
UFC: Khabib Nurmagomedov est-il le GOAT du MMA? Le RMC Fighter Club répond
Est-il le GOAT? Après la retraite surprise (on l’attendait un combat plus tard) de Khabib Nurmagomedov à l’issue de sa victoire par soumission sur Justin Gaethje lors de l'événement UFC 254, la question a enflammé les débats dans le milieu du MMA et dans le podcast RMC Fighter Club. Le champion des légers de l’UFC, qui quitte l’octogone sur un bilan immaculé en carrière de 29-0, est-il le plus grand combattant de l’histoire de sa discipline? Si l’UFC lui a accordé son souhait d’être placé en tête du symbolique classement pound-for-pound (toutes catégories confondues) de la compagnie, ce qui a mis en rogne un certain Jon Jones, mettre en perspective sa place dans l’histoire n’est pas simple, surtout à une époque où la dictature de l’instant l’emporte sur tout. Car il y a du monde en face.
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Mais il y a du pour. Dans un sport où la moindre erreur peut être fatale et vous coûter votre "0", terminer sa carrière à 29-0 dépasse le mot exploit, encore plus que voir un Floyd Mayweather raccrocher les gants de boxe à 50-0. Il ne s’est jamais raté. N’a jamais fait d’erreur. On est sur de l’irréel, de l’improbable. On est sur Khabib, sans discussion possible le champion le plus dominant de l’histoire du MMA comme le confirme son record UFC de rounds remportés 10-8 (score donné si vous dominez votre adversaire tout au long de la reprise, contre 10-9 habituellement). Il n’y a pas meilleur argument pour le possible statut de GOAT du roi du sol. Jamais envoyé à terre (knockdown), celui qui a égalé le record de défenses du titre des légers de l’UFC (trois, comme BJ Penn et Benson Henderson) n’a surtout jamais été coupé profondément dans sa carrière. Il n’a jamais saigné. Et dans ce sport, c’est juste dingue.
On peut également citer ses trois dernières victoires, sur Conor McGregor, Dustin Poirier et Justin Gaethje, toutes par soumission, en marqueur de son côté intouchable puisqu’il s’agit peut-être du plus impressionnant "run" de trois succès consécutifs (en termes de qualité de l’adversité et de facilité à s’en défaire) de l’histoire de l’UFC. Beaucoup faisaient de Gaethje son plus grand test. On s’est surtout vite rendu compte que c’était l’inverse: Khabib est bien le test ultime pour tout combattant de sa catégorie, le boss de fin à battre pour terminer le jeu. Si l’on devait choisir quelqu’un obligé de gagner un combat dans sa catégorie pour nous sauver la vie, on n’aurait aucune hésitation à sélectionner le Daghestanais. Bref, il a des arguments. Qui ont entre autres poussé Dana White, patron exécutif de l'UFC, et Sean Shelby, matchmaker de l'organisation, à en faire leur GOAT.
"Il vient seulement de commencer à combattre l'élite"
Mais il y a aussi du contre. Un bilan en trompe-l’œil, d’abord. Si sa série de treize victoires depuis son arrivée à l’UFC en 2012 est la deuxième plus longue (à égalité) de l’histoire de la compagnie, impossible de ne pas souligner combien son début de carrière dans des organisations locales a été plus facile. Ses seize premiers adversaires? Un bilan total en carrière(s) de 160-121, dont sept avec un bilan négatif (un d'entre eux ne compte qu’un combat pro, sa défaite contre Khabib) et aucun qui a foulé l’octogone de l’UFC (un seul a été signé au Bellator, deuxième plus grosse organisation de la planète). Loin d’une opposition de très haut niveau, quoi. "Il vient seulement de commencer à combattre l’élite", s’amusait ainsi Jon Jones sur Instagram il y a quelques jours. Dominant, Nurmagomedov ne l’aura pas été assez sur la longueur à l’UFC pour être l’indiscutable GOAT, à l’image de ses quatre victoires dans des combats pour une ceinture (trois défenses depuis l’avoir conquis en avril 2018) contre… quatorze pour l’Américain Jon Jones.

