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Paradis fiscaux, bitcoin… Boudjellal dévoile les folles méthodes pour contourner le salary cap

Montpellier risque des sanctions de la LNR pour non-respect du salary cap. Plutôt que d’accabler le club héraultais, le président toulonnais Mourad Boudjellal préfère décrire les méthodes utilisées par plusieurs équipes du Top 14 pour enfreindre la limitation des salaires. Explications.

Un plan légal à 100%

" Il y a des façons légales et illégales de le contourner. Certaines existent même dans le règlement du salary cap mis en place par la LNR. Une Ligue qui a fait du sur-mesure. Par exemple, il y a un article qui dit que si vous avez un partenaire qui achète l’image d’un joueur, et bien cette somme intègre le salary cap. Moi, je ne peux pas le faire. Si quelqu’un devient partenaire du RCT et qu’il achète l’image d’un joueur, cela va se voir. Personne ne deviendra partenaire du RCT sans me demander les hospitalités ou d’avoir son nom sur le maillot. Il va vouloir que cela se voit qu’il est partenaire. En revanche, quand vous êtes un grand entrepreneur et que vous avez des tas de marchés à côté, vous pouvez bien dire à quelqu’un de prendre les droits d’image d’un joueur, sans vraiment être partenaire du club, donc cela n’entre pas dans le salary cap. Mais une autre facture qui fait 300.000 €, elle sera facturée à 400.000€ et les 100.000€ en plus seront donnés au joueur. Dans ce cas, personne ne peut le voir et c’est tout à fait légal." 

Les "gros" favorisés par le cadre légal ?

"On a mis cet article en place il y a quelques années, à une époque où je crois qu’un président construisait un stade ou une salle de spectacles, je ne sais plus… C’est vrai que c’était plus simple et cela a permis à des joueurs d’avoir des salaires énormes, mais c’était légal vis-à-vis du salary cap. Je crois même que ce président s’en est vanté dans un journal en disant qu’il touchait beaucoup de droits d’image. Il a eu raison parce que c’était prévu par le règlement du salary cap. Un règlement sur-mesure. Cela ne le concerne pas que lui, mais aussi d’autres présidents qui ont des entreprises multinationales. C’est une façon légale de contourner le salary cap. Mais une façon assez peu morale parce que cela favorise les gros."

La méthode (légale) de Boudjellal

"La deuxième façon un peu légale, c’est, comme je l’ai fait, de jouer avec les primes et en prenant des risques. Cela coûtait plus cher. Je demandais au joueur s’il préférait avoir 10.000€ au moment de la signature ou 50.000€ en allant en finale. Beaucoup de joueurs disaient d’accord. Mais la Ligue a fait un amendement pour m’empêcher de le faire parce que cela les énervait."

Des salaires versés à Hong Kong, Andorre... ou en bitcoin

"Des méthodes illégales, il y en a plein. Je vais vous en énumérer et elles existent toutes dans le Top 14. Certains présidents prennent des CDI pour leurs joueurs. Et lorsqu’ils auront terminé leur contrat, ils leur feront un don. Cela se pratique beaucoup. Il y a aussi un mode de paiement utilisé en France et dans le monde qui s’appelle le bitcoin. Il peut être utilisé pour contourner le salary cap et il est complètement anonyme. Il y a aussi des présidents qui payent à Madagascar, à Hong Kong, à Andorre, en Afrique du Sud. Il y a aussi des présidents qui payent leurs joueurs dans d’autres paradis fiscaux par le biais de sociétés, sans que l’argent ne passe en France. Il y a aussi des présidents qui payent à l’étranger et le déclarent dans le salary cap, mais qui oublient de déclarer l’avantage fiscal que cela représente. Cela fausse la somme. Par exemple, en payant un joueur 100.000€ à Hong Kong, en France il faudrait lui donner 150.000€ pour qu’il touche la même chose. C’est une façon d’optimiser son salary cap."

Les retraites anticipées, des partenariats gagnant-gagnant

"Il y a aussi des présidents qui font des contrats de plusieurs années à un joueur alors qu’il ne jouera pas jusqu’au bout. La dernière année ne comptera pas dans le salary cap, car le joueur prend sa retraite. Il y a plein de façons de détourner le salary cap. Par exemple, quand on veut virer un joueur, ses indemnités comptent dans le salary cap. Certains présidents se séparent de joueurs et demandent à d’autres équipes de récupérer le joueur en échange d’un partenariat d’un montant qui couvrira son salaire. Et d’un coup, ce n’est plus dans le salary cap." 

Une solution miracle ?

"La méthode la plus efficace pour bien respecter le salary cap serait de s’appuyer sur les déficits d’exploitation. Aujourd’hui, tu ne peux pas avoir dans ton budget un pourcentage de ta masse salariale plus important qu’un chiffre donné. Si tu veux augmenter ta masse salariale, il faut augmenter l’ensemble de tes revenus et pas tes dotations. Cela permettra d’avoir des présidents qui ne seront pas des mécènes mais des entrepreneurs. Car on a la chance d’avoir de grands entrepreneurs en France comme Jacky Lorenzetti et Mohed Altrad. Ce sont des gens capables de créer beaucoup de richesse, de l’audience, de l’engouement. Mais pas dans le rugby. Dans le rugby, ce sont des mécènes. On a besoin de leur énergie et de leur savoir-faire. Dans un cas comme celui que je défends, il faudrait qu’ils relèvent les manches et ce serait bénéfique pour tout le monde."

"Ce qui me choque, c’est qu’en France, on n’est pas un paradis fiscal et ces déficits d’exploitation, ce sont des avoirs sur l’impôt. Cette économie d’impôts, il faudrait l’injecter dans la formation française. Sinon, si un club a les moyens d’avoir 10 ou 15 millions d’euros de déficit, et bien qu’il ne touche pas les droits TV puisqu’il s’est lancé dans une économie à perte. Cela me semble beaucoup plus efficace qu’un salary cap. Il faut aussi libérer l’économie du rugby."

LD