RMC Sport

Bouttier : « J’aimerais toujours le voir danser »

Mohamed Ali

Mohamed Ali - -

Ancien champion d’Europe des poids moyens, Jean-Claude Bouttier a eu le privilège d’approcher à trois reprises Mohamed Ali. Le boxeur français raconte « les images les plus fortes » de son existence. Séquence émotion garantie.

Jean-Claude, que représente pour vous Mohamed Ali ?

Un énorme champion. Aux JO de Rome, c’était déjà un phénomène. Il a eu ensuite cette carrière extraordinaire. Il a révolutionné le monde des poids lourds et le monde de la boxe. C’était inhabituel de voir un boxeur de cette catégorie avec une telle mobilité, une telle vitesse d’exécution. Et puis, il y avait le personnage, qui avait un humour fou, qui se moquait de lui-même et des autres, et qui annonçait même le résultat du combat avant tout le monde. C’était un géant.

Pas seulement dans le monde du sport.

Pas seulement dans le monde du sport.
Il a eu des réactions qui ont divisé. Il a refusé d’aller au Vietnam. Il a pris parti pour la race noire. Il a aussi changé de religion. Ce n’est pas tout le monde qui aurait fait ça. Il avait une personnalité forte. Partout où il est passé, il se passait quelque chose. Blanc, noir, peu importe, tout le monde aurait aimé l’approcher.

Physiquement, Ali, c’était quelque chose, non ?

C’était un super athlète. Aujourd’hui, ce serait un petit poids lourd. Il pesait un peu plus de 90 kilos et mesurait 1m90. Et quand on sait que Klischko, son équivalent aujourd’hui, pointe à plus de 2 mètres et pèse 120 kilos…C’est énorme. Le monde de la boxe a évolué. Nos poids lourds sont plus grands qu’avant. Mais Mohamed Ali était parfait physiquement. Et il avait une telle intelligence…

Pour vous, est-il était le meilleur boxeur de tous les temps ?

Je ne fais jamais de comparaisons entre les époques. On aurait pu parler de Mike Tyson il y a quelques temps. Il y a eu avec Rocky Marciano un combat virtuel qui a été fait. Je ne me rappelle plus du nom du vainqueur. Mais ce n’était que virtuel. Chaque adversaire pose des problèmes différents. Celui qui s’adaptait le premier et c’était l’une des qualités de Mohamed Ali, sortait vainqueur.

Vous avez pu rencontrer Ali ?

Oui. La première fois, c’était en 1973 à Miami chez Angelo Dundee, son manager. Je m’entraînais pour disputer mon combat contre Carlos Monzon, le deuxième. Je peux vous dire qu’à l’entraînement, il était le même que dans la vie, mais avec une bonté et une générosité en plus. Il parlait à des jeunes comme moi. Il savait qui j’étais mais juste comme ça. Il adorait la France. J’ai essayé de prendre des trucs qu’il faisait mais ce n’était pas évident.

Vous dites la première fois… il y en a eu d’autres ?

Oui. La deuxième fois, c’était à Atlanta, lorsqu’il a allumé la flamme. La troisième et dernière fois, c’était à Détroit. On faisait un direct pour Canal +. La fille d’Ali boxait. A un moment, j’ai rejoint un salon VIP et là, je me suis retrouvé avec lui. Moi, Jean-Claude Bouttier. Je vais lui baiser les mains. Je ne sais plus quoi faire. Je reste 20 bonnes minutes avec lui. Même s’il était déjà touché par la maladie, il avait les yeux qui pétillaient. Des yeux de Mohamed Ali, quoi ! Je lui ai demandé un autographe, que j’ai toujours. J’ai eu la chance de pouvoir le toucher, l’approcher et le parler. Ce seront des images fortes pour moi, les plus fortes de mon existence.

Le grand moment de sa carrière, est-ce ce match terrible contre Foreman, en 1974 ?

Quand il met KO Foreman, personne n’y croit. Il est dominé, laminé. Et Foreman, qui est fort comme un bûcheron, le frappait. Ali était là et semblait lui dire : « Viens, tu ne me fais pas mal, viens ! ». Quand on voit Foreman tomber comme une vrille, c’est très fort.

Il y a aussi ce match, tout aussi terrible, contre Frazier à Manille en 1975.

Angelo Dundee voulait arrêter le combat. Frazier était mort. Ce combat avait un côté dramatique. Ali est sorti vainqueur puisque Frazier n’est pas revenu. L’image est très forte parce qu’Ali ne pouvait plus se lever. C’était beau et affreux à la fois. Les deux hommes avaient été au bout de leurs forces, un peu au-delà. Ils avaient fait un beau combat.

Mohamed Ali souffre depuis 1982 de la maladie de Parkinson. Les coups reçus tout au long de sa carrière en sont-ils responsables ?

Il y a beaucoup de gens touchés par cette maladie et qui n’ont pas fait de boxe. Je veux bien croire que ça n’arrange rien. C’est vrai qu’il a livré des combats très durs. Malgré l’habileté, la virtuosité qu’il avait et le nombre de coups qu’il évitait, il en a pris. Est-ce qu’il y a eu une petite incidence ? Je ne sais pas. Ce qui m’attriste, c’est de voir ce grand champion comme ça aujourd’hui. J’aimerais toujours le voir beau, toujours en train de danser.