
Top 14: les explications du président de la commission médicale sur les difficultés de la reprise
Bernard Dusfour, est-ce que les médecins du Top 14 et la commission médicale de la Ligue nationale de rugby, dont vous êtes le président, ont proposé un calendrier de reprise ?
Personne ne peut pas savoir exactement ce qu’il va se passer. Même quand vous écoutez les plus grands spécialistes et scientifiques, certains disent que la pandémie va s’arrêter avec les beaux jours, d’autres disent qu’on en a pour 18 mois. Personne n’a de certitudes. Le rôle de la commission médicale n’est pas de dire : "Vous allez jouer en juin, juillet, septembre ou octobre". Son rôle est de se préparer à remettre des joueurs en sécurité médicale totale. Lorsqu’on nous donnera le feu vert, nous aurons un protocole pour que les choses aillent le mieux possible. Les clubs font des scénarios. C’est leur rôle d’anticiper les choses. Mais, je le répète, ce n’est pas notre rôle de déterminer une date de reprise, ce serait une erreur. Si le ministère des Sports nous dit : "Ecoutez, il n’y a pas de compétition jusqu’à l’année prochaine", on acceptera et on s’adaptera.
Quelle est la teneur du protocole médical que vous mettez en place pour la reprise du rugby ?
La base, c’est de caractériser l’état immunitaire de nos joueurs. Il y aura trois groupes de joueurs. Le premier groupe : ceux qui seront encore un peu malades et qui ne rentreront pas dans le protocole. Ils ne seront pas nombreux et ils continueront de se faire soigner. La deuxième catégorie : les joueurs qui n’ont jamais rencontré le virus. Le but sera de les surveiller et de les protéger. Le troisième groupe sera composé de ceux qui auront été malades mais qui seront guéris et ne seront plus contaminants. Ils devront avoir une exploration cardiaque extrêmement poussée, qui sera suivie par les cardiologues du CHU de Bordeaux. On pourra alors aller progressivement vers une qualité sportive de plus en plus performante et proche de leurs performances d’avant. C’est un travail collectif. Seul, le médecin ne pourra rien faire. Ce protocole va nécessiter beaucoup de moyens humains et financiers, c’est certain.
Vous préconisez des tests pour les rugbymen, alors que la France pourrait en manquer. Etes-vous face à une préoccupation déontologique ?
Oui, nous en sommes tout à fait conscients. C’est pour cela que nous voulons rendre à la société le travail que nous faisons. Ce protocole va servir à tous, pour faire du sport en sécurité. Si vous avez eu cette maladie, il faudra aller voir le cardiologue, il faudra faire tel ou tel examen. On ne va pas rester confiné toute la vie, ça va s’arrêter. On pourra se remettre à faire du sport. Il ne faut pas oublier que le sport est primordial en matière de santé publique. Il y a plus de risques à ne pas faire de sport qu’à faire du sport, il ne faut pas l’oublier. Il faut donc faire ces études pour détecter les risques. Notre protocole sera ensuite à disposition des institutions qui souhaitent nous aider et enrichir ces recherches.
Faudra-t-il imposer une distanciation à la reprise de l’entrainement ?
La reprise de l’entraînement ne pourra se faire qu’avec une distanciation sociale. C’est comme en entreprise, on va tous changer notre mode de fonctionnement. Vous allez modifier les bureaux, changer le mode de circulation, arrêter de vous embrasser, de vous serrer la main, vous ne ferez plus de pots de départ. Au rugby, on ira aussi progressivement. Le rugby avec ballon, avec ses touches, ses mêlées et ses placages, ce sera la quatrième phase, le moment où on dira : "C’est bon vous pouvez reprendre". Car on aura la connaissance parfaite de tous les joueurs qui sont susceptibles de se de se croiser ou de se rencontrer.
On a senti des médecins et des présidents de clubs très inquiets…
L’angoisse de tout le monde est due à cette incertitude. C’est un nouveau virus que l’on découvre et que l’on explore, je le rappelle. Peut-être que dans un mois, tout le monde rentre à la maison. Ou peut-être que dans un mois, toutes les écoles sont pleines et on repart comme avant ! On ne peut pas répondre précisément à ces questions et c’est ce qui génère cette préoccupation. Je la comprends, cette inquiétude des clubs, et des médecins qui doivent s’occuper de leurs joueurs. Il faut qu’on continue de travailler ensemble. Avec de notre côté un objectif clair : ce n’est pas de répondre à un calendrier, c’est de mettre des hommes en bonne santé sur un terrain.