RMC Sport

Bellator 291: Amosov, de la guerre à la cage

Yaroslav Amosov

Yaroslav Amosov - DR

Champion des welters du Bellator, Yaroslav Amosov défend sa ceinture ce samedi à Berlin contre le champion intérimaire Logan Storley (en direct à partir de 23h30 sur RMC Sport 2). Engagé dans la protection de son pays en guerre, l’Ukrainien a pris les armes pour défendre les siens et n’est plus monté dans la cage depuis plus d’un an et demi. Il revient aujourd’hui motivé comme jamais pour rendre fier son peuple.

La date de son combat renforce le symbole. Champion des welters du Bellator, une des plus grosses organisations de la planète MMA, Yaroslav Amosov défend son titre ce samedi soir à Dublin (Irlande) face à l’Américain Logan Storley, champion intérimaire de la catégorie depuis sa victoire sur Michael Page en mai dernier. Le garçon va se présenter dans la cage le 25 février, un an et un jour après le déclenchement de la guerre dans son pays. Un événement vécu dans sa chair par le combattant ukrainien. A l’instar des boxeurs Vasiliy Lomachenko ou Oleksandr Usyk, Amosov a vite mis de côté sa carrière une fois le conflit engagé afin de protéger son pays, tenue militaire sur le dos et arme à la main. 

"Ma vie a changé le 24 février 2022, raconte-t-il dans une interview sur la chaîne YouTube du Bellator. Le matin où la guerre a commencé, j’ai regardé à travers ma fenêtre et j’ai écouté ce qui se passait. J’avais un enfant de six mois et j’ai dit à ma femme: ‘OK, allons-nous en!’ On a déménagé dans une autre ville. J’ai conduit ma voiture pendant 36 heures, sans dormir. Et après ça, je savais que je devais revenir dans ma ville pour aider mon pays." Amosov aurait pu s'en aller en Floride, l'autre chez lui, pour s'entraîner dans les murs de l'American Top Team et poursuivre sa carrière. Mais aucune hésitation. La guerre et le pays avant le combat.

Yaroslav Amosov sur le front, ceinture en main
Yaroslav Amosov sur le front, ceinture en main © DR

"J'ai fait ce que je voulais faire, expliquait-t-il l'an dernier à MMA Junkie. Je savais que j'avais ce choix mais je ne suis pas plus spécial qu'un autre. Je suis un citoyen comme un autre de ce pays, je suis en guerre comme tout le monde." Les mots de l'Ukrainien résumaient les horreurs de la guerre: "C'est tellement dur de voir la souffrance des gens, et encore plus dur à voir quand c'est ta ville..." Sa famille évacuée dans une zone sécurisée, l’ancien quadruple champion du monde de Sambo Combat – discipline dont sont notamment issues les stars daghestanaises Khabib Nurmagomedov et Islam Makhachev – retourne dans sa ville, Irpin, reprise aux forces russes quelques semaines plus tard. 

L’occasion pour Amosov d’aller chercher… sa ceinture de champion des welters du Bellator cachée dans une maison par sa génitrice. "Quand l’armée russe a quitté ma ville, j’ai appelé ma mère et je lui ai demandé où était ma ceinture. Elle m’a répondu qu’elle l’avait cachée. Elle m’a dit où et j’ai été la chercher. Pendant longtemps, je me suis demandé où elle était. Et quand je l’ai retrouvée, mes amis m’ont dit: ‘Yaroslav, tu dois aller la défendre’. J’ai longtemps hésité, peut-être que oui, peut-être que non, mais beaucoup de gens m’ont dit que je devais y aller et c’est ce que j’ai fait." Ce sera pour ce samedi. Dans la cage même si son esprit reste en partie au pays. 

"C’est un moment difficile pour mon peuple et je veux aider. Quand on donne du pain aux gens, ils pleurent. Ils n’ont rien à manger, rien à boire, c’est une vie très difficile pour eux. La ligne de front est attaquée en permanence. C’est la guerre tous les jours. Mais nous avons des villes où la vie est normale. Vous allez boire un café et peut-être qu’une attaque de roquette arrive et que vous mourrez. J’ai beaucoup d’images en tête. Tu vois beaucoup de morts chez les civils, des vieilles dames, des enfants, des familles… Pourquoi tirer sur des vieilles dames ou sur des enfants? Ce sont des civils, pas l’armée. Pourquoi l’armée russe nous fait-elle ça? Je ne comprends pas." 

Et Amosov de conclure les larmes aux yeux: "Quand je vais me coucher, je ferme les yeux et je vois tout ça dans ma tête. Et parfois, je ne dors pas." Face à Storley, qu’il a déjà battu sur décision partagée en novembre 2020, l’Ukrainien de vingt-neuf ans toujours invaincu en MMA (26-0) n’aura pas à chercher très loin pour allumer son feu intérieur. Avant de revenir vers les siens et l’essentiel une fois le combat terminé. "Ce qui arrive en Ukraine est une énorme source de motivation pour moi. Je veux entrer dans cette cage et gagner. C’était très dur de quitter ma ville pour commencer à me préparer mais je reviendrai en Ukraine après mon combat et je veux montrer au monde combien les Ukrainiens sont forts et résistants. Savoir qu’un Ukrainien a défendu sa ceinture peut faire du bien aux gens. Je combats pour eux."

Avec un recul logique vu tout ce qu’il a vécu depuis sa dernière sortie au Bellator en juin 2021 (victoire par décision unanime sur Douglas Lima). "C’est une vie différente désormais. Maintenant, quand les gens me disent qu’ils ont des problèmes et qu’ils n’habitent pas l’Ukraine, je me dis: ‘Non, vous n’avez pas de problèmes’." Entre ses qualités et son mental, il en sera un pour son adversaire à Dublin.  

Alexandre Herbinet