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UFC 246: Conor McGregor, le retour ou la fin

Absent de la cage depuis octobre 2018, Conor McGregor effectue son grand retour à l’UFC ce samedi soir à Las Vegas (en direct sur RMC Sport 1) face à Donald "Cowboy" Cerrone à l’occasion de l’événement UFC 246. Une superstar irlandaise en quête de rédemption après plus de trois ans sans victoire (et presque sans combat) et des frasques extra-sportives en pagaille. L’homme semble avoir changé, s’être retrouvé en puisant dans son passé.

Le grand écart fait sourire. En novembre 2016, juste après avoir battu Eddie Alvarez pour devenir champions des légers au Madison Square Garden de New York, Conor McGregor avait eu ces mots: "J’aimerais profiter de ce moment pour m’excuser... auprès d’absolument personne!" Près de trois ans plus tard, en août dernier, pour sa première interview depuis de longs mois au micro de la chaîne ESPN, ‘The Notorious’ s’excusait... auprès de tout le monde ou presque. Il avait eu "tort", reconnaissait "des erreurs", "un comportement inacceptable". Il souhaitait "rectifier le tir", pour sa famille, pour ses fans, être "une bonne personne", "(s)e contrôler", "donner l’exemple", "apprendre de tout cela et grandir". Il lâchait le mot "rédemption". Elle était nécessaire. 

Triste sire

Plus grande star de l’UFC, aimant à dollars, le combattant irlandais, qui fait son retour et entame cette rédemption ce samedi soir à la T-Mobile Arena de Las Vegas contre Donald "Cowboy" Cerrone à l’occasion de l’événement UFC 246, semblait sombrer toujours un peu plus dans une spirale infernale qui le muait en triste sire. Quelques jours plus tôt, TMZ avait diffusé une vidéo datant du mois d’avril dans laquelle on pouvait le voir s’en prendre physiquement à un vieil homme dans un bar de Dublin. L’Octogone paraissait loin, la descente aux enfers moins. L’Irlandais n’avait combattu qu’une fois en près de trois ans, en octobre 2018, défaite sans discussion contre son rival daghestanais Khabib Nurmagomedov pour le titre des légers dont il avait été destitué quelques mois auparavant pour inactivité.

Presque un "spectacle" entre des attaques verbales au-delà de la limite venues de Conor pré-combat, de la famille en passant par la religion, et une bagarre générale proche de la mêlée de rue post-combat qui lui vaudra (comme à d’autres) une amende et une suspension par la commission athlétique du Nevada. Et la spirale avait démarré plus tôt. Le titre destitué, donc. Puis dans l’ordre. L’attaque d’un bus dans lequel se trouvait Khabib avec un chariot métallique en avril 2018 (il plaidera coupable pour éviter la prison, condamné à des travaux d’intérêt général et un stage de gestion de la colère). Le téléphone brisé d’un fan qui tentait de le prendre en photo en Floride une nuit de mars 2019 (les charges contre lui seront abandonnées).

Le "mugshot" de Conor McGregor après son arrestation par la police de Miami Beach en mars 2019
Le "mugshot" de Conor McGregor après son arrestation par la police de Miami Beach en mars 2019 © AFP

Quinze jours plus tard, le New York Times révèle qu'une enquête a été ouverte contre lui dans son pays pour une agression sexuelle, pour laquelle il a été arrêté puis relâché après déposition. Quelques heures avant la publication, il annonce sa retraite sportive sur les réseaux sociaux, pas une première et encore du flan (il reconnaît n’en avoir jamais eu l’intention), moyen comme un autre de détourner l’attention. Le quotidien américain révélera une deuxième accusation du même ordre en octobre dernier. McGregor nie et demande "de la patience", explique que "le temps montrera les choses". En attendant, un journaliste qui tente une question sur le sujet ces derniers jours dans un événement public doit ravaler son micro, hué à gros décibels par les fans de l’Irlandais. On rajoute bien sûr à la liste l’épisode du bar. Avec tout ça, même certains de ses fans les plus assidus s’éloignaient. Les critiques pleuvaient dans les médias comme sur les réseaux sociaux.

Même son coach historique, John Kavanagh, remettait en question leur collaboration après le combat contre Khabib. Il doutait de la motivation de son poulain, sans doute trop repu. L’origine du mal. La face cachée de tout ce qu’il a toujours annoncé vouloir: "Pas juste participer mais prendre le contrôle". Mi-novembre 2016, premier double champion en simultané de l’histoire de l’UFC et sa nouvelle superstar, McGregor est un roi solide sur son trône. Les deux dernières années ont transformé l’étoile naissante en comète scintillante et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Cartes en mains, magistral au micro, il obtient ce qu’on pensait impossible: Floyd Mayweather dans un ring, en août 2017, pour une défaite mais le deuxième pay-per-view le plus consommé de l’histoire (derrière Mayweather-Pacquiao) et un chèque à plusieurs dizaines de millions de dollars totalement impensable pour un combattant MMA. 

