
Pourquoi Kitzbühel leur fait si peur

Johan Clarey - AFP
Parce qu’on y fait des bonds de 100 m !
Pour cette 75e étape de Coupe du monde à Kitzbühel, les organisateurs ont choisi de remettre les sauts au goût du jour. Ainsi, les traceurs se sont attelés à redessiner les bosses de la Streif (le nom de la piste de Kitzbühel, ndlr) un peu gommées ces dernières années. Trois gros sauts seront donc au programme de la descente pour les skieurs qui devraient passer, en distance cumulée, plus de 100 mètres… dans les airs ! « Le tracé est plus typé descente. Avec des plus gros sauts, on va plus vite et plus loin, mais moi je ne trouve pas ça plus dangereux » assure Yohan Clarey. David Poisson est moins catégorique. « On a fait la reconnaissance mardi et pour la première fois on s’est dit : ‘‘Mais ils sont cinglés !’’ Ce coup-ci ils ont pété un câble, lâche le médaillé de bronze en descente aux Mondiaux de Schladming. Finalement une fois que t’es dedans, tu prends du plaisir et ça va mieux déjà. »
Parce qu’un mur se dresse devant soi et qu’on peut y vivre un enfer
Deux moments forts marquent la descente de la Streif. Le « Mausefalle » (« piège à souris en allemand »), un saut impressionnant qui propulse les skieurs dans le vide après seulement quelques secondes de course et le « Steilhang » (« pente raide »), un véritable mur de glace que les participants devront dévaler… avec une pente descendante estimée à 85 % ! « Là-haut c’est quitte ou double, affirme Guillermo Fayed. Tout peut très bien se passer… comme ça peut être l’enfer. On passe tout le temps par des états de confiance puis d’un coup, on panique et on n’est plus du tout en confiance. Ici, on rentre souvent dans des virages sans savoir si on va en ressortir de la courbe. C’est comme rentrer dans une cage avec des lions, il faut dominer même si on a peur. » « C’est une piste qui ne pardonne pas les petites erreurs, souligne Adrien Théaux. Les filets sont très près de la trajectoire de course. C’est la piste la plus dure qu’il y ait, je pense. »
Parce que la Streif a déjà fait de gros dégâts
« Je me souviens de Didier Cuche la première fois qu’il est venu ici. Il ne voulait pas la faire » raconte Adrien Théaux. Et pour cause. Lors de son premier départ, en 1996, le Suisse avait vu quatre des cinq coureurs le précédant chuter. «J'aurais voulu ramper à reculons hors du portillon de départ, se souvient le Neuchâtelois, recordman de succès à Kitzbühel (5). Chaque année, il semble que la Streif prenne un coureur, et tu sais que tu pourrais être celui-ci ». La liste des « victimes » de la Streif est conséquente. On recense les chutes de l’Autrichien Hans Grugger en 2011, celle du Suisse Daniel Albrecht, le corps inerte au moment de son transport dans une civière héliportée. Mais aussi celle de Todd Brooker (certainement la plus spectaculaire, le Canadien enchainant les tonneaux sur plusieurs mètres) en 1987 ou encore la chute de Scott Macartney en 2008. Un sacré tableau de chasse.