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Mort de George Floyd: Ce combattant UFC excuse le pillage de la boutique de son père

Combattant UFC depuis quatre ans, Belal Muhammad a vécu un moment difficile avec le pillage et la dévastation du magasin tenu par son père à Chicago en marge des manifestations autour de la mort tragique de George Floyd. Mais le garçon ne veut pas s’apitoyer sur son sort et considère sa perte comme peu importante par rapport à tout ce qui se joue dans ce mouvement.

Il combat à l’UFC depuis quatre ans, pour un bilan de 7-3 dans l’organisation (16-3 en carrière) qui n’a pas permis à sa renommée de franchir le cercle des aficionados du MMA. Mais son histoire personnelle a dépassé le simple cadre de l’octogone ces derniers jours. Le père de Belal Muhammad, vétéran de la catégorie des welters (31 ans), possède une boutique de téléphone portables à Chicago. Un business qui lui a permis de survenir aux besoins de sa famille depuis quinze ans mais qui est parti en éclats en quelques minutes en marge des manifestations autour de la mort tragique de George Floyd qui a embrasé les Etats-Unis, un casseur ouvrant la porte... en rentrant dedans avec une voiture avant un pillage en règle. De quoi mettre en colère. Très en colère. 

Mais depuis, Belal Muhammad a pris du recul. Et discuté avec son père. Pour finir par mettre leur perte en perspective. "Ils ont détruit sa boutique, ils ont dû envoyer une voiture à travers la porte car il y avait une grille pour la protéger, et mon père m’a dit qu’on allait mettre du bois sur les vitres cassées pour éviter que quelqu’un ne se coupe, raconte le combattant à Damon Martin pour le site MMA Fighting. Je lui ai dit: 'Quoi? Qu’est-ce que tu veux dire par les protéger des coupures? Ce sont eux qui ont fait ça!' Et il m’a répondu: 'Je sais mais je ne veux pas voir des jeunes ou des vieilles personnes se balader dans le coin et se couper'. Une fois que j’avais entendu ça, ma vision a totalement changé."

Et le garçon de développer: "Au début, quand ça arrive, vous êtes en colère. Ça m’a rendu fou, et je me disais que si je voyais un pilleur, j’allais m’en prendre à cette personne et lui faire mal. Mais vous devez voir ça du point de vue des autres. Même si les pilleurs ne sont pas les manifestants, tout cela est basé sur une histoire plus grande. Une plus grande cause qui fait que des changements doivent arriver. Si ma famille et moi devons sacrifier quelques trucs pour ce plus grand changement, j’en suis heureux. Voir la vidéo de George Floyd et des policiers était horrible. Si vous n’êtes pas en colère et avec le cœur brisé après avoir ça, si vous ne voyez pas qu’il y a un problème, quelque chose ne va pas chez vous. Notre boutique a été pillée mais c’est pour un plus grand objectif. Je comprends ce que ressentent ces gens, leur douleur, leur peine."

"Je ne suis pas en colère, je les comprends encore mieux"

Le témoignage est fort. Assumé. Et au diable ceux qui voudraient le faire basculer de l’autre côté. "Notre magasin, c’est du matériel, mais quel est le prix de la vie de quelqu’un? Les gens me disent: 'Comment peux-tu soutenir un mouvement qui a fait ça à la boutique familiale?' Mais je ne me soucie pas vraiment de cette boutique. Je me soucie de sauver des vies. L’important, c’est de changer des vies. Les enfants de George Floyd vont devoir grandir sans père. Grandir en ayant vu leur père mourir aux yeux de tout le monde. C’est un truc dingue. On ne réalise pas à quel point cela va changer leur vie. Une vie n’a pas de prix. Si on doit traverser ça avec mon père pour diffuser ce message, si cela permet de faire changer les choses, alors ce sera beau. Tout arrive pour une raison. Je ne suis pas en colère. Je les comprends encore mieux."

Natif de Chicago mais fils d’immigrés palestiniens, Belal Muhammad se tourne vers son pays d’origine pour expliquer combien la mort de George Floyd a révolté à raison la communauté noire (et d’autres). "En Palestine, les gens vivent des choses comme ça toute leur vie. J’ai de la famille là-bas, je l’ai vu. Il s’y passe les pires choses au monde mais ces gens le vivent ici, aux Etats-Unis. C’est dingue de se dire que certains doivent aussi subir ça ici. Pour ces gens, rien n’a évolué. Ils meurent toujours devant une caméra, ils tués devant une caméra. Ça doit changer. Et ça doit venir d’en haut. Le président doit faire de grands changements ou donner la peine de mort aux coupables car c’est ce qui est arrivé à George Floyd. Il a été tué, littéralement." Pas question, donc, de braquer la lumière sur lui et son histoire de magasin dévasté quand de plus grandes questions sont en jeu. 

"Si vous voulez vraiment aider, faites des dons à la famille de George Floyd"

"Je n’ai pas posté la photo pour qu’on me plaigne, que je puisse faire une cagnotte et que je ramène ça à moi, poursuit le combattant UFC. C’est pour ça que je n’ai pas fait de cagnotte pour récolter des fonds. Ce n’est pas le problème. Le problème est le racisme, et le fait qu’on homme a perdu la vie alors qu’il n’aurait pas dû. Il y a quelque chose de plus grand derrière. Si vous voulez vraiment aider, faites des dons à la famille de George Floyd, à ces enfants qui ont perdu leur père et qui ont besoin d’une meilleure vie. Je veux qu’ils grandissent sans se dire que tous les gens sur cette planète sont dangereux ou fous. S’ils grandissent avec la haine et la colère, c’est un processus qui ne prendra jamais fin et leurs propres enfants grandiront avec la haine. Il faut du changement sur le racisme. Les chaînes doivent être brisées." Plus monté dans la cage depuis septembre 2019, Belal Muhammad va y faire son retour dans dix jours, le 20 juin, lors de l’UFC Fight Night 172 à huis clos depuis le centre Apex de l’UFC à Las Vegas. Il y affrontera un autre combattant dont l’histoire personnelle évoque l’actualité récente, l’Américain Lyman Good, premier membre de l’effectif de l’UFC à avoir publiquement annoncé avoir été testé positif au coronavirus il y a quelques semaines. 

Alexandre HERBINET (@LexaB)