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UFC 269: Dustin Poirier, l’or après l’argent?

Double vainqueur de Conor McGregor en 2021, Dustin Poirier aurait pu combattre pour la ceinture des légers de l’UFC en mai dernier. Mais il a préféré le gros chèque du choc contre la superstar irlandaise. Cinq mois plus tard, le combattant américain battu par Khabib Nurmagomedov pour le titre en 2019 a enfin une nouvelle chance de toucher son Graal ce week-end à Las Vegas (à suivre en direct et en exclusivité à partir de 4h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 2) contre le combattant brésilien Charles Oliveira. Et il s’avance en favori des observateurs.

Quelle priorité dans une carrière? Plus que d’autres disciplines, les sports de combat suivent une double courbe entre quête de l’éternité sportive et collecte du portefeuille le plus garni possible symbolisée par le terme prizefighter, littéralement "combattant pour l’argent", utilisé depuis les débuts du noble art pour désigner les boxeurs professionnels. Dans des sports où chaque apparition vous fait prendre un risque pour votre intégrité physique à court comme à long termes, il est tout sauf illogique de vouloir maximiser son potentiel financier quitte à faire certains choix discutables. Prenez Conor McGregor. Double champion UFC à l’époque, début 2017, la superstar irlandaise avait-elle eu raison d’aller chercher les millions de dollars de son ultra lucratif rendez-vous dans un ring avec Floyd Mayweather plutôt que de continuer à écrire sa légende dans le MMA?

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On peut entendre les arguments des deux côtés. Alors, la gloire ou la bourse ? Au printemps dernier, Dustin Poirier a répondu sans laisser de place au doute. La bourse d’abord. La gloire ensuite. Alors qu’il avait pris sa revanche sur McGregor (qui l’avait mis TKO en septembre 2014) en janvier lors de l’UFC 257, une victoire au deuxième round avec le premier TKO subi en carrière par "The Notorious", "The Diamond" avait sa place réservée pour affronter Charles Oliveira en mai pour la ceinture vacante des légers – retraite de l’invaincu Khabib Nurmagomedov oblige – lors de l’UFC 264. Mais l’Américain a préféré refuser et opter pour un retour dans la cage deux mois plus tard, en juillet, pour une trilogie contre l’Irlandais. Qui pouvait le priver d’un combat pour le titre direct en cas de défaite mais qui était surtout assurée de lui rapporter plus. Beaucoup plus.

"L’argent est plus important, j’ai des bouches à nourrir", avouait-il alors sans se cacher. Affronter McGregor, toujours la plus grande star de la discipline même s’il a remporté un seul combat de MMA depuis cinq ans (!), est la garantie d’un énorme chèque. Et dans les conditions proposées, avec un pourcentage assuré sur les ventes de l’événement, la différence était trop notable pour ne pas être prioritaire dans l’équation. "Si j’avais combattu pour la ceinture, je n’aurais pas eu de points de pay-per-view, précisait-il. J’aurais obtenu un salaire de base qui n’est même pas le tiers de mon salaire de base pour ce troisième combat contre McGregor. Cela n’a aucun sens de prendre le premier. Je suis un prizefighter. Je ne veux pas critiquer l’UFC pour la façon dont ils font leurs deals mais je fais cinq à dix fois plus d’argent pour affronter Conor une troisième fois. Je suis un père, un mari, j’ai des priorités. En plus, là, j’ai des points de pay-per-view. La question ne se pose pas."

Jackpot

Pas longtemps, en tout cas. Et avec l’idée de miser sur lui-même. "J’ai pris cette décision assez facilement, concluait-il. Si je suis le meilleur au monde, comme je le pense, je battrai Conor et je combattrai pour la ceinture ensuite. C’est comme de parier sur moi. Je suis un homme qui aime les paris et je crois en mes qualités. Donc j’ai décidé de prendre ce risque." Bonne pioche. Comme leur choc de l’UFC 257, la troisième danse avec McGregor est entrée dans le top 4 des événements les plus vendus… de l’histoire de l’UFC! Pour un jackpot à plusieurs millions de dollars pour Poirier, renforcé par une nouvelle victoire sur l'Irlandais, arrêté par le docteur sur une grave blessure à la jambe, qui lui a ouvert la voie vers un choc pour le titre ce week-end à Las Vegas contre Charles Oliveira, devenu champion en battant Michael Chandler sur TKO à l’UFC 262.

L’occasion pour le combattant classé cinquième au classement pound-for-pound (toutes catégories confondues) de l’UFC de toucher enfin un Graal qui lui échappe malgré une carrière qui en rendraient beaucoup jaloux. Et de satisfaire la promesse faite à sa femme Jolie de devenir champion du monde incontesté à l'UFC, comme il l'a rappelé ces derniers jours en conférence de presse: "Si je prends la ceinture samedi, j’aurais fait tout ce que je voulais réaliser dans ce sport. J’ai mis ma famille à l’abri sur le plan financier, j’ai d’autres business en dehors… Mais je dois cocher cette case. Personne ne pourra me l’enlever si je le fais. Ce sont vingt-cinq minutes pour l’éternité. Que je gagne ou que je perde, mon parcours n’aura pas été vain. Mais c’est ce qui va tout cimenter."

