
Masvidal, Jones, Cejudo, McGregor: Pourquoi les stars du MMA sont en "guerre" contre l’UFC

Jorge Masvidal - Icon Sport
Jones-Masvidal-Cejudo, un mouvement pour un meilleur partage du pactole
L’UFC est-elle en train de se faire rattraper par son système financier? C’est la tendance qui se dessine avec les cas Henry Cejudo, Jon Jones et Jorge Masvidal. Champion des coqs (et ancien détenteur de la ceinture des mouches), le premier a annoncé sa retraite après avoir conservé son titre le 9 mai lors de l’UFC 249 face à Dominick Cruz. L’ancien médaillé d’or olympique de lutte (2008) s’était plaint dans les semaines précédentes de ne pas être rémunéré à sa juste valeur, celle d’un des quatre combattants de l’histoire de l’UFC à avoir détenu deux ceintures de deux catégories en même temps, et avait profité de l’annonce de sa retraite pour expliquer qu’il reviendrait dans si l’UFC lui offrait un chèque suffisant: "Ils connaissent le montant".
Simple cas personnel? Que nenni. Depuis, en moins d’un mois, deux superstars sont montées au front. Champion des lourds-légers, Jon Jones est entré dans une guéguerre verbale avec Dana White (et a annoncé avoir abandonné sa ceinture) après avoir réclamé plus (sans succès) pour un "super combat" chez les lourds contre Francis Ngannou. Jusqu’à demander d’être "libéré de (s)on contrat". Si le patron exécutif de l’UFC a pu se cacher derrière les nombreuses frasques hors-combat de "Bones" pour justifier son choix de ne pas lui offrir ce qu’il réclame, difficile d’en faire de même pour Jorge Masvidal. Le champion "BMF", depuis sa victoire sur Nate Diaz en novembre, a profité d’un tweet de Jones sur la situation commenté d’un simple "Révolution" pour entrer dans la danse et réclamer à son tour d’être libéré de ses obligations contractuelles: "Si je ne vaux pas le coup, laissez-moi partir".
En cause? La volonté de l’UFC de lui proposer un chèque moins important pour un combat pour le titre des welters contre le champion Kamaru Usman en juillet que lors de celui contre Diaz "car l’autre gars n’attire pas les foules et ne rapporte pas". "On parle avec l’UFC depuis décembre et j’ai dit oui à tous les adversaires qu’ils m’ont proposés, a -t-il pointé au micro de Sports Center sur ESPN. Mais quand il a fallu parler chiffres pour Usman, ils ne m’ont pas renvoyé la balle. Ils veulent que je prenne moins alors que je combats pour le titre. Beaucoup de choses ne collent pas." "Gamebred", qui pourrait être remplacé par Gilbert Burns pour ce combat contre Usman, n’en est pas resté là et a ouvert le débat de façon plus large en rappelant que l’UFC distribuait les revenus de ses événements aux athlètes à un pourcentage bien moindre que les grandes ligues américaines de sport (NFL, NBA, NHL).
Quand ces dernières sont autour de 50% sur ce plan, les estimations sur la dernière décennie placent l’UFC entre 16 et 22%. Les conséquences, notamment, d’une absence de syndicat des combattants – au contraire des ligues citées – qui empêche de parler d’une seule voix pour les négociations. Et si White a joué sur la corde Covid-19 pour expliquer (à raison) les difficultés financières et pour se projeter de l’UFC, ses poulains qui ne veulent plus l’être ne veulent pas que l’exception du moment fasse oublier une règle jamais favorable à leurs yeux.
"Je ne demande pas plus d’argent mais un plus grand pourcentage des revenus que nous générons, confirme Masvidal. Les autres sports prennent 50% des revenus, moi 18%. J’ai ces questions en tête. Organiser nos événements coûte-t-il si cher que vous ne pouvez pas nous donner plus?" Et d’appuyer sur Twitter: "Nous négocions bien en-dessous des 50% de ces ligues. Je ne touche rien sur les hot-dogs vendus dans la salle ou les logos sur la cage. Je n’ai jamais pris un dollar sur les tickets vendus. Je prends des coups à la tête pour vivre mais même moi je sais que la pandémie ou ce qu’il en reste n’a rien à voir avec tout ça. (...) Ne me parle pas de pandémie quand tout le monde retourne au travail et que tu achètes une île pour des combats. Arrête de jouer avec nous et avec les fans."
