
Elections américaines: Jorge Masvidal, Trumpiste en campagne
Si on vous présentait son compte Twitter sans son nom, vous ne devineriez jamais de qui il s’agit. Mais vous sauriez tout de son affiliation politique. Ces dernières semaines, le combattant UFC Jorge Masvidal ne diffuse plus beaucoup de contenus liés au MMA sur ses réseaux sociaux. Au hasard des derniers jours, on trouve entres autres une vidéo partagée par Kamala Harris – colistière du candidat démocrate Joe Biden – sur "la différence entre égalité et équité" avec ce commentaire: "C’est tiré tout droit du manifeste communiste cubain". Il relaie un message vidéo de Nicolas Maduro dans lequel le président du Venezuela depuis 2013 rend hommage au "camarade Biden" et en conclut: "Dites non aux communistes".
"Il faut se réveiller"
Il répond à un internaute qui l’accuse de voter pour "un homme qui fait des choses comme les dictateurs des pays communistes et fascistes" car il promet de "baisser (s)es impôts": "A Cuba, vous ne pouviez rien dire de mauvais sur Castro. Allume la télé ici et tu ne trouveras personne pour dire quelque chose de bien sur Trump. S’il supprime la liberté des médias, il fait un très mauvais boulot pour cela. Il faut se réveiller." Le "BMF" (baddest mother fucker, un titre honorique) de l’UFC, battu par Kamaru Usman pour le titre des welters en juillet dernier, est engagée dans un nouveau combat résumé en un hashtag: #thereelection. La réélection. Celle de Donald Trump au poste de président des Etats-Unis.
Alors que de nombreux sportifs US s’affichent pro-Biden et n’hésitent pas à sulfater le représentant républicain, à l’image de LeBron James ou Morgan Rapinoe, "Gamebred" n’a pas hésité une seconde à faire campagne pour le camp vu comme celui "du mal" par de nombreux médias et/ou personnalités. Et celui qui ne s’était jusque-là jamais engagé en politique et n'avait même jamais voté pour la présidentielle (mais qui penchait côté républicain depuis longtemps) n’a pas fait les choses à moitié. Ce lundi, on a pu le voir au micro de The Ingraham Angle, émission de la chaîne conservatrice Fox News, pour évoquer la dynamique pro-Trump chez lui, à Miami, dans cette Floride qui avait voté pour le businessman en 2016 mais reste un Etat disputé: "C’est une vague rouge" (la couleur des républicains).
"Quand vous gagnez, vous ne virez pas le coach"
La veille, il avait participé au meeting du président sortant sur le tarmac de l’aéroport d’affaires Miami-Opa-Locka avec un discours qui avait enflammé la foule. A cette occasion, Donald Trump – qui avait assisté à sa victoire sur Nate Diaz pour la ceinture "BMF" en novembre 2019 et avec qui on l’a vu plusieurs fois ces derniers mois – n’avait pas caché son admiration pour lui: "C’est un champion. Il a un gros cœur. On a besoin de plus de gens comme lui." Plus tôt en octobre, Masvidal avait pris part en Floride à la tournée "Fighters Against Socialism" (les combattants contre le socialisme) en compagnie du fils du président, Donald Trump Jr, où il avait expliqué son choix. "Je suis un athlète professionnel et j’ai toujours vu les choses à travers mes yeux de sportif, avait-il lancé à la foule. Donald Trump est notre entraîneur principal. Avant la pandémie, on gagnait des Super Bowls. Et quand vous gagnez des Super Bowls, vous ne virez pas le coach. Même si vous n’aimez pas sa tactique, les joueurs qu’il met sur le terrain ou ce qu’il dit sur Twitter. On ne le remplace surtout pas par un autre coach dans le métier depuis quarante-sept ans, à tous les niveaux, et qui n’a jamais gagné un seul putain de match."
Jorge Masvidal a aimé le mandat du président sortant. Mais il n’y a pas que ça. Comprendre son engagement pour Trump, c’est remonter aux origines de "Gamebred". A ce père qui a quitté le régime communiste cubain à quatorze ans, sur un raft de fortune fabriqué avec des roues de tracteur, qui lui a demandé de ne jamais se rendre à Cuba pour "ne pas donner le moindre dollar à ce régime" et lui a toujours vendu les avantages du rêve américain comparé au cauchemar cubain: "Il me disait: 'Tu n’as aucune idée de ce que tu as dans ce pays. Juste pouvoir choisir entre McDo et Burger King, ou n’importe où ailleurs… A Cuba, ce n’est pas seulement que tu n’as pas McDo, c’est qu’ils vont te dire quoi manger. Tu vas faire la queue deux jours pour avoir de quoi te nourrir'."