Le règne du Brésilien Anderson Silva avec la ceinture des moyens est par exemple beaucoup plus impressionnant: seize victoires consécutives (certaines dans la catégorie supérieure) et 2457 jours avec la ceinture, défendue dix fois. On peut aussi citer l’Américain Demetrious Johnson, sans doute le combattant le plus "parfait", qui avait défendu onze fois (un record) sa ceinture des mouches dans un règne de 2142 jours. Ou encore le Canadien Georges St-Pierre, champion des welters pendant 2064 jours. Il y a aussi son style, pas aussi spectaculaire que ceux de ses rivaux, presque chiant quand on n’est pas un puriste même s’il a élargi sa palette avec le temps. Mais pourquoi changer une formule qui marche?
Si Anderson Silva s'était arrêté à temps...
Il y a, enfin, son choix de ne jamais tester sa domination dans les eaux de la catégorie supérieure pour devenir champion dans deux divisions, comme a pu le faire un GSP (welters et moyens), et ce destin qui l’aura empêché de se mesurer à Tony Ferguson, vu comme celui qui paraissait le plus à même de le faire chuter grâce à son style atypique et sa capacité à attaquer sur le dos au sol. Avec tout ça, on finit par répondre non. Khabib n’en est pas loin mais n’est pas le GOAT du MMA. On aurait pu le donner à Anderson Silva – recordman du pourcentage de coups significatifs qui ont touché (sur au moins mille tentés) à l’UFC avec 61% – s’il avait arrêté sa carrière au bon moment, sans les défaites (sept sur ses neuf derniers combats, avec aussi un no contest) et les contrôles antidopage d’une fin de parcours en eau de boudin.
On devrait citer Jon Jones, le plus jeune titré de l'histoire de l'organisation (vingt-trois ans et huit mois), champion incontesté des lourds-légers sportivement depuis plus de neuf ans malgré quelques victoires à la décision litigieuses, qui a dominé tant de grands noms (Mauricio Rua, Quinton Jackson, Lyoto Machida, Rashad Evans, Vitor Belfort, Chael Sonnen, Alexander Gustafsson, Daniel Cormier, etc), dont la seule défaite remonte à plus de dix ans et n’en est pas vraiment une (disqualification alors qu’il dominait Matt Hamill) et qui pourrait bientôt s’attaquer à la ceinture des lourds. Sur le pur plan sportif, c'est sans doute lui. Mais ses contrôles positifs – même si l’agence américaine antidopage n’a pas pu prouver qu’il avait triché intentionnellement – et ses casseroles extra-sportives ne jouent pas en sa faveur à nos yeux. Et les autres grands noms de l’histoire, les Roy Gracie, Fedor Emelianenko, Chuck Liddell, Randy Couture, BJ Penn, Jose Aldo, Conor McGregor, Amanda Nunes, Daniel Cormier, ont tous une ou plusieurs choses qui manque(nt).
Rendez-vous pris pour Israel Adesanya?
Tout bien réfléchi, un seul nom dépasse Khabib: St-Pierre, ses treize victoires dans des combats pour un titre (deuxième derrière Jones) et son bilan à 20-2, deux défaites (Matt Serra et Matt Hughes) vengées par la suite. Il aurait peut-être fallu voir un GSP-Silva, rêve jamais devenu réalité, pour cimenter tout cela pour de bon. Mais on peut dire pareil de Khabib avec… GSP, contre qui un combat pour le 30-0 était dans les tuyaux. Le Daghestanais mettra-t-il tout le monde d’accord en sortant de sa retraite pour atteindre ce 30-0 promis à son père et coach décédé cet été? Dana White a laissé cette porte ouverte ces derniers jours.
Si cela se fait face à St-Pierre, même si ce dernier affiche trente-neuf années au compteur, la discussion sur le GOAT reviendra à coup sûr sur le tapis. Mais dans un sport encore jeune et qui évolue avec le temps, c’est peut-être un autre qui réglera le débat: Israel Adesanya, le spectaculaire et invaincu (20-0) champion des moyens, qui va monter chez les lourds-légers pour défier le champion Jan Blachowicz (Jones a abandonné sa ceinture pour monter chez les lourds) dans les mois à venir. S’il la remporte puis qu’il défie Jones et le bat, que ce soit chez les lourds-légers voire chez les lourds, le trône pourrait vite lui revenir.