
Top 14: comment les entraîneurs gardent le contact et s'entraident
Ils partagent tous les mêmes interrogations. Les mêmes inquiétudes. Et sont confrontés aux mêmes problématiques. Les managers de Top 14 vivent évidemment une situation inédite depuis plusieurs semaines avec l’épidémie de coronavirus. Le championnat est à l’arrêt depuis le 1er mars et il n’est malheureusement pas prêt de reprendre. Comme pour l’ensemble du rugby français, ils sont dans le flou le plus total mais tentent de s’organiser. Et de s’entraider à travers un groupe WhatsApp. Il n’y est surtout pas question de se substituer à leurs présidents. "Ce n’est pas une démarche politique", nous a-t-on bien précisé. L’initiative collective a été lancée par plusieurs techniciens confirmés de Top 14, dont le Lyonnais Pierre Mignoni, le Racingman Laurent Travers, bien aidés d’autres entraineurs comme le Clermontois Franck Azéma ou le Toulousain Ugo Mola. "Une super initiative", de l’avis de tous.
Il s’agit avant tout d’un outil de travail, d’échange où chacun peut s’exprimer et apporter son expérience, son vécu de ces dernières semaines, tout en essayant de se projeter sur l’avenir. "On est vraiment dans le partage, dans l’échange, selon le Castrais Mauricio Reggiardo. C’est vraiment intéressant." Le principe est clair: chacun amène ses idées, les partage sans arrière-pensée et tous peuvent s’en servir dans leurs clubs respectifs. Et Reggiardo de lancer: "il n’y a pas de mesquineries". "Le but premier de ces discussions est d’empêcher les autres de faire certaines erreurs, raconte Laurent Sempéré, co-entraineur en chef du Stade Français. On échange sur des problèmes très particuliers, sur cette fonction car nous sommes assez seuls dans ces situations. C’est bien de voir comment chaque manager se positionne par rapport à l’adversité et des situations inédites. C’est enrichissant."
Onesta en invité
D’habitude, ils se croisent sur les stades quelques instants avant les matchs, papotent rapidement de choses et d’autres, vite rattrapés par l’enjeu des matchs et de la compétition. Là, les managers, pour beaucoup issus de la même génération, prennent le temps de se connaitre. Et se découvrent peu à peu. "Parfois, on est chacun dans sa bulle, selon Reggiardo. Parfois, on a aussi des affinités avec un autre manager en particulier mais on n’a pas souvent pas le temps d’échanger comme on le fait maintenant. On ne se connait pas tous, ce n’est pas toujours le bon moment pour échanger comme on le fait aujourd’hui."
Le jeudi en fin d’après-midi, c’est le moment de la visioconférence. Un ordre du jour est établi, comme sur la façon d’aborder le confinement, comment continuer à garder le lien avec les staffs, comment s’organiser pour la reprise, comment assurer au mieux la sécurité des joueurs, etc… Parfois, on y parle aussi de jeu pour mieux se changer les idées. Des personnalités extérieures sont invitées pour apporter, là aussi, leur expérience. Faire partager leur savoir. Cela a notamment été le cas de Claude Onesta, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de handball et désormais à manager de la haute performance de l’Agence nationale du sport. "C’était très intéressant", selon Reggiardo. Alain Gaillard, président de Tech XV, le syndicat des entraineurs, est lui aussi intervenu voilà quelques jours.
Reggiardo: "Je suis partant pour garder ce lien"
Pour les moins expérimentés, c’est aussi enrichissant que rassurant. Laurent Sempéré reconnait avoir vécu "un apprentissage plus qu’accéléré" en compagnie de Julien Arias durant cette saison complètement dingue. Alors ces échanges avec les plus aguerris les aident grandement aujourd’hui "C’est vrai que c’est peut-être d’autant plus appréciable pour Julien et moi, explique Sempéré qui avoue rester plutôt discret lors de ces réunions. Comme dans la vie, ceux qui ont le plus d’expérience sont les plus à mêmes d’apporter le plus d’explications et de solutions." Et tous leurs petits secrets aussi? "Non, rigole-t-il avec un grand sourire. Certaines discussions ressemblent à celles de pêcheurs. Ils ne vont pas non plus nous donner tous les leurs filons."
Qu’en sera-t-il dans quelques semaines, voire dans quelques mois, une fois que la vie normale aura enfin repris son cours et que la compétition aura redémarré? "Même si la situation fait que nous sommes tous d’un optimisme exacerbé, dès que la compétition va reprendre, je pense que nous n’aurons pas envie de passer tous nos jeudis soir en visio les uns avec les autres", lance l’entraîneur parisien, toujours sur le ton de la boutade. "Ce serait bien de garder ce lien, selon Reggiardo. Moi, je suis partant même si je ne sais pas si on pourra encore le faire toutes les semaines comme actuellement." Chacun aura alors pleinement replongé dans le quotidien du Top 14. Ce n’est malheureusement pas pour tout de suite… "Mais la priorité des priorités, dit un manager, est de reprendre le plus rapidement possible pour la survie de nos clubs et nos entreprises." Derrière l’écran, l’inquiétude est immense.