Consumé dans sa propre réussite

McGregor est riche, célèbre bien au-delà de ce que sa discipline offre d’habitude. Les business se multiplient et il lance sa marque de whisky, qui fait un carton. La tête n’est plus uniquement au MMA et le personnage se consume dans sa propre réussite. "C’est souvent le danger, expliquait George St-Pierre, légende de la discipline, à RMC Sport il y a quelques mois. Les gens changent avec le succès et l’argent." "Tout lui réussit et quand ça se passe comme ça, tu perds le goût de l’effort et du sacrifice, tu oublies tous les efforts que tu fournissais avant, analyse Taylor Lapilus, combattant MMA français ancien de l’UFC (où on espère le revoir vite) et consultant RMC Sport. Il a été victime de cet immense succès médiatique et sportif. La vie qu’il menait n’allait pas avec la vie d’athlète. L’envie était là mais il a monté des business et la vie faisait qu’il ne pouvait malheureusement plus être dedans. Il a perdu son focus sur le combat. C’est un homme d’affaires accompli et je pense que cette envie-là était un peu partie."

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Ce qui en a fait la plus grande star de son sport, et de loin, l’aura aussi rongé. Mais la flamme a fini par se rallumer. "C’est comme si, de temps en temps, j’avais besoin de tout perdre pour tout regagner", lançait-il ce mercredi face à notre caméra. Qu’on se le dise, et c’est d’abord lui qui le répète: Conor McGregor est de retour. "Je dirais que c’est un nouveau Conor", confiait-il ces derniers jours dans une nouvelle passionnante interview accordée à Ariel Helwani, journaliste spécialisé MMA pour ESPN qui l’a trouvé "heureux, relaxé, en paix, presque zen" et ne se souvenait "pas de lui comme ça, et surtout pas avant son combat contre Khabib où il était bien trop en colère, agressif et intense". Et l’intéressé d’ajouter: "Je me sens revigoré".

L'exemple LeBron James

Il n’en fait "pas une question d’argent", qu’il a déjà "pour toujours": "Aucune somme n’arrêtera ma faim de compétition, de faire le show, et de vivre comme je l’apprécie. (...) Je continue car j’aime ça, j’aime ce business sauvage." Il annonce compter devenir "milliardaire à trente-cinq ans", âge minimum jusqu’où il se voit se combattre et "viser la liste des athlètes les mieux payés" mais son rapport aux billets verts semble avoir changé. Il avoue dépenser moins et préféré "créer" (il a participé au design de sa marque de vêtements en association avec Reebok), s’est inspiré de LeBron James en lisant que le basketteur star de NBA "dépensait 1,5 million de dollars par an pour la nutrition et son corps" quand lui préférait une montre ou une belle voiture: "Maintenant, je dépense sur moi, ma santé, ma condition physique". 

L’homme paraît transformé. Il prétend avoir pris du recul, appris sa leçon et ne plus réagir à tort à ce qu’il considère comme des attaques des médias ou autres. Il explique avoir retrouvé l’envie auprès des siens, et surtout ses deux enfants, une petite fille étant venue rejoindre son garçon. Il ne cache pas avoir des choses à se prouver, tout comme à ceux qui croient en lui et qui "méritent mieux". Son coach, qui confirme que son protégé a retrouvé son envie d’apprendre et sa passion du combat, apporte une autre source d’envie dans la série vidéo UFC Countdown: "Il a gagné les ceintures, l’argent et il a mis du temps à trouver ce qu’il pouvait réussir de plus. Mais il a trouvé une nouvelle motivation qui consiste à être le meilleur Conor McGregor que l’on n’a jamais vu. Et je pense que ce sera le cas."

