RMC Sport

Boxe: le retour de Mike Tyson à 54 ans est-il dangereux?

Le monde de la boxe est en ébullition. Mike Tyson, 54 ans, a annoncé son retour dans les rings le 12 septembre pour une exhibition contre Roy Jones, 51 ans, autre légende du noble art. Trop risqué à cet âge dans un sport où un mauvais coup peut tout faire basculer? RMC Sport tente de répondre en vous livrant les spécificités du combat à venir.

Une folie? Si l’annonce du retour dans les rings de Mike Tyson a enflammé le grand public, qui n’a pas oublié la férocité du plus jeune champion du monde des lourds de l’histoire, la question de sa dangerosité se pose assez vite. A 54 ans, "Iron Mike" (50-6 et 44 KO en carrière) prend-il d’énormes risques en affrontant une autre légende du noble art, Roy Jones Jr, 51 ans et ancien champion du monde dans quatre catégories (66-9 et 47 KO)? Le combat, organisé le 12 septembre prochain au Dignity Health Sports Park de Carson dans la banlieue de Los Angeles (Californie), sera une exhibition en huit rounds chez les poids lourds. 

"Si vous avez une coupure, c’est terminé"

Les deux porteront des gants plus gros que ceux d’habitude utilisés dans les combats professionnels de la catégorie (douze ounces contre dix ounces, soit 340 au lieu de 283 grammes), ce qui permet moins d’impact dans les coups. Côté protection à la tête, le choix du risque semble avoir été pris. Invité dans l’émission First Take sur ESPN pour évoquer son retour, Tyson a laissé entendre que les choses se passeraient selon les coutumes habituelles d’une exhibition: "Les règles en Californie disent qu’on doit utiliser un casque". Mais le directeur exécutif de la commission athlétique de Californie, Andy Foster, qui a récemment parlé aux deux adversaires via Zoom, a expliqué à Yahoo Sports et au site BoxingScene qu’ils n’en porteraient pas.

L’arbitre désigné, Ray Corona, devra faire en sorte de "limiter la férocité des débats" et aucun juge ne sera présent au bord du ring pour tenir le score, le seul moyen de trouver un vainqueur étant donc par KO ou abandon… ce qui n’est pas le but. "Ce n’est pas une situation où ils vont tenter d’arracher la tête de l’autre, lâche Foster à Yahoo Sports. Ils vont juste être là à bouger dans le ring pour laisser les fans voir ces légendes." Et de confirmer auprès de BoxingScene: "Ils peuvent bouger et faire de l’argent mais je leur ai dit: 'Si vous avez une coupure, c’est terminé'." Autant de messages rassurants. Manouk Akopyan, journaliste de BoxingScene, évoque même l’idée d’un combat "chorégraphié", plus proche du catch que de la boxe professionnelle.

"Prendre les choses à la légère, je ne sais pas faire"

Mais à écouter le principal protagoniste, les choses ne sont pas aussi simples. "Nous sommes des combattants accomplis et nous savons comment prendre soin de nous. Rassurez-vous, ça va bien se passer pour nous", a d’abord rassuré Tyson sur ESPN. Mais son naturel est ensuite revenu au galop: "J’ai l’intention d’être Mike Tyson à 100%. Je suis un néophyte quand il s’agit de prendre les choses à la légère. Je ne sais pas faire ça. Je n’ai qu’une vitesse, celle vers l’avant. Roy va devoir faire avec ça. Nous sommes là pour montrer nos talents et combattre." "Les boxeurs sont des boxeurs, nous rappelait il y a quelques semaines John Dovi, manager de l’équipe de France olympique. Ce sont des mecs qui ont été champions du monde, qui ont un tempérament. A moins qu’ils soient très protégés, qu’un travail ait été fait avant, qu’ils soient dans le même vestiaire et qu’ils montent limite sur le ring ensemble, c’est très dangereux."

Les vidéos d’entraînement de Tyson, qui ont fait monter la sauce autour de son retour ces dernières semaines, l’ont montré: "Iron Mike" est toujours capable de frapper fort. Très fort. Mais peut-il encaisser après quinze ans sans prendre de coups à la tête? "Quand on voit les images, il a un gauche-droite ex-cep-tio-nnel, admire John Dovi. Cet enchaînement avec le crochet court, le second arrive à une vitesse… C’est impressionnant mais ce n’est que la gestuelle. Ces gestes-là, qu’on reconnaîtrait entre mille avec lui, même dans sa tombe il sera capable de les refaire. C’est ancré en lui, c’est ce que Cus d’Amato (son entraîneur historique et mentor, ndlr) a développé chez lui. Mais ça ne veut pas dire que tu peux faire un combat à son âge. Loin de là."

