RMC Sport

Descente de Kitzbühel: l'enfer de la Streif en quatre passages-clés

La descente de Kitzbühel, programmée samedi à 11h30, est un mythe qui effraie encore les skieurs les plus aguerris. RMC Sport vous donne, en quatre passages clés, un aperçu des risques pris par les descendeurs sur la Streif.

C’est un colosse dont le nom effraie même les montagnards les plus aguerris: la "Streif", surnom de la terrible descente de Kitzbühel (Autriche), programmée ce samedi à 11h30 en Coupe du monde. "Plus de 10 ans qu’on vient ici et on a toujours la même boule au ventre à chaque départ", avouent en choeur le Français Johan Clarey et le Norvégien Kjetil Jansrud, deux vieux briscards parmi des meilleurs descendeurs du monde.

Parce qu’elle est considérée comme la plus dangereuse et difficile des pistes de la Coupe du Monde, la Streif constitue un mythe prestigieux qui dépasse le simple cadre du ski alpin. La terminer en un seul morceau ne relève pas du miracle, mais suffit à provoquer le tonnerre d’applaudissements des 50.000 spectateurs présents dans l’aire d’arrivée. La Streif, un morceau de bravoure que vous décrypte RMC Sport en quatre passages-clés.

Tout commence avec la "Mausefalle": traduisez, la souricière

La Mausefalle: c'est le point d’orgue du premier quart de la course. Et c’est déjà déterminant. Un court instant pour s’élancer et prendre de la vitesse, un premier virage à droite à 130 degrés, dans la foulée un deuxième à gauche à 90 degrés. Une demi-seconde s'écoule entre la sortie de ce virage et le premier gros saut de la descente, la fameuse Mausefalle et son bond de plus de 50 mètres. Vitesse d'entrée : 80 km/h, vitesse de sortie: 130 km/h. "Tout se joue là, dès le départ, dès les 20 premières secondes", décrypte Nicolas Raffort descendeur de l’équipe de France. "Il faut pousser très fort dès le portillon pour prendre le saut avec le plus de vitesse possible. Si tu n’attaques pas tu te fais manger par la piste". Mais Daron Rhalves, ancien descendeur américain vainqueur de la descente de Kitzbühel en 2003 préfère prévenir: "C'est un passage extrêmement dangereux qui pousse les skieurs dans leurs retranchements. La moindre erreur y est fatale."

Juste avant la mi-course: le "Steilhange" (la chute, en français)

Chaque km/h perdu ici coûte un dixième de seconde un peu plus bas. Le steilhange (jusqu’à 85% d’inclinaison) demande une concentration extrême. C'est le passage le plus raide de la Streif. Sombre, lustré, ultra-verglacé et truffé de bosses, les skieurs y sont réduits à l'état de pantins désarticulés tant ils sont obligés de subir le terrain. Deux choses à gérer: une très longue courbe et un très fort dévers. Résultat, la force centrifuge est maximale et risque à tout moment de faire partir les athlètes dans le décor. On y assiste parfois à des figures spectaculaires, comme en 2008 lorsque le fantasque Américain Bode Miller s’était retrouvé à skier sur la bâche de protection pendant une fraction de seconde après une petite erreur de trajectoire.

"Mais pas le temps de gamberger ou d'avoir peur", explique Johan Clarey, descendeur de l’équipe de France… Car c’est LA partie stratégique. C’est la sortie du Steilhange qui détermine la vitesse qu’on aura sur le long passage plat de la mi-course. Et en effet, selon les calculs des spécialistes, en gagnant par exemple 2 km/h sur cette section, les skieurs gagnent deux dixièmes de secondes sur le plat. D’où l’importance de le maîtriser pour ne pas compromettre ses chances de victoire.

Le coup de grâce, l'Hausbergkante: LE passage mythique

C'est LE passage mythique, celui que tous les amateurs de ski alpin ont en tête en évoquant la descente de Kitzbühel. Situé à 700 mètres de l'arrivée, alors que le cœur des athlètes bat déjà à 180 pulsations par minutes, ce passage commence par un saut de plus de 40 mètres auréolé d’une gigantesque arche colorée. On pourrait presque le qualifier de porte de l’enfer. La trajectoire doit être maîtrisée à la perfection pour prendre autant de vitesse que possible dans le terrifiant virage à gauche en traverse qui s’ensuit. Les skieurs arrivent à 90 km/h, et peuvent prendre jusqu’à 140 km/h dans une courbe presque à angle droit, criblée de bosses, et dont ils ne voient pas le bout. "Il faut essayer de se laisser porter pour maximiser la vitesse, mais après on a un mal fou à prendre la dernière porte du virage", explique l’Autrichien Hannes Reichelt vainqueur sur la Streif en 2014. "Avec la fatigue, le champ de vision est rétréci, les cuisses brûlent, c’est dur, surenchérit Nicolas Raffort. Il faut réussir à souffler au maximum et à faire des choses simples pour être le plus efficace possible." 

Après l’Hausbergkante, la compression du Zielschuss

"30 secondes de chute libre en haut, 30 secondes de chute libre en bas", résume Johan Clarey. Le Zielschuss, c'est la partie la plus rapide de la course. Les skieurs sont désormais en pilote automatique. "Il faut rester lucide, analyse Nicolas Raffort. A ce moment-là, il y a de l’adrénaline et des différences qui se font uniquement sur le physique." D’autant qu’un dernier point chaud vient ensuite chahuter les skieurs dans les tous derniers mètres. Le saut final, le Zielsprung, au maximum duquel les skieurs aperçoivent l’aire d’arrivée. Bien le prendre est essentiel, même s’il a été adouci par rapport à ce qu’il était il y a quelques années. En 2009, ce saut avait coûté trois semaines de coma au Suisse Daniel Albrecht après une vertigineuse chute survenue lors d'un entrainement. Une fois passé, les skieurs n’ont plus qu’à foncer tout droit vers l’arrivée. Fin de l’odyssée fantastique. Après un peu moins de deux minutes homériques, les meilleurs ont l’occasion d’inscrire leur nom au prestigieux palmarès et de se frotter ainsi à l’éternité.

Arnaud Souque