XV de France: Haouas, de la maison d'arrêt aux Bleus

A 25 ans, Mohamed Haouas s'apprête à honorer sa première sélection avec le XV de France face à l’Angleterre dimanche au Stade de France à l'occasion du premier match du Tournoi des VI Nations. Une consécration pour le pilier de Montpellier, sauvé par son club après une jeunesse difficile.

Rien ne prédisposait Mohamed Haouas à devenir rugbyman professionnel. Encore moins un international amener à défier l’Angleterre pour le premier match des Bleus dans le Tournoi des VI Nations. Dimanche au Stade de France (16h), c’est pourtant le Montpelliérain qui occupera le poste de pilier droit pour sa première sélection avec le XV de France. Une récompense logique au vu de ses prestations avec le MHR. Mais aussi une réussite pleine de promesses pour un garçon à la trajectoire singulière.

Quatre jours en prison

Il y a six ans, bien avant de flamber avec l’équipe héraultaise puis d’être appelé par Fabien Galthié, "Momo" est très très loin des stades de rugby. Dans son quartier du Petit-Bard, ce passionné de taekwondo galère. Et sort parfois du droit chemin. En 2014, il passe quatre jours à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone avant d'être placé sous contrôle judiciaire pour plusieurs braquages de bureaux de tabac. Pas jugée, l’affaire a été renvoyée au tribunal correctionnel à l’automne 2020.

La main tendue du MHR et d'Hérault Sport

Entre un CAP carrosserie et un passage dans la marine nationale, le rugby s’invite dans sa vie un mercredi après-midi, lorsqu'Hérault Sport, une association dont l'objectif est d’initier les jeunes des quartiers difficiles aux sports, fait étape au Petit Bard. Ce jour-là, on lui conseille d’essayer le rugby. Mohamed Haouas passe un test. Par chance, Abdel Khanfar, membre du MHR est là. Et le repère. Le garçon est doué. Direction le club héraultais. "J’ai beaucoup appris au centre de formation, confie-t-il dans les colonnes d’Impact, le magazine du club. Même si j’ai tout de suite été au contact des professionnels, j’y ai vécu beaucoup d’expériences. Ça m’a permis de reprendre l’école et de valider mon CAP Carrosserie."

Même si rien n’est simple avec le contrôle judiciaire, "Momo" est un joueur à l’écoute. Travailleur. Drôle. Très apprécié par ses partenaires. "Il doit faire rire pas mal de joueurs, sourit au micro de RMC Sport son partenaire Guilhem Guirado en parlant des Bleus. Il en faut des joueurs comme ça, qui donne tout." En 2016, Mohamed Haouas signe son premier contrat professionnel. Un bail qu’il a récemment prolongé jusqu’en 2024.

Servat : "Le passé, je m'en fous"

Aujourd’hui, ses démêlés avec la justice ne sont pas encore tout à fait terminés. Pour le chambrer, certains de ses équipiers assurent qu’il court vite parce qu’il a l’habitude d’être coursé par la police. Si le garçon est sanguin, comme le montre la bagarre avec son partenaire Bismarck Du Plessis il y a deux ans juste avant un match face au Racing, c’est avant tout sa vélocité et sa force qui impressionnent. "C'est le joueur de devant de Montpellier qui a les meilleures statistiques de déplacement et d'activité sur le match, avance William Servat, en charge des avants chez les Tricolores. C'est un profil de pilier droit qui est capable de rattraper les trois-quarts qui percent parfois... Après, très clairement, le passé, je m'en fous. Moi, ce qui m'importe, c'est le joueur que j'ai rencontré, la personne que j'ai rencontrée. C'est un mec très respectueux, toujours à l'heure sur tous les rendez-vous. Il est rentré très vite dans le groupe: il est rigolo, les mecs aiment être avec lui et savent que c'est un mec courageux. Il est d'une écoute incroyable, il participe à tout. Après, la performance, on verra. Ce sera autre chose, on attendra d'être arrivé au match, mais c'est un plaisir d'avoir ce joueur-là."

La confiance de Galthié

Pour Fabien Galthié, le chemin tortueux emprunté par son pilier peut-être un atout. "Cela prouve que, en sport, tout est possible, avance le sélectionneur. On a des cursus classiques qui sont présents mais ça change d'avoir des joueurs qui émergent avec un parcours différent, plus complexe. On a retenu les joueurs parce qu'ils sont performants, en club et à l'entraînement."

Pour Mohamed Houas, devenu père de famille, l’horizon est plus bleu que jamais. A 25 ans, le Montpelliérain fait désormais la fierté de son quartier du Petit-Bard qui s’est trouvé un nouveau modèle. Il fait aussi la fierté de toute sa ville qui n'a pas oublié l'essai énorme face au Stade Français qui propulsa son club en phase finale du Top 14 la saison passée. Avec son baptême du feu avec les Bleus dimanche contre l'Angleterre, "Momo" s'apprête à écrire une nouvelle page de sa riche histoire. Et son ascension est loin d’être finie.

ABr avec JL