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Garmisch-Partenkirschen: La difficile vie de géantiste en Coupe du monde

Ski Alpin

Ski Alpin - AFP

Avec seulement 9 courses dans l’hiver, le slalom géant fait clairement figure de parent pauvre de la Coupe du Monde de ski alpin. A l’image des Français Matthieu Faivre, Thibaut Favrot et Cyprien Sarrazin, les purs spécialistes sont rarement en compétition et peinent à se tourner vers les autres disciplines. La faute à un règlement trop restrictif.

Trois longues semaines sans courir. Une éternité pour les purs spécialistes du slalom géant qui n’avaient plus disputé de course depuis Adelboden, le 11 janvier. Avant cela, ils n’en avaient disputées que trois en trois mois. "Avec en tout 9 slaloms géants dans la saison, comparé par exemple à 12 slaloms, ça ne fait vraiment pas beaucoup. Nous autres géantistes pour avoir 500 points on a quand même 3 courses en moins que les slalomeurs, c’est sûr que ça n’aide pas." En quelques mots, le géantiste français Cyprien Sarazin, 2ème du slalom géant d’Alta Badia en décembre, a résumé et montré toute l’ampleur du problème.

"Beaucoup plus de pression sur chaque course"

Quand il évoque les 500 points, ce sont les points au classement général de la Coupe du Monde. Une victoire en Coupe du monde équivaut à 100 points, une deuxième place à 80 points, une troisième à 60, etc. Et la barre des 500 est capitale dans la mesure où elle permet à ceux qui la franchissent de pouvoir s’aligner sur l’ensemble des disciplines de la Coupe du Monde de ski sans passer par des dossards élevés synonymes de départ dans les tréfonds, de pistes extrêmement abîmées et donc de performances dégradées.

Cela pose problème déjà car "s’entrainer toute l’année pour faire 9 courses, ça ne fait vraiment pas beaucoup, analyse Matthieu Faivre, l’un des tous meilleurs géantistes de l’équipe de France. On ne passe pas moins de temps à la salle de musculation juste parce qu’on fait 9 courses, on s’entraine tous les jours, comme quelqu’un qui fait 30 courses dans l’année (Alexis Pinturault par exemple). Ça met beaucoup plus de pression sur chaque course, car on se dit : "si je loupe celle-là, ça me laisse une chance de moins et ça devient tout de suite plus compliqué à gérer." On ne perd pas forcément les repères, mais l’adrénaline du départ avec la tension, le stress, ça on peut le perdre un petit peu."

De nouvelles compétitions pour redynamiser le sport

Et à l’image de beaucoup de géantistes sur le circuit de la Coupe du monde, Matthieu Faivre est une victime collatérale des désirs d’évolution de la Fédération Internationale de Ski (FIS). Depuis quelques saisons, l’instance suprême du ski mondial cherche à privilégier des formats "plus funs" selon les mots de Cyprien Sarrazin, plus télégéniques, et donc attirant un public plus nombreux. Dans l’esprit de redynamiser un sport qui peine malgré tout à exister en dehors d’une poignée de pays, principalement l’Autriche, la Norvège, la France et l’Italie, elle a donc mis en place des épreuves dites "parallèles".

Des formats type "tournoi de tennis" où les skieurs s’affrontent en duel à élimination directe sur deux tracés côte à côte, à partir de seizièmes de finales, jusqu’à obtenir un vainqueur. Des formules très aléatoires, avec un vrai problème d’équité puisque les deux tracés ne peuvent pas être identiques et donc certains skieurs sont forcément avantagés. Et la discipline choisie pour disputer ces formats parallèles est précisément celle du slalom géant. Deux étapes de ce type cette année (Alta Badia et Chamonix), des vainqueurs souvent un peu sortis de nulle part et sans grandes références (Le Norvégien Winginstadt par exemple à Alta Badia), et des purs spécialistes pénalisés car ayant donc deux "vraies courses" de moins dans la saison pour espérer marquer les fameux 500 points.

La Coupe du monde, l'objectif numéro 1

Alors à l’image de Matthieu Faivre, beaucoup de skieurs désireux d’évoluer vers d’autres disciplines (Super G et Super Combiné pour le skieur d’Isola 2000) sont obligés de prendre part à des épreuves de divisions inférieures (un peu comme en tennis, ceux qui participent à des tournois Challenger ou Future pour tenter de gagner des points ATP, évoluer au classement et obtenir des statuts de tête de série plus avantageux). C’est le cas de Matthieu Faivre mais c’est aussi un véritable casse-tête explique-t-il. "Je dois gérer le circuit principal et donc les circuits inférieurs. C’est compliqué à intégrer au calendrier car ça ne tombe pas forcément au bon moment. Et puis l’objectif principal reste la Coupe du monde. Bref faire une discipline supplémentaire surtout quand on est géantiste, ce n’est jamais simple".

"Une concurrence extrême"

Car il y a aussi ce détail à gérer pour les purs géantistes. C’est paradoxalement la discipline de base du ski alpin, mais c’est celle qui diffère le plus de ses voisines. "Pour nous autres techniciens, on ne peut pas passer du géant au slalom aussi facilement par exemple que les spécialistes de la vitesse analyse Matthieu Faivre. La descente et le Super G se ressemblent beaucoup, et permettent d’engranger beaucoup de points". 1900 au maximum avec en tout 19 descentes et super G dans la saison, et souvent des cadors qui sont les mêmes dans les deux disciplines. Cela permet par exemple au Norvégien Alexander-Aamodt Kilde spécialiste de la vitesse de s’engager depuis cette saison sur des slaloms géants avec des dossards convenables, et de venir titiller les rares skieurs polyvalents que sont Pinturault et Kristoffersen pour le Gros Globe de Cristal de vainqueur de la Coupe du monde de ski alpin.

Aujourd’hui pour un pur spécialiste du géant comme Matthieu Faivre, désireux d’accéder à d’autres disciplines sans passer par des dossards trop élevés, doit marquer 500 points en 9 courses cet hiver. Une troisième place en Coupe du monde vaut 60 points. 60 points par courses sur 9 courses équivalent à un total de 540 points. Tout juste suffisant. Conclusion, pour espérer atteindre son objectif juste avec les géants de coupe du monde, Matthieu Faivre doit en moyenne terminer troisième de chacune de ses courses. Dans une discipline où la concurrence est poussée à l’extrême.

Arnaud Souque