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Un an après le suicide de Nolwenn, 17 ans et jeune footballeuse, ses parents réclament le statut de victime

Le 16 octobre 2020, aux alentours de 8h30, Nolwenn, 17 ans, décide de mettre fin à ses jours en se jetant sous un train de la ligne Vesoul-Belfort. La jeune footballeuse avait alerté ses parents sur les faits déplacés de son entraîneur sur plusieurs joueuses de l’effectif. Sa famille estime qu’elle aussi était une victime de ce coach. Pourtant, après son décès, la justice n’a pas reconnu Nolwenn comme une victime. Un an après ce drame, ses parents témoignent sur RMC.

Quand on entre dans le domicile familial de Sandrine et Daniel Hoffmann, le portrait de Nolwenn trône sur la table à manger. Les parents n’ont touché à rien, sa chambre est intacte, la même qu’au matin du 16 octobre 2020. Ses crampons sont toujours présents avec juste au-dessus son premier maillot de foot du FC Pays Minier. Sur l’étagère qui surplombe son lit, sa maman a regroupé l’ensemble des coupes et des médailles remportées par Nolwenn au cours de sa jeune carrière sportive.

"Ma fille était une sportive dans l’âme, avoue Sandrine. Elle adorait courir le matin, c’était le sport 24 heures sur 24. Et le football était sa passion première. Elle n’aimait pas perdre, c’était une gagnante. Pour l’instant, je ne veux pas modifier sa chambre, j’ai du mal. J’ai décidé de tout laisser comme le jour de son départ. Et je viens souvent dans cette pièce pour lui parler."

Une passionnée de foot

Nolwenn a commencé sa carrière sportive loin du ballon rond. Très jeune, elle décide de s’inscrire à la gymnastique et pratique aussi de la danse dans le club de sa maman. Mais à 8 ans, le football entre dans sa vie et c’est l’âge de sa première licence au FC Pays Minier, le club du village. Plus tard, elle intégrera la section foot du lycée Edouard-Belin à Vesoul. Nolwenn est performante sur le terrain. "Elle avait un bon niveau ma fille", lance Daniel, son papa. La jeune fille se démarque, quitte Vesoul et décide de rejoindre en 2018 le grand club de la région, l’Association sportive municipale de Belfort (ASMB).

Après quelques mois au sein du club, certaines joueuses signalent à Nolwenn des "propos déplacés" de leur entraîneur. Des messages qualifiés de "bizarres" par plusieurs joueuses. Quand Nolwenn évoque ce sujet avec son père en mars 2020, Daniel décide de faire un premier signalement à la gendarmerie. Dans les semaines qui suivent, plusieurs filles continuent de se confier à Nolwenn mais, elle, ne parle jamais de son cas. Le confinement passe par là. Septembre 2020, des témoignages plus graves arrivent aux oreilles du papa. Daniel prend les devants et tente d’alerter cette fois-ci la police. Les agents annoncent qu’ils convoqueront les jeunes footballeuses individuellement.

Seulement, la vie de Sandrine et Daniel va basculer le 16 octobre 2020. Ce jour-là, les parents Hoffmann n’ont pas entendu Nolwenn sortir de la grande bâtisse familiale. Il est aux alentours de 8h30, lorsque la jeune fille de 17 ans se jette sous le train qui effectue la liaison entre Vesoul et Belfort. "Ce jour-là, elle avait rendez-vous avec le service scolaire de son lycée à 10h30. Deux heures avant, elle s’est suicidée sous le train. Pourquoi ?, s’interroge la maman. On cherche à comprendre. Je pense qu’il y a plusieurs choses derrière ce suicide qui font que Nolwenn ne croyait plus à ce monde."

"Une omerta totale"

Pour ses parents, ce suicide est le résultat d’un "mal-être profond" chez la footballeuse. "Nolwenn, avec son papa, avait réalisé des signalements fin février 2020, décrit Sandrine. Vous savez comment sont les adolescents, ils ne disent pas qu’ils sont directement touchés. Elle disait donc que c’étaient les autres qui étaient des victimes de cet entraîneur. Son papa ne pouvait pas fermer les yeux sur cette situation. Avec tous ces faits, les messages qu’on a lus sur lui. Oui, je pense qu’elle est aussi une victime de cet entraîneur. Mais aujourd’hui, Nolwenn n’est plus là pour dire les choses et elle avait envie de parler. On n’a pas pris le temps de l’écouter." A partir de septembre 2020, Nolwenn, élève sérieuse, décide même de ne plus se rendre au lycée. Là-bas, selon ses parents, elle se disait "harcelée" par un camarade. Entre les affaires au sein du club de football et les événements au lycée, Nolwenn avait atteint un "trop-plein d’émotions".

Dans la famille Hoffman, on parle de Nolwenn comme d’une lanceuse d’alerte. Quelques semaines avant son suicide, du haut de ses 17 ans, c’est elle qui va pousser quatre de ses coéquipières à briser le silence au sujet des faits déplacés de leur entraîneur. "Sans signalement de Nolwenn, ça continuerait peut-être toujours. Vu ce qu’on a appris et ce qu’on apprend encore, il aurait fait encore plus de dégâts", selon son papa.

Nolwenn voulait aider les autres mais était muette sur son cas. Jusqu’au jour où Daniel arrive à arracher quelques confidences : "Elle m’a dit, papa il s’est passé un truc dans sa voiture. Mais ça s’arrête là, elle n’osait pas, ça n’arrivait pas à sortir de sa bouche. On voyait avec ma femme qu’il y avait un truc pas clair". Seulement, quelques jours plus tard, Nolwenn se suicide et emporte avec elle son histoire, sa vérité. Depuis, son papa a repris l’enquête, sans les autorités. Il essaye de recueillir le plus de témoignages pour montrer que sa fille était aussi une victime de cet entraîneur.

Sauf que les parents de Nolwenn vont se confronter au silence. "Il y a vraiment une omerta autour de cette affaire. On ne nous comprend pas, pourquoi on ne nous entend pas ? Pourquoi on ne nous écoute pas ? Certaines de ses camarades n’ont pas encore pas dit les choses. Mais il faut qu’elles parlent. Il faut parler. Notre fille n’est plus là. Si des personnes savent des choses, il faut qu’elles nous alertent", demande sa maman.

La justice n’a pas reconnu Nolwenn comme "victime"

Dans le premier volet de cette histoire, Nolwenn a poussé quatre jeunes femmes à prendre la parole. Avec les témoignages de ses coéquipières du club de football, les révélations s’enchaînent et une affaire de harcèlements sexuels éclate. L’entraîneur reconnaît les faits devant la police et est condamné à un an de prison avec sursis et à l'interdiction à vie d'exercer une activité, bénévole ou professionnelle, en contact avec des mineurs. "Il n’a plus le droit d’entraîner et d’approcher les filles, avoue Daniel. C’est déjà une bonne chose, sa condamnation." Nolwenn, qui n’était plus là pour témoigner, n’est pas reconnue comme une victime par la justice.

Depuis, sa famille a décidé de se battre pour avoir accès à ce statut de victime. Elle espère dans les prochaines semaines avoir le soutien d’un avocat important et médiatique du barreau français. Pendant ce temps, c’est son père, Daniel, qui continue de mener l’enquête. "Ma fille était la seule que j’avais. C’est dur. Aujourd’hui, je me battrais pour elle. Elle a eu du cran de faire ce geste et de le dire. Aujourd’hui, les autres filles qui me parlent au téléphone, elles ont peur et elles n’osent pas parler publiquement sur la situation au moment du drame. Mais je vais continuer de me battre."

Nicolas Pelletier