
UFC: Ngannou en février? Un avenir dans la boxe? Les confessions de Gane à ses fans
Il est arrivé dans un beau costard, sa scintillante ceinture sur l’épaule. Champion intérimaire des lourds depuis sa victoire sur Derrick Lewis en août à Houston, Ciryl Gane a pu mesurer sa notoriété grandissante ce mardi soir à Paris. A l’invitation de l’UFC, "Bon Gamin" avait donné rendez-vous à ses fans en fin d’après-midi au Grand Rex, célèbre salle de cinéma, pour une session de questions-réponses avec lui. De quoi réunir environ soixante-dix personnes – logique qu’il n’y en ait pas plus vu l’horaire en semaine – prêtes à l’interroger avant de revoir sa "masterclass" (c’est lui qui le dit, et c’est bien ce qui s’est passé) face à Lewis sur grand écran.
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Si Gane doit encore franchir des caps sur le plan de la célébrité dans un pays où le MMA en compétition a été légalisé depuis à peine plus d’un an, à l’image de ces deux jeunes femmes venues voir un film et dont l’une lâche un "C’est un champion dans les sports de combat, mais je ne sais pas dans lequel et je ne me souviens plus de son nom" en le croisant, l’enthousiasme de ses supporters présents faisait plaisir à voir, à l’image d’un père de famille qui avait emmené son jeune fils au rendez-vous. Le gentil géant, lui, est resté fidèle à ce qu’il est. Sympathique, souriant, accessible. Bonnard, quoi.
"Plutôt pour février"
"On s’est déjà vu, non?", lance-t-il avec un clin d’œil à un fan au premier rang. "C’est obligatoire de me tutoyer", précise-t-il à un autre qui lui demande en introduction de sa question. Des interrogations qui tournaient presque toutes autour d’un seul thème: la perspective de son combat d’unification du titre des lourds contre le champion "régulier" de la catégorie, le Camerounais Francis Ngannou, qu’il a un temps côtoyé au MMA Factory quand Ngannou était toujours drivé par Fernand Lopez, le coach de Gane et patron de la célèbre salle d’entraînement parisienne.
Après sa victoire par TKO sur Lewis, les premières rumeurs évoquaient la possibilité d’organiser la chose en décembre, à Paris si possible ou sans doute à Las Vegas si la première option n’était pas disponible. Les dernières pointaient plutôt le mois de janvier. Et à écouter le principal intéressé, il semble qu’on devra attendre un peu plus longtemps. "On a appris ce matin qu'on visait plutôt février", confie-t-il aux fans. Avant de préciser que rien n’était encore confirmé, d’autant que certains affirment que l’ancien roi des lourds-légers Jon Jones pourrait lui passer devant pour affronter Ngannou en premier.
Reste à savoir si Gane-Ngannou se fera en France. Aucune certitude pour l’instant. Mais le combattant tricolore a déjà l’appui des autorités sportives de son pays dans ce projet qui plaît à Dana White, patron exécutif de l'UFC. Gane était en costard au Grand Rex car il sortait du ministère et d’une rencontre "très positive" avec Roxana Maracineanu: "Elle est super partante pour que ça se fasse à Paris, tous les voyants sont au vert pour elle et elle a juste demandé ce qu'on attendait". En attendant, Ciryl profite des premières semaines de vie de sa deuxième fille, Mona, née trois jours après son retour de Houston ("Je suis chanceux que ça se soit passé comme ça", savoure-t-il). Il pense à Ngannou, bien sûr, mais aussi à la suite, quoi qu’il arrive contre Francis.
Dans la lignée de son slogan "n’importe qui, n’importe quand, n’importe où", son visage s’éclaire à l’idée d’affronter Jones ou l’ancien champion Stipe Miocic. "Tout le monde, résume celui qui a disputé son premier combat pro de MMA en août 2018 et dont l’appétit est encore loin d’être rassasié. Car je suis encore là pour un certain temps." Nature, honnête, Gane avoue à ses fans avoir en grande partie pris le chemin du MMA "pour l’argent". Il répète ne pas avoir peur de la défaite ou du KO, "car c’est notre boulot". Dans un sourire, il se fend d’un "lourdaud" pour évoquer Lewis, son dernier adversaire, et ne se tourne pas vers la langue de bois quand la salle en rigole: "C’est vrai, non?" Il a aussi évoqué l’avenir lointain. "J’ai le cinéma dans le viseur", confirme l’homme qui a déjà joué dans la série Validé de son pote Franck Gastambide et dans le film En passant pécho diffusé sur Netflix.
"Tu sens cette science du ring"
S’il a découvert les sports de combat sur le tard via le muay-thaï, une autre discipline de ce milieu le titille: "J’aimerais faire un tour du côté de la boxe anglaise", qu’il a pu savourer de près vendredi dernier à Roland-Garros en allant voir les belles victoires de Mathieu Bauderlique, Souleymane Cissokho et Tony Yoka. Un discours qui ressemble à celui de… Francis Ngannou, qui a toujours répété qu’il aimerait basculer à terme dans le noble art, là où les combattants peuvent le mieux gagner leur vie quand ils atteignent les sommets.
Réaliste? Quand il avait partagé des séances de sparring avec Mourad Aliev, boxeur de l’équipe de France olympique présent aux Jeux de Tokyo (pour une défaite plus que controversée en quart chez les super-lourds), avant son combat contre Alexander Volkov fin juin, les témoins racontent un Gane qui avait tenu son rang. Avec un potentiel évident pour celui que beaucoup voient comme le meilleur striker chez les lourds de l'UFC. "Il est intelligent, expliquait alors John Dovi, manager de l’équipe de France olympique et consultant RMC Sport. Il tend des pièges et il sait quand ça va partir. Tu sens cette science du ring et cette notion de prendre son temps, de la gestion. Il vient d’une discipline où on est très à l’aise avec les déplacements donc sa qualité sur ce plan ne m’a pas étonné. Mais sa gestion de l’espace est impressionnante, cette notion de 'je repars, je reviens'. C’est presque de la boxe amateur de haut niveau. Cette mobilité-là n’est pas fréquente chez les lourds."
Fernand Lopez, qui parle de son poulain avec les yeux de l’amour, l’imaginait même déjà monter très haut: "Je suis persuadé que si Ciryl se met à fond sur la boxe anglaise, il fait les JO dans cette discipline. Il a un niveau incroyable pas juste parce qu’il est un bon frappeur mais parce qu’il est capable de cavaler pendant trente minutes sans s’arrêter. Ses changements de direction rendent fou n’importe qui. Les mecs comme Mourad ont une très belle technique mais ils vont te coincer dans un coin et te marbrer le corps. Sauf que tu ne coinces jamais Ciryl! Un coup il te fuit, et quand tu veux le suivre, il change de direction, il vient vers toi et il t’embrasse. Ensuite quand tu penses qu’il va fuir à nouveau, il te contre et t’allume. C’est très compliqué de boxer avec lui."
Dovi, qui collabore avec Lopez depuis longtemps, devrait continuer à l’aider à progresser "à mi-distance, dans ce travail de percussion, les appuis au sol, anticiper, remiser, la boxe anglaise pure". Et de poursuivre: "Il est tellement facile sur ses déplacements qu’il lui manque la gestion quand il frappe très fort, sortir un peu du registre qu’on lui connaît pour surprendre. Il faut alterner entre mobilité, poser les appuis, déclencher, travailler fort et repartir sur les jambes. Peu de personnes peuvent faire ça." Mais "Bon Gamin" n’est pas n’importe qui. Toujours invaincu en MMA (comme il l’était resté en muay-thaï avant sa transition), Ciryl Gane est en train de conquérir l’UFC à vitesse grand V. Vu sa capacité d’apprentissage ultra rapide, on dit déjà bonne chance aux premiers boxeurs qui le croiseront s’il vient un jour à se mettre à fond dans cette discipline.