
Au bout de la déception, Mayweather reste le roi

Floyd Mayweather, vainqueur de Manny Pacquiao sur décision unanime des juges - AFP
Combat du siècle, vraiment ?
Les spécialistes en débattaient, les médias s’y engouffraient. Entre Floyd Mayweather Jr. et Manny Pacquiao, le label avait vite été trouvé : « combat du siècle ». Sur le plan des dollars et du buzz médiatique, sans aucun doute. Pour le reste… « On a attendu cinq ans pour ça… », tweetait un certain Mike Tyson à l’issue du combat. « On est un peu déçu car on aurait pu penser que le combat allait être plus violent et plus indécis dans ses échanges, juge Brahim Asloum, membre de la Dream Team RMC Sport. Mayweather a trop géré, on aurait aimé plus de contact. Il ne s’est pas passé grand-chose. On imaginait plus d’engagement, plus de ‘‘fight’’. On pensait que Pacquiao pourrait plus déstabiliser Mayweather mais il n’y est pas arrivé. Il n’a pas trouvé la clé du combat. Ce combat ne restera pas dans les annales sur le plan pugilistique. »
Critiques partagées par l’ancien champion du monde des lourds-légers Jean-Marc Mormeck : « Ce n’était pas le combat du siècle mais juste un bon championnat du monde entre deux grands champions. Ils n’ont pas pris de risques et ne se sont pas vraiment livrés. C’est dommage. C’était le plus grand combat financier, le plus grand buzz, mais ça n’a pas tenu sa promesse. Ce n’était pas excitant. » Et Vincent Moscato, autre membre de la Dream Team RMC Sport, d’enfoncer le clou de deux truculences dont lui seul a le secret : « On nous avait promis Julia Roberts et on nous a mis Mimie Mathy dans le lit ! Ce n’était pas le combat du siècle mais le braquage du siècle ! » Ou le combat du chèque.
Mayweather, la meilleure attaque c’est la défense
Les juges n’ont pas hésité. Décision unanime au terme des douze rounds (118-110 et deux fois 116-112) et victoire de Floyd Mayweather qui unifie les titres WBA, WBC et WBO des welters. A 38 ans, l’Américain porte son invincibilité à un bilan de 48-0, à une marche du record du légendaire Rocky Marciano (il pourra l’égaler en septembre pour le dernier combat de sa carrière). Logique même si son adversaire déclarait tout de suite qu’il aurait « mérité de gagner ». Si « Money » n’a pas impressionné, son art de la défense et de l’esquive confine au génie pugilistique. Pas excitant à voir mais diablement efficace pour gagner. « J’aurais aimé plus de contact mais on ne peut pas reprocher à Mayweather de ne pas prendre de coups, estime Brahim Asloum. Si on parle de gestion technique, la qualité de Mayweather… C’est très dur de le toucher. »
La preuve par les stats : Floyd a touché Manny 148 reprises contre… 81 pour le Philippin. Bien dans ses clous, « Money » a pris un malin plaisir à contrer un « Pacman » plus offensif et à le punir de son jab précis. Fatale combinaison. « Mayweather gère ses combats et en fait le moins possible mais il gagne à chaque fois, constate Jean-Marc Mormeck. Il a encore réussi à contrôler le combat. On attendait tous un peu plus de lui mais on est deux sur un ring. Pacquiao aurait dû être plus actif, le bousculer plus. Mais il n’a pas pu faire plus et il n’a pas pris de risques non plus, au même titre que Mayweather s’est contenté de le tenir à distance, de l’esquiver et de le contrer. Pacquiao aurait dû se lancer mais s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il n’a pas pu. » Reste l’impression laissée. Qui fait mal à un Floyd conspué par une partie du public du MGM Grand et qui navigue loin des eaux de l’aura d’un Ali auquel il s’est pourtant comparé. « Il fait partie des plus grands, rappelle Asloum. Mais ce n’est pas Ali ou Leonard. Ils ont fait des combats hors normes qui restent dans les mémoires. Là, ce n’est pas le cas. »
Pour marquer l’histoire, il faut marquer les esprits. Et « Money », qui a certainement été très malin d’éviter Pacquiao (désormais à 6 défaites pour 57 victoires) quand ce dernier pouvait plus l’inquiéter il y a quelques années, l’a peut-être trop oublié. « Il n’y a pas de dramaturgie, regrette Vincent Moscato. Mayweather, il gère. Il ne nous ravit pas car il ne va pas au combat. Il n’y a pas d’échanges, pas de spectacle. On va nous dire qu’il est le roi de l’esquive. Mais on s’en fout ! Quand tu es boxeur, il faut se battre sinon ça ne sert à rien. Quand tu as payé 20 000 dollars pour ça, tu lui jettes ta chaise à la gueule. La gestion, je veux bien, mais tu n’es pas banquier ou comptable… Nous, on veut qu’il file des grands coups de massue car il a une technique qui le permet. »
Le spectacle était en tribunes
Un « combat du siècle » décevant. Un vainqueur gestionnaire. Mais où était donc le spectacle au MGM Grand de Las Vegas ? Dans les tribunes bien sûr. Comme prévu, les stars se sont bousculés au portillon pour assister à cette confrontation tant attendue. Denzel Washington, Beyonce, Jay-Z, Justin Bieber (qui a accompagné Mayweather lors de son entrée), Mark Wahlberg (vu dans le vestiaire de Pacquiao), Paris Hilton, Adrien Brody, Mike Tyson, Michael Jordan, Robert De Niro, Andre Agassi, Steffi Graf, Jamie Foxx pour l'hymne US… ils étaient tous là. Et la liste n’est pas exhaustive. On espère au moins que l’ambiance du MGM Grand – qui a soutenu Pacquiao dans les grandes largeurs – leur a permis de profiter un peu mieux d’un show qui n’a pas vraiment tenu ses promesses sur le ring.