervention de "The Rock" résume une idée qui pourrait se transformer en réalité. Le Camerounais, premier Africain détenteur de la ceinture des lourds de la plus grande organisation de combats de MMA, a tout pour devenir une superstar mondiale. Une étoile qui dépasse le simple cadre de la cage et de son sport.

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Le style, d’abord. Avec son physique sculptural et ses KO ultra spectaculaires, à l’image de celui infligé à Miocic, le colosse aux mains de béton – qui a atteint 10 KO/TKO plus vite que n’importe qui dans l’histoire de l’UFC (treize combats seulement) et possède le plus grand nombre de victoires par KO en deux minutes ou moins depuis l’instauration des règles unifiées en 2000 (sept) – ferait peur à n’importe quel être humain normalement constitué. Des qualités qui lui permettent de capturer l’imagination du grand public, toujours avide d’un "destructeur", et permettent de tirer un parallèle avec un certain Mike Tyson. Comme l'ancien champion du monde des lourds en boxe à sa grande époque, les combats de Ngannou deviennent des rendez-vous incontournables pour les aficionados des sports de combat comme pour ceux qui ne se tournent vers eux que pour de gros événements.

"Tout le monde sera devant sa télé"

On a envie de voir ça, quoi, et d’assister à une nouvelle démonstration de puissance brute de celui qui possède le record du monde de force de frappe. Une situation qui rappelle un certain Brock Lesnar, superstar du catch au physique herculéen assis sur le trône des lourds de l’UFC entre 2008 et 2010, comme l’expliquait avant sa quête du titre Daniel Cormier, ancien de détenteur des ceintures des lourds-légers et des lourds devenu consultant pour la chaîne ESPN: "Brock Lesnar était le dernier champion des lourds à capturer l’imagination de l’ensemble du monde sportif, c’était un gars que tout le monde voulait voir combattre. Avec le style de combat de Francis, s’il devient champion, tout le monde sera devant sa télé pour ses combats. Francis est le sur le pas de la porte pour devenir une superstar globale. Est-ce que vous imaginez quel genre de star il deviendrait s’il battait Stipe puis qu’il affrontait Jon Jones et le battait aussi?"

Dans un sport qui continue d'attirer de plus en plus de monde, notamment chez les jeunes, ce qui va participer à faire grimper sa popularité, il le serait sans doute déjà s’il avait remporté le titre il y a trois ans et signé derrière un "run" tel que celui avant la revanche contre Miocic, quatre combats remportés pâr KO/TKO en moins de trois minutes… en tout. Comme en 2018, quand il n’avait pas été à la hauteur du premier rendez-vous avec Miocic, l’UFC avait à coup sûr envie de voir le Camerounais prendre la ceinture tant il est plus "marketable" que l’Américain, qui possède plusieurs records de la catégorie à l’UFC (meilleure série de défenses du titre avec trois, égalité au nombre de combats pour le titre remportés avec six) mais s’écarte vite de la lumière après avoir combattu. Ngannou, qui promet d’être un champion plus actif que Miocic, n’a pas ce problème et saura mieux se "vendre" aux médias, d’autant que celui qui habite à Las Vegas se débrouille désormais plus que bien en anglais.

Francis Ngannou lors de son combat contre Jairzinho Rozenstruik en mai 2020
Francis Ngannou lors de son combat contre Jairzinho Rozenstruik en mai 2020 © AFP

Les scénarios autour de ses possibles prochains combats donnent également tous envie. Il y a la possibilité d’une trilogie avec Stipe, qui l’aurait bien mérité pour l’ensemble de son œuvre et ses quatre combats pour le titre remportés sans être le favori des bookmakers (record à l’UFC), pour une revanche de la revanche. Il y a l’Américain Derrick Lewis, classé juste derrière Ngannou dans le classement des challengers avant ce week-end et dernier homme à avoir battu Francis en juillet 2018 dans un combat soporifique au possible, pour une autre revanche. Il y a surtout Jon Jones, l’ancien roi des lourds-légers, qui passe chez les lourds et se chauffe avec le Camerounais depuis des mois.

Dana White, patron exécutif de l’UFC, avait promis que "Bones" serait au programme du vainqueur de Miocic-Ngannou. Mais l’Américain a déjà laissé entendre qu’il pourrait passer son tour – au profit de Lewis – si la proposition financière pour ce combat n’était pas à la hauteur de ses espérances. Si on était White et l’UFC, on n’hésiterait pas une seconde à sortir le chéquier tant l’intriguant choc entre le surpuissant Ngannou et l’invaincu ou presque Jones (sa seule défaite est une disqualification dans un combat qu’il dominait), l’un des meilleurs combattants de l’histoire, promet de faire un carton de ventes en pay-par-view. Il y a, enfin, la perspective d’un duel passionnant avec le Français Ciryl Gane, qui partage avec lui la plus longue série actuelle de victoires chez les lourds (cinq) mais qui a surtout partagé un temps l’entraînement avec lui.

Une histoire pour Hollywood

Le scénario s’écrit tout seul, au point qu’on imagine bien l’UFC avoir déjà préparé une bande-annonce: l’ancien protégé de Fernand Lopez à la MMA Factory, Ngannou, qui a quitté la salle parisienne sur quelques malentendus et avec une image écornée (il n’a d’ailleurs pas rendu hommage à la MMA Factory, où il a appris le MMA, après son sacre), qui retrouve dans l’octogone celui qui est désormais le meilleur représentant de Lopez et de la MMA Factory, Gane. De quoi remplir Bercy jusqu’aux cintres si la situation sanitaire permet d’accueillir du public – l’UFC ne viendra pas à Paris avant cela – et que White décide d’offrir aux fans français le combat qu’ils attendent. Bref, et sans même citer d’autres challengers qui vont monter dans les mois à venir, Francis a de quoi voir venir devant lui, autant d’opportunités de faire grandir sa notoriété s’il écarte les obstacles un par un an de son punch dévastateur (sans oublier le reste, car il a montré face à Miocic qu’il était désormais un combattant plus complet et mieux préparé).

On n’oublie pas, bien sûr, son histoire dans cette analyse du côté "marketable" du Camerounais. Avec son enfance difficile, qui l’a vu travailler dans une mine de sable, et son parcours de migrant qui a traversé plusieurs pays, dormi dans les bois au Maroc et fait de la prison en Espagne pour rejoindre son exil européen, avant de vivre un temps dans les rues de Paris, le tout pour finir au sommet de l’UFC moins de dix ans plus tard, Ngannou semble destiné à voir Hollywood raconter son incroyable destin sur grand écran. Le cinéma lui fait d’ailleurs déjà les yeux doux puisqu’il apparaîtra dans le dernier opus de la saga Fast & Furious, dont la sortie est prévue en juin. Ngannou avale l’escalier de la gloire avec appérit. Vu tout ce qu’il a pour lui, il n’a pas fini de monter les marches quatre à quatre. Et si l’UFC avait trouvé, après Ronda Rousey et Conor McGregor, sa nouvelle star globale et "mainstream"? Le potentiel est là. A Ngannou, et on peut lui faire confiance pour ça, de l’exploiter au mieux.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport