
Biathlon: Fillon-Maillet vise "la gagne et exclusivement la gagne"
La coupe du monde de biathlon reprend ce samedi à Kontiolahti en Finlande, avec l’individuel 20km messieurs à 11h et l’individuel 15km dames à 14h20. Une reprise à huis clos et avec un calendrier chamboulé en raison de la situation sanitaire. Après la frayeur concernant un cas de Covid-19 dans le staff médical, les Bleus prendront bien le départ de ce premier week-end de courses. Des Français sans leur star Martin Fourcade, désormais jeune retraité, et ses sept gros globes de cristal.
Un seul être vous manque, mais tout n’est pas forcément dépeuplé! L’équipe de France a brillé la saison dernière, avec trois Bleus dans les six premiers du classement général. Quentin Fillon-Maillet, qui a terminé troisième du classement général les deux dernières saisons, se sent prêt à prendre la relève. Le Jurassien de 28 ans ne cache pas ses ambitions personnelles: faire tomber le norvégien Johannes Boe et succéder au palmarès de la Coupe du monde à Martin Fourcade.
Quentin Fillon-Maillet, vez-vous eu peu de ne pas pouvoir prendre le départ de cette saison?
C’est un gros soulagement et une bonne piqûre de rappel. Tout peut basculer d’un moment à l’autre. Il y a eu de l’inquiétude parce qu’on s’investit tous énormément durant toute la préparation, et si dès la première course on rencontre des problèmes comme ça, ça fait peur. On n’est pas la seule équipe à avoir été confrontée à ça. J’espère qu’une fois que tous les tests seront revenus et que la bulle sera en place, on pourra fonctionner plus librement dans la tête. On va garder ce fonctionnement de binômes mais ça coupe un peu les liens sociaux. On mange toujours avec la même personne, on côtoie toujours la même personne... Mais ça permet au moins de réduire les cas contacts et de limiter une éventuelle propagation de l’épidémie. On a une épée de Damoclès au dessus de nous et elle est un peu pesante, mais j’espère que quand on sera un peu rôdés par rapport à tout ça, les choses pourront fonctionner plus normalement. Cela a pris beaucoup d’énergie, parce que j’aurais été très frustré de ne pas courir car j’étais cas contact d’un cas contact. Quelque chose que l’on ne contrôle pas, c’est très frustrant.
Dans quel état de forme arrivez-vous après la fin de préparation? Hâte d’en découdre?
La fin de préparation s’est bien passée, on a fait quelques chronos qui se sont bien passés. Les sensations sont bonnes et la sérénité aussi. Je suis quand même très impatient de me libérer un peu, de savoir comment s’est passée cette préparation, parce que je me doute qu’elle n’est pas mauvaise, mais dans quelle mesure elle me permettra d’aller chercher une première victoire, un podium ou moins bien… On verra. L’objectif de la préparation était d’aller chercher un maximum de victoires, sur chaque course. J’ai travaillé pour ça donc je serai déçu si je ne m’approche pas du podium sur les prochaines courses.
Vous visez et assumez clairement le classement général de la Coupe du monde…
Il n’y a pas seulement eu un travail physique ou sur le tir pendant la préparation. Il y a eu aussi un travail mental, à me dire que je m’entraîne pour la gagne et exclusivement pour la gagne. Alors bien sûr, il n’y aura pas que des victoires cet hiver, si ça arrive ce sera juste magnifique. Mais on fait du biathlon et il y a toujours des passages à vide, il faut aussi accepter les défaites. Mais je suis vraiment dans l’optique de partir pour gagner et d’être encore plus régulier que d’habitude sur cette première place. C’est pour moi un vrai chalenge. Ce n’est pas évident d’aller chercher cet objectif-là. Il faut tout mettre le jour J, il faut être là sur le tir, sur les skis, ne pas être malade. Ce travail mental est important, pour me dire qu’il faut aller chercher la victoire sur chaque course et pas seulement un podium.
Ce travail mental, comment se matérialise-t-il?