"Soit on réélit Trump et on garde l’Amérique géniale, soit on laisse Biden détruire le plus grand pays que le monde n’a jamais connu"
Papa Masvidal, qui avait prévenu son fiston que Barack Obama était un "socialiste" dès l’apparition de l’ancien président sur la scène politique, a fui ce communisme. Et pour son fils, voter Biden équivaut à y retourner sans y retourner. "Les démocrates pensent que le vote latino leur revient de droit, a-t-il expliqué en meeting. Ils pensent qu’on doit juste leur donner. Mais ils doivent nous montrer ce qu’ils peuvent faire pour nous. On ne va pas acheter leurs fausses promesses qui ont détruit de grands pays comme le Venezuela ou Cuba. Vous savez ce qui ne marchera pas non plus? Jouer Despacito sur son téléphone en espérant que ça nous attire (Joe Biden l’avait fait dans un meeting, ndlr). On a la tête sur les épaules. Je vais conclure par quelques mots signés Obama: il a dit que les élections avaient des conséquences. C’est vrai. Et ces mots n’ont jamais été aussi vrai. Soit on réélit Donald Trump et on garde l’Amérique géniale. Soit on laisse Joe Biden détruire le plus grand pays que le monde n’a jamais connu."

Et Masvidal, qui a encore de la famille à Cuba, de pousser l’explication au micro du talk-show conservateur de Steven Crowder sur YouTube: "Les actions parlent plus fort que les mots. La meilleure chose à faire pour rendre de la dignité à la communauté latino, c’est de leur donner des jobs. Nous ne voulons pas voir le gouvernement nous donner de l’argent pour rester à la maison. Nous voulons travailler. Et il a produit le plus bas taux de chômage dans cette communauté. On peut penser ce qu’on veut de ce gars mais cela montre beaucoup. Baisser les taxes comme il l’a fait, ce qui nous permet d’investir dans des business ou dans notre communauté, c’est génial. Les gens qui regardent vraiment et qui ne tombent pas dans le panneau de la folie des médias mainstream qui disent qu’il est raciste, homophobe, xénophobe, et qui regardent ce qu’il a vraiment fait se rendent compte qu’il a fait un super boulot. Nous ne sommes pas bêtes. Ce genre de gouvernement socialiste n’a jamais marché. On a de nombreux exemples: Nicaragua, Colombie, Argentine… Sans parler du Venezuela, où il y un système universel mais où personne ne veut vivre. Ceux qui arrivent de Cuba connaissent mieux le truc que quiconque. Si vous adoriez tant ce qui se passe là-bas, pourquoi n’y retournez-vous pas?"
L’engagement est sincère, motivé. A risques, aussi. Il suffit de lire les commentaires sous ses publications sur les réseaux sociaux, où de nombreux "fans" lui disent ne plus l’apprécier en raison de ses positions politiques. Dans les médias américains, ces derniers jours, plusieurs articles expliquent combien les athlètes qui supportent Trump risquent de ternir leur image. Mais "Gamebred" n’en a cure: "Je me fiche de ce que je peux perdre, je parle avec mon cœur pour ceux qui ne peuvent pas parler comme mon père et ma tante qui ont fui le communisme cubain. Je suis leur porte-voix. Je ne vais pas avoir plus de followers ou d’amis avec ça, c’est même l’opposé, mais je m’en fous. (…) Je n’ai aucune hésitation. Je sais que je fais ce qui est juste, ce qui est bon. La plupart des politiques que je regarde depuis tout jeune disent des choses comme: 'Je vais arrêter toutes les guerres!' Mais qui l’a fait vraiment? Quand j’ai entendu Trump la première fois, je me suis dit qu’il n’était pas un politicien, qu’il n’allait pas nous vendre des rêves ou des fausses promesses, qu’il faisait ce qu’il disait et c’est une chose derrière laquelle je peux me ranger. Biden, en quarante-sept ans, n’a fait qu’oppresser les miens et déporter plus de gens que tout vice-président dans l’histoire de ce pays."
Son prochain adversaire est un autre pro-Trump
Sa participation active à la campagne de Trump permet aussi de conclure sur un clin d’œil. Car le prochain adversaire de Masvidal à l’UFC – dont le président exécutif, Dana White est un proche de Trump, qui avait aidé une UFC alors au plus mal financièrement et bannie un peu partout sur le sol américain en accueillant des événements en 2000 et 2001, et avait notamment fait un discours en sa faveur lors de la convention d’investiture républicaine en 2016 – devrait se nommer Colby Covington, ancien ami-partenaire d’entraînement devenu un intense rival qui ne cache pas depuis de longs mois… son engagement en faveur du président sortant. Voilà au moins une chose sur laquelle ils n’échangeront aucun nom d’oiseau.