
Mormeck : «Klitschko m'a manqué de respect»

Jean-Marc Mormeck - -
Jean-Marc, le rendez-vous du 3 mars face à Wladimir Klitschko est-il le combat de votre vie ?
Oui. On voit beaucoup de sportifs qui rêvent de décrocher une médaille olympique aux JO. Pour eux, c’est quelque chose d’énorme. Eh bien pour moi, c’est de devenir champion du monde des poids lourds ou du moins de tenter de le devenir. C’est la catégorie reine, quelque chose d’extraordinaire.
Comment avez-vous vécu le report de cette rencontre, qui aurait dû avoir lieu le 10 décembre dernier ?
Il a eu un petit souci (un calcul rénal à enlever d’urgence, ndlr), mais je pense qu’il n’était pas vraiment entraîné. Il n’était pas prêt. Nous avons eu des infos et je pense qu’il n’avait pas pris ce match au sérieux. C’est un manque de respect vis-à-vis de moi. Le samedi, on nous dit que tout va bien et au dernier moment, on apprend qu’il ne le fait pas. C’était prémédité et c’est clairement du foutage de gueule !
Les pronostics ne vous donnent pas favori. Vous sentez-vous dans la peau d’un outsider ?
Oui, il faut voir les choses comme ça. Je l’ai toujours été quelque part et ce n’est pas un problème pour moi. Et puis, les pronostiqueurs ont dans un sens raison : Klitschko est plus grand, plus fort, dans sa catégorie, invaincu depuis huit ans… Il part forcément favori.
« Il me manquait ce défi »
Pour arriver dans la catégorie des lourds, vous avez dû prendre du poids, ce qui implique moins de mobilité. Comment avez-vous fait pour compenser cette perte de vitesse ?
On s’adapte avec le poids qu’on a, même s’il n’a pas énormément augmenté. J’ai travaillé ma vitesse, notamment au contact de l’ancien entraineur de Mike Tyson (Kevin Rooney) qui m’a appris à me servir de cette mobilité et à me déplacer avec mon poids.
Pourquoi ce défi à presque 39 ans ?
Parce que je n’ai pas terminé ma carrière et qu’il me manquait ce défi. J’avais dit que je voulais être champion du monde des lourds-légers, puis être promoteur et tenter finalement une aventure chez les lourds. Je l’ai vraiment souhaité et j’ai travaillé pour ça.
Un jour, vous avez déclaré : « mon moteur, c'est la reconnaissance ». Y a-t-il une frustration par rapport à votre parcours ?
Forcément, il y en a une. Quand je suis parti aux Etats-Unis, personne n’y croyait. On me disait : « Tu vas te casser la gueule ». En fin de compte, je réunifie les ceintures et je fais ce que personne n’a fait avant. J’ai l’impression que c’est parce que j’ai quitté Don King que j’ai été boycotté. Pour quelle raison ? J’étais le champion du monde et j’avais plusieurs ceintures. Est-ce normal ?
« Il y a un tel vide aujourd’hui en France »
Est-ce que ce n’est finalement pas le combat contre Fabrice Tiozzo, que la France entière réclamait et qui ne s’est jamais fait, qui aurait pu vous apporter plus de reconnaissance ?
On ne se base pas juste sur un combat pour avoir de la reconnaissance, mais sur une carrière et un palmarès. Moi, je m’en fous de Fabrice ! Il a été champion du monde avant moi et j’étais admiratif. Mais le rencontrer n’était pas une motivation pour moi. Si cela ne s’est pas fait, c’est que cela ne devait pas se faire.
Quel regard portez-vous sur la boxe française ?
Sur le marché français, il y a qui ? C’est vide, il n’y a presque personne. Les médias ne s’y intéressent plus beaucoup… Il faut relancer la machine. Je pense qu’il y a des boxeurs de talent chez nous, mais il y a un tel vide aujourd’hui en France…
Quelle est votre réaction vis-à-vis des récentes déclarations de Jérôme Thomas, qui a eu des mots très durs au sujet du milieu de la boxe, parlant de « proxénétisme » et de « catins » ?
Je ne commenterai pas ses propos, mais c’est aussi la faute de ces boxeurs qui sont toujours en train de se plaindre et qui au final ne font jamais rien. Ils font les bonhommes sur le ring et en dehors, ils pleurent. Vous n’êtes pas obligés d’accepter ce qu’on vous donne. Si on vous jette un os, vous n’allez pas le ronger. Les gens peuvent faire ce qu’ils veulent et ils se plaignent. Il faut arrêter !
« Pas de regrets »
Qu’est-ce qui vous a amené à la boxe ?
A la base, je faisais du foot. Un jour, j’ai vu un combat entre Marvin Hagler et Thomas Hearns (en 1985) avec les trois rounds les plus violents de l’histoire. Mon père m’a invité à le regarder et je suis resté admiratif. Je voulais être Marvin Hagler ! Donc je me suis dit qu’il fallait que je fasse ce sport. Je suis parti à la boxe à 15 ans, au club de Drancy.
Qu’avez-vous appris au côté des Américains, et de votre promoteur de l’époque, Don King ?
La patience, le côté business, et le fait qu’on puisse réaliser ses rêves. On n’a pas de rêve français, mais le rêve américain, ça existe ! Ali, Holyfield, Roy Jones… C’est en voyant le destin de toutes ces stars que je me suis dit qu’il fallait que moi aussi, je me construise mon défi.
En vous attardant sur votre carrière, éprouvez-vous de quelconques regrets ?
Non, on ne peut pas en avoir. Ce qu’il faut, c’est gagner. Si je n’avais rien réalisé à la suite de cela, j’aurais pu en avoir. Mais je les ai réalisés donc pas de regrets, au contraire.