
Violences sexuelles dans le sport: les associations incitent les victimes à parler

Sarah Abitbol en 2003 - ICON
Elles brisent l’omerta. Dans les colonnes de L'Equipe et L'Obs ce mercredi, plusieurs anciennes patineuses de haut niveau, dont la multi-médaillée Sarah Abitbol, accusent leurs entraîneurs de viols et d'agressions sexuelles entre la fin des années 1970 et les années 1990. Les entraîneurs mis en cause nient les faits ou n'ont pas répondu à L'Equipe et à L'Obs.
Jointe par RMC Sport, l’association "Colosse aux pieds d’argile" n’a pas été surprise après la sortie du dossier sur les violences sexuelles dans le sport paru dans L’Equipe, à l’image de son fondateur et ancien rugbyman Sébastien Boueilh, lui-même victime de viols pendant six ans.
"La honte est en train de changer de camp"
"C’est notre quotidien, des affaires, on en reçoit quasiment tous les jours. Là ce qui est important de noter, c’est que ce sont des anciennes championnes donc il faut espérer que ça libère la parole de jeunes championnes qui sont encore sur le circuit parce que malheureusement toutes ces victimes parlent post-carrière. Ce serait bien qu’elle le fasse pendant. Pour justement éviter que ces prédateurs multiplient leurs victimes mais on sait que c’est difficile donc on ne peut pas leur en vouloir d’avoir parlé après", indique-t-il.
Des témoignages suffisants pour voir un début de fin d’omerta sur ces questions? "Bien sûr, la parole se libère. Après il y a eu des grosses affaires internationales (la gym aux Etats-Unis, le foot en Angleterre, l’équitation en Allemagne… ndlr) qui ont sensibilisé l’opinion. Les langues se libèrent, la honte est en train de changer de camp et c'est tant mieux. C’est toujours difficile de parler de son passé surtout quand on a subi des violences sexuelles mais les témoignages donnent du courage aux autres victimes", ajoute Sébastien Boueilh.
Pour preuve, le nombre de cas et d’appels à l’association "Colosse aux pieds d’argile". En sept ans d’activité, l’association a reçu 3.600 témoignages, dont un quart dans le mouvement sportif, soit 900 cas.
"Les mentalités doivent encore énormément changer"
Et Sébastien Boueilh de préciser: "Ça concerne tous les sports. Une fédération qui me dit qu’il n’y a pas eu de problèmes dans son sport, c’est une fédération qui fait l’autruche. Aucun sport n’est épargné, il n’y a pas une discipline où je n’ai pas eu de témoignages en sept ans. Et j'incite toutes les victimes à parler, à la libérer la parole parce que le silence est le meilleur des alliés de ces prédateurs."
Le comité Ethique et Sport, qui travaille aussi sur les questions d'abus sexuels dans le sport, par la voix de sa présidente Véronique Lebars, salue la sensibilisation plus importante de la société sur ce fléau mais reste mitigée sur la question de la fin de l’omerta. Pour elle, "les fondements de cette omerta sont basés sur la peur de l’enfant, de l’adolescent de perdre le lien avec le groupe si jamais il parle".
"Il y a peut-être un petit progrès, nous avons effectivement une hausse des appels mais les mentalités doivent encore énormément changer. Les prédateurs ne doivent plus penser qu’ils peuvent agir en toute impunité et il faut apprendre aux enfants qu’ils peuvent dire non et que certains comportements ne sont pas normaux. Tout ça passe par l’information et l’éducation", précise-t-elle.