Anthony Pettis, Justin Gaethje, Eddie Alvarez, Max Holloway, Dan Hooker, McGregor par deux fois: la liste des noms battus par "The Diamond" depuis quatre ans dit tout des qualités de ce combattant spectaculaire et polyvalent qui présente un bilan de 28-6 en carrière et dont la première apparition à l’UFC remonte à janvier 2011. Il a même été champion intérimaire des légers en 2019, à la faveur de son succès sur Holloway, avant de buter quelques mois plus tard sur la dernière marche, le boss final pour devenir champion incontesté, Khabib Nurmagomedov, qui l’a soumis après avoir été pas loin de se faire surprendre sur une guillotine.

Dustin Poirier (de face) lors de son troisième combat contre Conor McGregor en juillet 2021
Dustin Poirier (de face) lors de son troisième combat contre Conor McGregor en juillet 2021 © AFP

Une défaite qui l’a "abattu, le cœur brisé", avec la sensation d’avoir "tout gâché", et dont les souvenirs refont parfois surface, blocage mental qu’il surmonte via des exercices de psychothérapie comme écrire chaque matin dans un journal les choses pour lesquelles il est reconnaissant dans sa vie et placer dans un cercle ou en dehors les choses qu’il peut contrôler et celles qui lui échappent. L’idée, classique, reste consiste à voir le positif: Khabib, un des meilleurs combattants de l’histoire, si dominateur face à la concurrence, aura été le seul à le faire chuter depuis plus de cinq ans et sa défaite contre Michael Johnson en septembre 2016! Autant dire que si quelqu’un mériterait de devenir champion chez les légers, c’est bien lui…

Ce sera peut-être pour ce week-end. Où Poirier va se présenter en challenger mais en favori des observateurs, à l’image de son ancien bourreau Nurmagomedov qui donne un "60-40" en sa faveur ou de Justin Gaethje – a priori le prochain challenger pour le titre après sa victoire sur Chandler à l’UFC 268 – qui serait motivé à l’idée de prendre sa revanche contre Poirier (victoire par TKO en 2018) mais selon qui Oliveira serait "un combat plus facile" car "il n’y a pas de putain de chien dans cet homme".

Mais pas question de sous-estimer son adversaire brésilien, Charles Oliveira (31-8 en carrière en MMA), qui a lui aussi connu un long parcours semé d’embûches avant de se parer d’or en mai dernier pour devenir le champion le plus "tardif" (vingt-huitième combat dans l’organisation) de l’histoire de l’UFC. Un spécialiste du sol, maître du jiu-jitsu brésilien et des soumissions – quatorze victoires obtenues de cette manière, record de l’UFC, pour un total de dix-sept finitions (KO/TKO ou soumissions), autre record de l’organisation – qui reste sur une série de neuf succès et qui ne compte pas abandonner comme ça sa ceinture.

Alerte feux d'artifice

"Ce type est très dangereux, redoutable, il est l’un des meilleurs au monde pour soumettre les gens, reconnaît Poirier pour MMA Junkie. Il a tellement de finitions, tellement d’expérience, tellement de confiance en lui maintenant qu’il est champion… C’est un combat énorme pour lui, pour son héritage, comme pour moi et pour mon héritage. Toute l’expérience acquise au cours de notre carrière nous a menés à ce moment. Je respecte son parcours pour arriver là où il est car j’ai un parcours similaire." Un parallèle résumé par une statistique qui pointe les grandes forces de chacun: ce choc est le premier de l’histoire de l’UFC opposant un combattant qui compte au moins dix victoires par soumission dans l’organisation (Oliveira, quatorze comme on l’a vu) à un combattant qui affiche au moins dix succès par KO/TKO (Poirier, dix). Et jamais une affiche pour une ceinture n'avait réuni un duo présentant autant de combats, victoires, finitions et bonus combinés à l'UFC.

Habitués aux "guerres", souvent gratifiés de bonus (Oliveira a le deuxième total du genre dans l’histoire de l’UFC et le plus de "Performance de la soirée", Poirier présente le deuxième total des "Combat de la soirée"), les deux ne lâchent rien et offrent la garantie d’un beau spectacle dans la cage. Meilleur debout et sans doute plus complet, même si Oliveira a prouvé qu’il n’était pas seulement une machine à martyriser la concurrence au sol et qu’il savait faire parler ses poings, Poirier a déjà son plan en tête pour monter sur le trône: "Je veux emmener ce combat en eaux profondes et voir qui en veut le plus, qui est prêt à saigner davantage et à tout donner, car je sais sans aucun doute que ce sera moi".

Pas de quoi inquiéter le champion pour autant. "Les strikers le mettent au sol facilement et vous savez ce qu’il va se passer si je le mets au sol, prophétise-t-il pour MMA Fighting. S’il veut échanger debout? Tu sais que je frappe fort mon frère. J’ai de la puissance de feu dans mes mains, j’ai mon jiu-jitsu. Je le respecte beaucoup mais je veux rester champion. Je ne veux pas laisser les juges décider." Dustin Poirier, qui pourrait s’offrir une année 2021 légendaire entre le doublé contre McGregor et la ceinture, non plus. Alerte feux d’artifice sur Las Vegas.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport