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Boxe: Canelo attaque en justice le diffuseur… avec qui il avait signé un contrat à 365 millions

Moins de deux ans après avoir signé un contrat XXL avec DAZN, la star mexicaine Saul "Canelo" Alvarez attaque la plateforme de diffusion (et son promoteur Golden Boy) en justice pour "violation de contrat". Et réclame d’importants dommages et intérêts.

Ah, les coulisses de la boxe… Pour bien comprendre le noble art, elles sont parfois plus importantes que les combats. Et elles entraînent des situations ubuesques. Dernier exemple: Saul "Canelo" Alvarez. En octobre 2018, le boxeur mexicain (53-1-2, 36 KO; 30 ans) – sans doute la plus grande star actuelle de la discipline – avait signé avec la plateforme DAZN un contrat de diffusion de cinq ans à hauteur de 365 millions de dollars pour onze combats, alors plus gros contrat de l’histoire pour un sportif toutes disciplines confondues. Et moins de deux ans plus tard, le champion WBA Super et The Ring des moyens… attaque son diffuseur mais aussi son promoteur (Golden Boy Promotions) en justice! 

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Le Mexicain a déposé ce mardi une plainte de vingt-quatre pages devant la cour fédérale américaine du Central District de Californie contre DAZN, Golden Boy Promotions et son patron Oscar De La Hoya pour, entre autres, "violation de contrat". Et il réclame une compensation XXL. "DAZN et Golden Boy ont brisé les promesses faites entre eux, à Alvarez et aux fans de boxe, explique le document judiciaire récupéré par le site BoxingScene, (…) violé leurs contrats respectifs et causé à Alvarez des dommages d’au moins 280 millions de dollars", soit le montant garanti encore à payer dans son contrat. Outre ces dommages, Canelo réclame également des intérêts, le remboursement de ses frais d’avocat et de justice et "un jugement lui permettant d’être éligible à participer à des combats arrangés et promus par d’autres entités que Golden Boy Promotions et diffusés par d’autres entités que DAZN". 

Une bourse réduite... de plus de moitié

"Je suis le meilleur boxeur toutes catégories confondues sur la planète, je n’ai peur d’aucun adversaire et je ne vais pas laisser les défaillances de mon diffuseur et de mon promoteur me priver de ring, a expliqué l’intéressé à BoxingScene. J’ai rempli cette plainte pour pouvoir revenir boxer et donner à mes fans le show qu’ils méritent." Les raisons de la colère sont simples. Alors qu’il a déjà combattu trois fois sous les caméras de DAZN, le contrat de Canelo avec la plateforme de diffusion lui garantissait deux combats par an pour 35 millions de dollars chacun (sur 40 donnés à Golden Boy), organisés lors des week-ends fériés au Mexique en mai et en septembre. Mais entre la pandémie de Covid-19 et des refus de lui approuver des adversaires, le Mexicain n’a encore vu aucun combat organisé pour lui en 2020 et a décidé d’agir pour faire bouger les choses. 

DAZN espérait le voir combattre Gennadiy Golovkin, champion IBF des moyens avec qui il a déjà partagé le ring deux fois (nul en 2017 et victoire sur décision majoritaire en 2018) et qui est également en contrat avec la plateforme, en ce mois de septembre après avoir affronté le champion WBO des super-moyens Billy Joe Saunders en mai et un combat entre "GGG" et son challenger obligatoire Kamil Szeremeta au printemps. Mais le Covid est passé par là et a ruiné le plan. Problème? L’option Golovkin (que DAZN voulait déjà voir affronter Canelo fin 2019) envolée et l’économie sportive mise à mal par la pandémie, le diffuseur a voulu réduire sa bourse de 35 millions de dollars par combat de plus de sa moitié – en lui offrant pour "compenser" de futures actions après son passage en bourse – pour affronter les deux adversaires approuvés, Saunders ou le champion WBA Super-The Ring des super-moyens Callum Smith.

Selon la plainte, DAZN a alors avancé "une série d’excuses dont, entre autres, le fait que Alvarez n’avait pas affronté Golovkin en 2019 et que Golden Boy Promotions n’avait pas avancé sur un plan pour un second combat d’Alvarez en 2020" pour justifier sa décision de bourse réduite. Canelo était pourtant bien prêt à faire un effort financier, tout comme à se priver des revenus de la clause de son contrat lui offrant une partie de l’argent généré par la billetterie en l’absence de public à cause de la situation sanitaire. Mais pas à ce point, trop loin du compte initial. Canelo reproche également à Gold Boy et Oscar De La Hoya, avec qui les relations n’ont pas toujours été au beau fixe, de "ne pas lui avoir fourni de plan alternatif avec un autre diffuseur grâce auquel Alvarez aurait été payé les 35 millions de dollars promis à chaque combat" malgré ses demandes.

Si la société de promotion indique que le conflit se trouve entre son boxeur et DAZN, Canelo ne l’entend donc pas de cette simple oreille. Alors que son contrat ne contient aucune obligation d’affronter "un adversaire spécifique" mais celle d’adversaires "mutuellement sélectionnés" par les trois parties sans accord "bloqué de façon non raisonnable" par l’une d’elles, le Mexicain accuse Golden Boy d’avoir affirmé à DAZN qu’il allait affronter Golovkin en 2019 et de leur avoir accordé la possibilité de rejeter de potentiels adversaires unilatéralement, "des promesses qui excédaient ou étaient inconsistantes avec les termes de son contrat" et dont il n’était pas au courant mais que son promoteur utiliserait désormais comme "excuses pour son échec à approuver et payer les combats d’Alvarez à l’automne 2020 et au-delà".

De La Hoya, Masvidal ou Khabib, adversaires "premium"

La qualité des adversaires proposés se trouve également au centre de la bisbille. Selon le journaliste Dan Rafael, auteur de l'article pour BoxingScene, le contrat de Canelo avec DAZN le contraint à affronter un adversaire "premium" chaque année. Golovkin est considéré dans cette catégorie. Mais Danny Jacobs et Sergey Kovalev, les deux excellents boxeurs qui ont affronté le Mexicain en 2019, ne le sont par exemple pas, tout comme Saunders et Smith, deux adversaires pourtant approuvés par le diffuseur qui n’a pas fourni au camp Canelo une liste d’adversaires "premium" mais considérerait comme tels Oscar De La Hoya (qui envisage un retour sur les rings à 47 ans et sans avoir boxé depuis 2018) ou encore… les stars du MMA et de l’UFC Jorge Masvidal et Khabib Nurmagomedov!

Bref, et au contraire de ce que dit son contrat qu’il espère voir honoré, le Mexicain ne semble avoir aucune marge de manœuvre. Mais il veut combattre, que ce soit Saunders, Smith ou "GGG", pour lequel l’absence de public lui coûterait pourtant cher après des billetteries qui avaient rapporté respectivement 27 et 24 millions de dollars pour les deux premiers chocs entre les deux. Pourra-t-il le faire sur DAZN? Tout bien observé, on finit par se demander si la plateforme de diffusion (qui serait dans une situation financière difficile) n’a pas réalisé trop tard qu’elle avait fait une grosse erreur en accordant un contrat d’un tel montant à Canelo. Sauf accord, ce qui reste plus que possible, il faudra désormais régler tout ça devant un tribunal. 

Alexandre HERBINET (@LexaB)