Conor McGregor (de face) lors de son dernier combat à l'UFC contre Khabib Nurmagomedov en octobre 2018
Conor McGregor (de face) lors de son dernier combat à l'UFC contre Khabib Nurmagomedov en octobre 2018 © Icon Sport

On nous l’a changé, quoi, et ça se voit. Dana White, patron exécutif de l’UFC, explique qu’il a été "à l’heure à tous ses rendez-vous" avant ce combat contre Cowboy, qu’il apprécie sans s'en cacher. En conférence de presse comme ailleurs, il a marqué son respect à son adversaire, serré la main et pas dit un mot plus haut que l’autre. Peut-être une façon de se racheter une image, peut-être un véritable changement profond. Il va en tout cas jusqu’à reconnaître avoir "peut-être été trop loin sur certaines choses" dans les mots avant Khabib. "On peut voir que Conor est bien mieux dans sa tête, confirme Dana White au micro de RMC Sport. Lors de la conférence de presse avant Khabib, c’était tout l’inverse. Et c’était le début de tous ses problèmes. Conor parle bien, il paraît dans le bon état d’esprit. En général, quand tout va bien dans votre vie personnelle, le reste va avec."

Abstinence d'alcool

"Là, on se dit que ça ne rigole pas, sourit Taylor Lapilus. Il n’a fait aucune frasque. Il n’est pas du tout rentré dans un jeu de trash-talking, mis à part deux-trois répliques plutôt marrantes. Il a montré beaucoup de respect, d’humilité. On sent qu’il a envie de faire amende honorable et qu’il s’est concentré sur ce qu’il savait faire de mieux: s’entraîner et combattre." Son camp d’entraînement, à l’opposé de celui "horrible" avant Khabib dans lequel il avoue qu’il disparaissait parfois pour trois jours après une séance de sparring et "ne vivai(t) pas comme (il) aurai(t) dû vivre" car pas assez sérieux en dehors de la salle (son entourage confirme), a été "sans défaut" selon ses mots et ceux de son staff, avec qui il explique avoir rétabli une meilleure communication et plus "livrer (s)es sentiments". Les dérives sont aussi moins présentes. 

Conor avoue ainsi avoir consommé de l’alcool comme jamais en carrière la semaine avant Khabib: "J’avais ce venin en moi, je ne sais pas pourquoi". Mais il affirme l’avoir fait disparaître et ne plus avoir bu une goutte depuis "trois-quatre mois" même si ça lui "manque" et qu’il s’accordera "quelques gorgées" de son whisky lors de sa fête post-combat ce samedi. "Je ne suis sans doute pas parfait. Mais avec un bon sommeil et un ventre plein, je n’en suis pas loin", s’en amuse-t-il aujourd’hui. Il s’est aussi trouvé "une sorte de coach de vie" en la personne de l’essayiste américain Tony Robbins. Plus anecdotique, mais aussi signe du changement, il refuse désormais de prédire le round auquel il compte mettre KO son adversaire, se contentant de dire qu’il va "le coucher" et "le battre".

Le Conor nouveau est arrivé, donc. Mais ça reste dans les vieux pots qu’on prépare les meilleures soupes. "Il nous donne l’impression d’un renouveau mais en même temps d’une ancienne version de lui, la plus performante, celle qu’on a pu voir contre Jose Aldo ou Eddie Alvarez, qui reste sa plus belle performance, appuie Taylor Lapilus. Il s’est concentré sur l’essentiel. Le nouveau McGregor, c’est l’ancien McGregor." Celui dont le monde du MMA a été privé dans la force de l’âge. Il faudra confirmer dans la cage. Mais celui qui n’a combattu qu’une fois à l’UFC en plus de trois ans, une hérésie quand on se souvient son rythme il y a quelques années, et n’a pas connu la victoire dans cette période le répète partout, il a retrouvé le goût de la compétition et ne souhaite qu’une chose, "rester actif". 

Il a renoué avec son premier coach de boxe

Il a déjà évoqué trois combats pour sa "saison" 2020 et laisse planer l’idée que cela pourrait même être plus, lâchant qu’il sera sans doute prêt pour "le prochain événement" s’il bat Cowboy vite et sans se blesser (l’UFC 247 en février a déjà un combat principal mais pas l’UFC 248 en mars) car il compte revenir à la salle dès le surlendemain. Il parle de relever tous les challenges possibles, le "Baddest Motherfucker" Jorge Masvidal, le champion des welters Kamaru Usman pour être le premier titré dans trois catégories de l’histoire de l’UFC, une revanche contre Khabib à Moscou, Justin Gaethje, un retour jusque chez les plumes, une autre revanche mais en boxe contre Floyd Mayweather, d’autres passages dans le ring avec entre autres l’idée d’un Manny Pacquiao avec qui il prétend qu’il y a "des négociations, mais pas pour tout de suite" et l’envie de "devenir champion du monde" dans le noble art. "J’ai retrouvé mon ancien état d’esprit, confirme-t-il à son site TheMacLife. Je veux juste de la consistance, de la compétition." 

