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XV de France: comment le capitaine Serin a pris le relais

Face à l’Italie, le demi de mêlée va pour la première fois débuter un match du quinze de France en tant que capitaine. Quatre ans après ses débuts chez les Bleus, il aura la tâche d’encadrer une jeune génération de novices, de maintenir l’équipe dans une dynamique mais aussi de prendre le relais d’Antoine Dupont, installé à ce poste.

"Il est serein, il porte bien son nom." C’était plutôt facile, mais Fabien Galthié n’a pas trouvé d’autres mots pour résumer l’attitude de Baptiste Serin cette semaine à Marcoussis. Du pain béni pour le sélectionneur, bien content de trouver en son nouveau leader un peu d’expérience pour encadrer une horde de Marie-Louise, 16 des 31 joueurs présents ne comptant aucune apparition sous le maillot bleu. S’il avait bien pris le relais du capitaine Morgan Parra, blessé dès la 7e minute, en juin 2018 en Nouvelle-Zélande (défaite 49-14), Serin, fort de ses 37 sélections, ses 26 ans et ses quatre ans de présence en équipe de France, va pour la première fois débuter avec le brassard. Et cette semaine, il est donc devenu le papa au milieu de la nurserie.

Alors, il a endossé le costume avec implication. "Il est très engagé, a renchéri Galthié. Il a envie d’être à la tête de cette équipe et de montrer l’exemple." Dès lundi, la passation de pouvoir avec son coéquipier en club Charles Ollivon l’avait mis au centre du jeu. Devant le groupe, le troisième ligne l’avait adoubé, avec un côté solennel: "Je te transmets le truc, j’ai à cent pour cent confiance en toi, tu le sais." Avant d’ajouter, conscient de la tâche qui attendait son coéquipier, "ce qui est important, c’est que chaque mec ici ait entièrement confiance en lui aussi. On va lui en demander beaucoup, le staff, les joueurs. Il faut que tout le monde réponde présent pour lui aussi".

Pour que ce cadeau ne se révèle pas empoisonné pour le natif de Parentis-en-Born, alors même que personne n’imagine le XV de France se prendre les pieds dans le tapis face aux Italiens tout en se projetant déjà vers un dernier match en Angleterre. A ce sujet, son entraîneur au Rugby Club Toulonnais, Patrice Collazo, n’est en tout cas pas inquiet: "C’est une belle reconnaissance pour lui. Il occupe un poste important. J’espère que la charge ne sera pas un handicap pour lui mais va le booster. Il n’a plus qu’à parler sur le terrain." Ce qu’il sait plutôt faire.

"Baptiste est quelqu’un qui sait fédérer"

"Même si c’est un jeune joueur, je pense que ce n’est pas un rôle nouveau pour lui, ajoute Collazo. Ce qu’il a à faire en équipe de France ce week-end, même si ça reste l’équipe nationale, c’est des choses qu’il a déjà connu en club. Baptiste est quelqu’un qui sait fédérer autour de lui, qui sait accompagner, encadrer, transmettre. C’est une belle promotion pour lui et ça met en valeur ses qualités de leader naturel qu’il a toujours eues." Et son caractère, bien trempé, qu’il va peut-être devoir cette fois-ci lisser pour épouser cette immense pression inhérente à la fonction.

L’intéressé le prend tranquillement. Et ne veut pas se prendre la tête. "C’est un rôle qui me fait plaisir, disait-il par visioconférence après le dernier entraînement des Bleus ce vendredi. Si ce n’était pas le cas je n’aurai pas accepté. J’avoue que je ne me prends pas trop la tête, j’essaie d’être moi-même, le plus positif possible, en essayant de me concentrer sur ce que j’ai à dire, de m’encadrer de certains pour qu’ils aient un rôle dans l’équipe. Qu’il y ait plusieurs discours. Et après de me concentrer sur moi, sur mon travail." Chercher des lieutenants, qui ont du vécu, comme Atonio, Thomas, Dulin, voire même Jalibert, son copain avec qui il formait la charnière du temps où il évoluait à l’Union Bordeaux-Bègles.

"Antoine a fait de très bons matchs"

Et puis, inexorablement, viendra la question de la hiérarchie au poste. De très grande promesse sous l’ère Novès, où il fut le demi de mêlée le plus utilisé (16 sélections dont 10 titularisations), Serin a doucement glissé vers un rôle de remplaçant lorsqu’a débarqué la comète Dupont. Résultat, entre les mandats de Brunel et de Galthié, son temps de jeu s’est considérablement réduit: en 22 sélections, il n’a débuté que… quatre matchs. Une misère quand on a son ambition mais aussi son talent. Et inévitablement, la comparaison viendra. Naturelle à ce niveau.

Il ne l’élude pas: "Antoine a fait de très bons matchs, c’est de l’émulation, de la bonne concurrence, ça fait avancer. Ça fait maintenant un moment que je suis en équipe de France et il y a toujours eu beaucoup de concurrence. Donc ce n’est pas quelque chose qui me dérange au contraire." Mais n’oublie pas sa carte personnelle. "Là j’ai l’opportunité de jouer. A moi de la prendre, d’être le meilleur possible pour mes coéquipiers et surtout pour que l’on gagne, ajoute-t-il. Ce n’est pas toujours facile. C’est par période. Le plus important, c’est savoir se situer dans l’équipe. J’ai avec le temps pas mal d’expérience, j’essaie d’apporter ça. J’ai pas mal de caractère aussi, j’ose dire les choses."

Il avoue avoir connu une période où ça ne gagnait pas trop en bleu et vivre "avec plaisir" l’actuelle et ses résultats. "Ça fait partie des attentes que l’on a à ce niveau auprès des joueurs, argumente Fabien Galthié. Quand on est à notre niveau, c’est, comme on dit, n’importe où, n’importe quand et n’importe qui. Et Baptiste nous a déjà démontré qu’il était prêt à s’adapter aux situations les plus complexes. Et il est prêt." De quoi grandement accélérer un vécu qu’il faut absolument mettre au service du collectif comme l’exige ce staff. Et mettre également son ego, qui le faisait parfois s’interroger, lors de la Coupe du monde au Japon par exemple, de côté. Pour être un jour récompensé.

W.Templier