Il y a d’abord le travail mental sur la carabine, parce que aujourd’hui c’est mon point faible et que c’est là-dessus que je dois progresser pour être régulier et à chaque fois me bagarrer pour la victoire. Je dois moins accepter l’erreur sur le travail de tir. Sur les skis, essayer d’avoir une implication plus forte sur chaque entraînement. Je travaille cet aspect avec mes deux coachs, Vincent Vittoz et Patrick Favre, et j’essaie de prendre des infos un peu partout. Je regarde pas mal de reportages sur des grands sportifs et ça me permet de m’imprégner de certains athlètes qui ont un charisme très fort, qui arrivent à s’imposer sur chaque course ou épreuve. Des athlètes comme Teddy Riner. Lui m’inspire parce qu’il a quasiment tout gagné jusqu’à présent et malgré tout, il est capable de continuer à gagner, alors qu’il a coché tous ses objectifs d’enfance. J’ai bien sûr eu Martin Fourcade, qui m’a beaucoup aidé là-dessus. Il est très fort et, je le dis souvent, c’est pour moi le plus mauvais perdant que je connaisse. Et justement, cet esprit, qui n’est pas forcément toujours bien vu, ça l’a beaucoup aidé en compétition. Je ne souhaite pas être trop mauvais perdant, mais j’essaie d’adopter certaines attitudes qui pourraient m’aider à aller chercher des victoires.
L’an dernier, vous avez par deux fois montré de l’agacement, après un accrochage avec Martin Fourcade et des soucis de fartage, est-ce quelque chose que vous essayez de gommer?
C’est un peu le débat avec mes coachs… Vis-à-vis de la fédération, vis-à-vis de pas mal de monde, ça peut mal passer parce que ce n’est pas toujours bien vu, les excès, dans n’importe quel sport. Après aujourd’hui, et ça reste mon point de vue, on a le droit de crier, de pleurer après avoir passé la ligne, on a le droit de pleurer sur un podium pour montrer notre joie, on a le droit de montrer notre tristesse. Mais on n’a pas le droit de montrer notre colère. Je veux bien comprendre que l’on soit sportif de haut niveau et qu’on doit avoir un certain contrôle de nous-même. Mais aujourd’hui, je n’ai pas de regret sur ce qu’il s’est passé à Nove Mesto ou à Hochfilzen avec Martin, parce que j’étais énervé ce jour-là et j’avais envie de le montrer, et je ne reviendrai pas sur mes gestes. Après je peux comprendre que ça ait pu choquer certaines personnes, mais vis-à-vis de mes techniciens à Nove Mesto je suis allé m’excuser et ils ne m’en veulent pas parce qu’ils comprennent qu’après une course on peut avoir les nerfs à vif. Je jouais gros le maillot rouge et le globe de cristal sur la mass-start, j’avais des grosses sensations de ski et un bon tir et ce jour-là j’avais vraiment envie de gagner et d’aller chercher ce maillot rouge. Et j’ai été pénalise par mes skis ce jour-là donc ça a été très très énervant d’être si proche mais de ne pas réussir. C’était frustrant. Je souhaite aussi montrer mes émotions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises avant, pendant et après les courses. Ça fait partie du sport, je réfléchirai peut être différemment, mais je ne changerais pas forcément d’attitude sur une prochaine situation.
C’est la première saison sans Martin Fourcade, comment fonctionne le groupe sans lui?
On a eu beaucoup de résultats, au-delà de ceux de Martin, qui ont pu valider le niveau de l’équipe de France, donc on ne part pas du tout dans l’inconnu, à se dire qu’on a perdu notre talent et qu’on ne sait plus où on va. On a vraiment une équipe qui est très forte et on a pu bosser avec une équipe un peu différente, mais dans le bon sens. La question ne s’est pas posée de savoir comment on allait fonctionner avec ou sans Martin. Les choses se sont faites assez naturellement. Tout le monde dans l’équipe a su trouver sa place. Tout s’est bien déroulé, il n’y a pas eu de manque de Martin. Il nous a toujours beaucoup apporté, mais maintenant on arrive à trouver notre fonctionnement sans lui. Une équipe qui a des objectifs forts et qui sait où elle veut aller.
Cette saison, ce sera encore Boe contre les Français?
J’espère qu’on sera encore plus fort et que l’on pourra encore plus rivaliser avec Johannes. C’est un athlète très fort, je ne sais pas quelle a été sa motivation sur l’été, comment s’est passée sa préparation. On a eu quelques infos via des articles mais rien pour évaluer ses perfs pour cet hiver. L’équipe de France en tout cas a fait du super boulot. On a une équipe dynamique et qui s’entend super bien. Je pense clairement qu’on est plus allé de l’avant que régressé donc j’espère qu’on sera encore meilleur que l’année dernière et en tout cas j’ai trouvé une équipe vraiment bien, j’ai apprécié travaillé avec eux, j’ai aussi besoin de cette équipe pour avancer parce qu’on est tous très fort et ça permet d’avancer encore plus loin. J’espère qu’on pourra montrer au moins d’aussi belles choses que l’année dernière.