Un discours qui rappelle ses mots du... 6 avril 2013, jours de ses débuts à l’UFC et sa victoire sur Marcus Brimage en soixante-sept secondes, dans lesquels il disait vouloir "juste rester actif car la compétition me permet de rester concentré". Il faut un défi devant McGregor pour le faire avancer et il a décidé de s’en mettre assez pour courir. "Je me sens à mon meilleur quand je sais que je dois faire quelque chose et que je le fais." Du neuf avec du vieux, on vous dit. Un concept poussé jusqu’à retourner dans son premier club du Crumlin Boxing à Dublin, où il a renoué avec Phil Sutcliffe, le coach qui l’a introduit aux sports de combat quand il avait douze ans et qui sera dans son coin ce samedi pour la première fois depuis son arrivée à l’UFC dans un retour aux sources symbolique. Il faudra tout de même une chose pour renaître pour de bon: gagner.

Conor McGregor lors de l'annonce de son retour en octobre 2019
Conor McGregor lors de l'annonce de son retour en octobre 2019 © Icon Sport

Après tant de temps sans lever les bras et "cinq mois de travail solide", l’enfant de Dublin qui espérait faire son retour l’été dernier avant de se blesser à la main n’a plus le droit à l’erreur. "Vu ce qui s’est passé depuis deux ans, il est obligé de gagner", écrit Ariel Helwani. "S’il perd contre Cerrone, la hype va terriblement redescendre et il ne peut pas se le permettre avec ses grosses ambitions derrière, estime Taylor Lapilus. Il n’a pas le choix. S’il perd, il sera vu comme l’ombre de lui-même, plus comme le champion qu’il a été et plus comme capable de combattre au niveau où il a été. Mais si tout ce qu’il dit et tout ce qu’on peut ressentir en le voyant et en l’entendant se confirme, et que le combat se passe bien, il pourrait, sauf blessure, faire une grosse année." 

Poule aux œufs d'or

L’UFC doit aussi l’espérer. Car même s’il va disputer un combat sans ceinture en jeu pour la première fois depuis Dennis Siver en janvier 2015, Conor reste sa poule aux œufs d’or. Le roi des ventes de PPV dans le MMA (record de l’UFC contre Khabib) est un combattant à part, "une des plus grandes stars de l’histoire des sports de combat, dans la liste avec les Tyson, Leonard, Holyfield" dixit Dana White, dont le retour a rempli la T-Mobile Arena de Las Vegas en quelques minutes. Après avoir affirmé avoir pris 50 millions de dollars tout compris contre Khabib, il espère même voir la note monter à 80 pour Cowboy, un montant réfuté par quelques experts en la matière. "Tout ce que je peux assurer, c’est qu’il va prendre beaucoup d’argent", sourit White.

Conor McGregor en conférence de presse avant son retour à l'UFC 246 contre Donald "Cowboy" Cerrone
Conor McGregor en conférence de presse avant son retour à l'UFC 246 contre Donald "Cowboy" Cerrone © AFP

McGregor, qui a signé un nouveau contrat qu’il renégociera après chaque combat, du jamais-vu en MMA, reste le combat qui rapporte par excellence pour n’importe quel adversaire mais la légende ne pourra plus s’alimenter longtemps sans victoire. Contre Cerrone, qui reste sur deux défaites quand Conor n’a jamais affronté un combattant sur une série de revers à l’UFC mais qui reste aussi toujours une menace comme le prouve son record de victoires à l’UFC, l’Irlandais s’avance en favori des bookmakers alors que son coach a annoncé "une démonstration". Mais même une victoire de celui qui avance qu’il va "briller et créer de la magie comme (il l’a) fait tant de fois" ne gravera pas encore son retour au fer rouge. Il faudra pour cela aller au bout de la saison 2020 annoncée.

"La vie est belle"

On pourra alors savoir si son discours n’était pas que des mots: "Je suis heureux. Je me suis écouté sur ce que j’avais à faire à l’entraînement comme en dehors de la salle et je l’ai appliqué. (...) Je pourrais dire que je suis de retour à ce que j’étais mais en réalité je suis meilleur qu’avant. Les gens disent que le Conor de 2016 leur manque mais je crois que je suis encore meilleur, plus mature. (...) Parfois, certains choses doivent se passer pour que ça se remette à l’endroit. C’est ce qui m’est arrivé. (...) J’ai fait des erreurs. Et j’ai été assez courageux pour les admettre et les corriger. (...) J’avais juste laissé tomber des gens. Je suis dans une position où je dois prendre le contrôle des choses et ne pas me dérober. Je suis de retour. La vie est belle." L'opération rédemption a bel et bien débuté.

Alexandre HERBINET (@LexaB) avec Lucas VOLA