Jon Jones approuve et enfonce le clou: "Je ferais probablement plus avec un premier combat de boxe que lors de mes trois prochains combats UFC combinés. Je peux aussi faire de l’immobilier, être acteur, être père... Personne n’a besoin des mensonges de Dana. (…) Dana, tu es celui qui a commencé à parler des négociations en public et à montrer au monde combien tu avais gardé de l’argent qui aurait dû revenir à tes athlètes depuis tout ce temps." Les deux stars ont également souligné l’hypocrisie de leur statut, à savoir "contracteurs indépendants" dixit White, loin d’une véritable indépendance puisqu’ils sont bel et bien liés à l’UFC et ne peuvent pas aller gagner leur vie dans une autre organisation. "Je ne peux pas partir, rappelle Masvidal. Je leur appartiens tant qu’ils ne me coupent pas ou que je vais au bout du nombre de combats prévus dans mon contrat."
Mais White n’en démord pas, comme il l’a rappelé ce samedi soir lors de la conférence de presse post-UFC 250: "Masvidal vient de signer un deal pour huit combats, sur lequel il lui en reste sept. Jon Jones a également encore sept combats dans son deal, qu’il a signé il y a moins d’un an. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, j’ai un accord. Ce n’est pas comme si ces contrats dataient d’il y a trois ans et qu’ils étaient en position de négocier vu leur évolution." Une remarque nuancée par le champion "BMF": "Je suis dans un contrat que j’ai dû accepter pour être payé. J’ai eu un nouveau contrat pour affronter Darren Till (en mars 2019, ndlr) et un autre avant Nate (en novembre 2019, ndlr). Ils n’arrêtent pas d’étendre le nombre de combats sur mon contrat pour me garder coincé. Et quand je leur dis que je ne veux que quatre combats, ils me disent que c’est à prendre ou à laisser. Si je perds, vous pouvez me couper et ne pas me payer le reste du contrat, mais si gagner je ne suis pas en position de le renégocier? Mon père a quitté un régime communiste (Cuba, ndlr) et l’a préparé toute ma vie... Pourquoi tous les grands noms ont un problème actuellement? Conor, Jones, Cejudo. On doit prendre ce qu’ils offrent ou prendre notre retraite. J’aime combattre et c’est le combat de notre vie."
Que White, qui affirme en fausse naïveté n’avoir "aucune idée de pourquoi tout ça arrive maintenant", ne compte lui non plus pas perdre. "Ce genre de choses nous est déjà arrivé, et plus d’une fois. La beauté de ce sport, c’est que personne n’est obligé de combattre, a-t-il rappelé. Ce n’est pas la NBA ou la NFL, où vous devez absolument vous présenter à l’entraînement. Avec nous, il n’y a aucune obligation. Si ces gars veulent rester de côté ou même prendre leur retraite, si quelqu’un ne se sent pas confortable par rapport à ce qui se passe, peu importe la raison, vous n’êtes pas obligé de combattre, Masvidal et Jones compris. Je ne peux même pas vous dire ce qu’il va se passer pour mon business dans les mois à venir. Je fais juste ce que je peux pour garder le train sur les rails."
Masvidal comprend cette position. Mais pas question de ne pas défendre la sienne. "Je respecte Dana en tant que businessman, a-t-il lancé sur ESPN. Il n’est ni mon ami ni mon ennemi, juste un businessman dont le job est de protéger l’UFC, notamment en empêchant la mise en place d’un syndicat des combattants, qui ne parlent pas d’une seule voix. Je n’ai rien de mal à dire sur lui, il fait son job comme il doit le faire. Mais je dois m’occuper de moi et du futur de ma famille, comme lui doit s’occuper de ses poches et de celles de l’UFC. Je fais ça depuis seize ans et comme je l’ai déjà dit, j’en ai encore pour trois ans à le faire à ce niveau. Et quand j’en aurai fini, je veux être sûr d’avoir ramené à la maison ce qui était juste pour moi. Je ne suis pas d’accord avec ces chiffres donc faisons quelque chose pour ça!" L'UFC va-t-elle craquer enfin donner plus à ses athlètes en pourcentage des revenus générés? Quand on connaît White et ses équipes, pas habitués du genre, difficile d'y croire même avec de tels défenseurs de la cause en face.
McGregor, l’exception de l'ennui
Quand on prend sa "retraite" pour la troisième fois en quatre ans, et que les deux premières ont fait pschitt, difficile d’être pris au sérieux. L’annonce de Conor McGregor ce week-end n’a donc pas eu l’effet qu’elle aurait eu dans le monde du MMA si les épisodes précédents n'avaient pas eu lieu. Pour beaucoup, l’ancien champion des plumes et des légers (en même temps) a juste mis un coup de pression dans les négociations avec l’UFC, comme il l'avait fait les deux premières fois. Mais à l’écouter, ce n’est pas si simple. Conor dit surtout... s’ennuyer, la flamme de l’envie éteinte. "Ce ‘jeu’ ne m’excite plus, voilà de quoi il retourne, a-t-il confié à ESPN. Toute cette attente... Il n’y a rien que se passe. Je regarde les options d’adversaires, et il n’y a rien qui m’excite en ce moment."
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Alors que White a annoncé il y a quelques jours que le meilleur chemin pour McGregor serait d’attendre d’affronter le vainqueur d’un combat entre Khabib Nurmagomedov (champion) et Justin Gaethje (champion intérimaire) pour l’unification du titre des légers, un affrontement que l’UFC aimerait organiser en septembre, la superstar irlandaise qui avait annoncé vouloir combattre trois fois en 2020 – il a déjà battu Donald Cerrone en quarante secondes en janvier pour son retour – n’apprécie pas cette perspective. "Pourquoi est-ce qu’ils repoussent leur combat en septembre? Vous savez ce qui va se passer? Il y aura quelque chose d’autre en septembre et ça n’arrivera pas. J’avais couché un plan et une méthode, ce qui était la bonne chose à faire, mais ils cherchent toujours à rechigner et à laisser les choses traîner ou ne pas arriver. Quoi que je dise, ils veulent aller contre pour montrer du pouvoir. Ils auraient dû faire le combat entre Justin et moi pour le titre intérimaire et garder la balle en jeu."
En Irlande pendant la crise sanitaire, McGregor ne pouvait pas se déplacer aux Etats-Unis pour la reprise de l’UFC ces dernières semaines. Mais la perspective d’une "Fight Island", île privatisée pour organiser des événements avec des combattants internationaux, laissait ouverte la possibilité de le voir à l’œuvre en juillet, comme attendu avant la pandémie. Mais le manque d’attrait pour les offres sur la table ne motive pas celui qui dit ne sentir "aucun buzz" dans les événements organisés à huis clos depuis la reprise des activités de l'UFC le 9 mai et qui ne serait pas capable, dans une telle situation, de produire un carton financier "à la porte" (tickets vendus et argent généré par le public) à la hauteur de ce qu’il est capable de réaliser, un point qui pousse logiquement l’UFC à attendre le plus possible pour le refaire combattre dans l’espoir de pouvoir de nouveau accueillir des spectateurs d’ici là. "Ils veulent me faire aller d’un poids à l’autre et m’offrir des combats stupides, poursuit-il, mais je n’en ai rien à foutre. Je passe à autre chose."
Et White de confirmer en conférence de presse post-UFC 250: "Conor veut combattre, il est frustré car il ne peut pas et je suis certain que ça fait partie de sa réflexion. Mais qui veux-tu combattre? Et où ça? "Fight Island" ne sera pas en place avant juillet. Quand vous imaginez les problèmes pour gérer un business comme celui-là, multipliez-les par un million et c’est où nous sommes en ce moment. Beaucoup de choses se passent en coulisses." Il y avait bien la possibilité d’un "super combat" à un poids intermédiaire juste au-dessus des légers contre la légende brésilienne Anderson Silva, ancien champion des moyens, qui l’avait défié. Mais rien n’a dépassé le stade des spéculations. "J’essaye d’être excité, je fais mon meilleur pour ça, mais il n’y a rien pour moi, explique le 'Notorious'. Quand la possibilité Silva est arrivée, je me suis dit: 'Yes, merde, c’est un combat dingue'. Puis tout le monde a dit qu’il était trop vieux et dépassé. Je me suis dit: 'Quoi? Combattre quelqu’un qui s’est battu chez les lourds-légers et le meilleur moyen de l’histoire, le meilleur de l’histoire tout court selon moi, ce n’est pas un combat qui vaut le coup?' Mais vous savez quoi? Ils ont raison. Je le battrais et qu’est-ce qui arriverait ? On répéterait qu’il était trop vieux et dépassé."
Selon ESPN, l’équipement de management de McGregor et l’UFC ont bien eu plusieurs discussions sur son prochain combat. Et c’est bien le nom de l’adversaire, et non l’argent, qui empêche les choses de se faire dans son cas. Finira-t-il par obtenir gain de cause? "Je le répète: personne n’est obligé de combattre, personne ne vous met la pression pour le faire, insiste le patron exécutif de l’UFC. Si McGregor veut vraiment prendre sa retraite, vous savez ce que je pense de ce genre de choses, il devrait le faire. Même si j’aime Conor... (...) Si c’est ce qu’il ressent maintenant, et si Masvidal et Jones ressentent ça également, je peux les comprendre. Je ne me dis pas: 'Bordel, c’est totalement dingue'. Rien n’est dingue en ce moment car tout est dingue. A un certain niveau, je comprends tout ça." On s’est souvent demandé si Conor, que Floyd Mayweather a promis de "punir encore" s'il sortait de cette nouvelle retraite, avait fini par devenir plus important que la compagnie qui a fait de lui une star planétaire. White a toujours nié cela. Vu la situation, on va peut-être avoir une réponse dans les semaines/mois à venir. "On verra bien ce que le futur nous réserve, conclut McGregor. Mais pour le moment, pour le futur immédiat, 2020, je vous souhaite le meilleur."