
Top 14: le huis clos, cauchemar des présidents
Personne ne sait quand la saison actuelle se terminera. Et même tout simplement si fin il y aura. L’avenir du Top 14 et de la Pro D2 est, chaque jour un peu plus, particulièrement menacé par la pandémie. A court terme donc, après le rapport de la commission médicale cette semaine, mais aussi possiblement jusqu’à la fin de l’année 2020. Beaucoup redoutent désormais le scénario du pire et des matchs sans public durant de longs mois. Les déclarations de Roxana Maracineanu, mercredi, n’ont d’ailleurs pas franchement rassuré. Au contraire. La ministre des Sports a en effet estimé, mercredi, que l'interdiction des rassemblements avec du public, actuellement annoncée jusqu'à mi-juillet, "va durer a minima jusqu'en septembre" voire "jusqu'à nouvel ordre". D’un point de vue sanitaire, c’est évidemment compréhensible. Economiquement, ce serait tout simplement une catastrophe pour le monde du sport.
L’économie du rugby encore plus impactée
Plus encore que le football, le budget des clubs de rugby dépend en très grande partie de ces matchs disputés devant du public. "L’économie du rugby est différente puisque les droits télé ne représentent que 10 à 15%, contrairement à d’autres sports", lance en préambule le président palois Bernard Pontneau. Des stades entièrement vides auraient alors bien plus de conséquences en Top 14 qu’en Ligue 1. "Les revenus liés au stade (sponsoring, hospitalités pour loges et salons, la billetterie, les buvettes et animations, etc…) représentent quatre fois de plus que les droits télé", explique Yann Roubert, le président du LOU. "Les recettes de la billetterie, partenariats, abonnés représentent 60% à 70% des revenus de l’Aviron Bayonnais", nous disait mardi de son côté le président Philipe Tayeb. "A Agen, le modèle économique est un peu différent puisque nous n’avons pas beaucoup de billetteries par rapport à d’autres et pas beaucoup d’abonnés individuels, mais énormément d’entreprises qui ont trois, quatre places, une loge, explique Jean-François Fonteneau. A huis clos, je serai incapable de vendre mes prestations."
Pontneau : "La mort du petit cheval"
Alors si le huis clos venait à être la règle jusqu’à la fin de l’année 2020, beaucoup de clubs n’y survivraient peut-être pas. "Ce serait dramatique, résume Roubert. Se poserait alors la question sera celle du devenir du rugby. L’économie des clubs de rugby professionnels ne peut pas tenir longtemps avec des matchs à huis clos, c’est certain. Il y a aussi une vraie différence entre le huis clos et une jauge limitée. Si on est à 50% de la capacité de stades, ce n’est pas du tout à fait pareil. Mais si c’est un huis clos total, c’est dramatique." A la Section Paloise, Pontneau évoque "la mort du petit cheval" en cas de huis clos prolongé. "On peut supporter deux ou trois matchs à huis clos, mais guère plus", nous disait-il ce vendredi matin entre deux réunions téléphoniques.
Tayeb : "Une compensation financière"
Même analyse à Bayonne, réputé pour sa ferveur de Jean-Dauger. "On a tous envie de rejouer, on aime tous ce sport qui est composé de spectacle et de spectateurs, mais jouer à huis clos, c’est pour moi financièrement impossible, explique Tayeb. Les clubs ne pourront pas supporter le huis clos à moins d’une compensation financière." Mais laquelle ? Des exonérations de charges ? "Il faut peut-être aussi baisser sa zone de confort et son économie, son Pontneau. Concentrons-nous sur ce que l’on contrôle et on trouvera des gens pour nous aider." Dans un décret publié le mois dernier, il est stipulé que le chômage partiel pourrait être maintenu douze mois. C’est évidemment précieux pour l’ensemble des clubs professionnels.
Décaler la saison en janvier si besoin ?
Et si le scénario catastrophe des matchs venait à malheureusement à se concrétiser, cette mesure serait d’autant plus essentielle. Pour certains, la meilleure solution serait alors décaler la saison de quelques mois, en janvier 2021, pour éviter ces stades vides et cette situation économique dramatique. Menaçant du même coup les droits télé… "C’est trop tôt pour en parler, répond Bernard Pontneau à Pau. Le problème du calendrier n’est pas au goût du jour. Il faudra s’adapter et il faudra de l’agilité. On doit examiner les choses par scénario. Le rugby pourrait démarrer un peu comme ça dans un calendrier normal sur la base de huis clos, mais pas plus loin que le mois d’octobre. On ne pourra pas tenir davantage." Mardi, le gouvernent énoncera les grandes du plan de déconfinement de l’après-11 mai. Puis le ministère des Sports prendra notamment le relais de manière plus spécifique. On y verra un peu plus clair.