"Quand vous signez un contrat, il y a une clause non écrite qui fait que vous pouvez mourir n’importe quand"

Sa fin de carrière avec trois défaites sur ses quatre derniers combats, la dernière en juin 2005 face à un Kevin McBride tout sauf foudre de guerre qui verra l’ancien champion du monde abandonner sur son tabouret avant la septième reprise, regard vide, forces à plat, loin de son aura passée, ne plaide pas en faveur d’une réponse positive. "Si vous aimez Tyson, n’incitez pas à un retour, temporisait John Dovi aux premières rumeurs de son comeback. Il a déjà eu une fin de carrière très difficile. Et c’était il y a quinze ans…" A l’époque, l’ancienne terreur des lourds avait même eu ces mots: "Je n’ai plus ça en moi, je n’ai plus l’estomac pour ça, je ne combats que pour mes factures, je ne suis plus cet animal." Son style de vie actuel, entre cannabis à la bouche en permanence (il fumait un joint au moment de signer le contrat du combat contre Jones Jr) et "trips" grâce à un venin de crapaud psychédélique, n’est pas non plus de nature à rassurer.

D’autant qu’en face, ça frappe aussi très fort chez un Roy Jones Jr qui avait failli l’affronter en 2003-2004 après avoir conquis la ceinture WBA des lourds et qui a combattu pour la dernière fois chez les pros en février 2018 sans prendre officiellement sa retraite depuis. Pour ce dernier, mis KO cinq fois en carrière comme "Iron Mike", le danger sera également présent vu la foudre dans le poing de son adversaire. Point positif: Tyson a conscience de ces risques, inhérents à son sport. "C’est quelque chose que j’ai appris tout petit avec la boxe. Quand vous signez un contrat, il y a une clause non écrite qui fait que vous pouvez mourir n’importe quand à l’entraînement ou pendant le combat." De nombreuses études montrent que le risque de traumatisme(s) crânien(s) augmente avec l’âge. Et l’exemple de Muhammad Ali, atteint de la maladie de Parkinson trois ans après sa carrière, pourrait le faire réfléchir. Mais Mike n’en a cure. 

Il lance la "Legends Only League"

"On a eu des styles de vie différents, a-t-il répondu à ce sujet sur ESPN. Je n’ai jamais pris beaucoup de coups. Après ma retraite, j’ai vécu ma vie, j’ai expérimenté des choses et maintenant je suis de retour. J’ai l’impression que je me suis mieux occupé de mon corps et de mon état d’esprit que la plupart des combattants avant moi qui ont pris leur retraite avant de revenir." Tyson, qui avait combattu pour une exhibition en 2006 contre l’ancien lourd Corey Sanders sans pousser plus loin ensuite son "Mike Tyson World Tour" qu’il imaginait comme une série de combats exhibition, explique faire son retour pour la bonne cause, une œuvre de charité récoltant les fruits du combat, mais aussi parce qu’il s’en sent capable. "Ce n’est pas parce que j’ai 54 ans que ma vie est finie, a-t-il lâché sur ESPN. Pas quand vous vous sentez aussi beau que je me sens. Et je suis sûr que d’autres ressentent la même chose."

L’événement du 12 septembre, qui devrait également voir s’affronter l’ancien joueur NBA Nate Robinson et le YouTuber Jake Paul (WTF, comme on dit…) et qui aurait pu inclure un duel entre l’ancien champion du monde James Toney et l’ancien champion UFC Tito Ortiz sans le refus de ce dernier, a en effet une portée plus grande puisqu’il lancera la "Legends Only League", un circuit pour athlètes seniors de multiples sports qui voudraient retrouver une seconde jeunesse via des compétitions pour lequel il a trouvé l’inspiration dans une vidéo de Jerry Rice, légendaire receveur de la NFL. "On polit des anciennes stars pour les faire briller à nouveau", a expliqué Tyson dans une vidéo promotionnelle.

"Frontline Battle"

Puis d’appuyer ses dires dans l’émission First Take: "J’aimerais voir participer ceux qui veulent performer et qui peuvent passer les examens médicaux nécessaires. Les gens dont la société disent qu’ils sont trop vieux et finis ont plus de fans que les combattants et les joueurs actuels." La "Frontline Battle", surnom du combat Tyson-Jones Jr, sera distribué en pay-per-view – on ne connaît pas encore le prix – et via l’application Triller, partenaire pour "Iron Mike" dans tous ses futurs projets pugilistiques et qui va promouvoir le choc avec une série documentaire en dix épisodes. L’événement devrait aussi accueillir un concert, plusieurs gros artistes (Snoop Dogg, Lil Wayne, Future, The Weeknd ou Pitbull, entre autres) étant partenaires de Triller. On ne verra a priori pas de boxe comme chez les pros. Mais on ne manquera pas de show. 

Alexandre HERBINET (@LexaB)