
Coronavirus: le Top 14 veut éviter la catastrophe la saison prochaine
"Tout le monde a compris que le plus énormissime problème, c’est l’année prochaine." Comme Laurent Marti (Bordeaux-Bègles), beaucoup, pour ne pas dire tous les présidents de Top 14, savent que la crise va être longue et douloureuse pour le rugby français. Et qu’il est impératif de préparer au mieux l’après coronavirus et tenter de gérer ses gigantesques répercussions économiques. Depuis plusieurs semaines, les hommes forts de toutes les formations travaillent à différents scénarios de reprise. Mi-mai? Mi-juin? Différentes hypothèses seront communiquées mardi prochain par la LNR, après le bureau du comité directeur, sans toutefois avoir la moindre certitude que l’on reverra un match de rugby d’ici cet été. Et si oui, avec ou non du public…
"On ne peut pas se permettre de bousiller deux saisons"
A l’échelle des dégâts humains engendrés par la pandémie, tout cela parait évidemment futile. Déplacé, diront même certains. "Mais il faut bien s’organiser et prévoir les différentes éventualités", nous dit-on quasiment en s’excusant. Sauf que l’urgence n’est peut-être pas pour les semaines à venir mais bien pour la saison prochaine. "On ne peut pas se permettre de bousiller deux saisons", nous glissait lundi un président sous couvert d’anonymat. Et visiblement, le discours est en train de changer lors des différents ateliers de travail organisés ces jours-ci. De nouveaux intervenants ont d’ailleurs été conviés puisque les agents seront eux aussi mis à contribution en fin de semaine lors d’une réunion téléphonique avec les présidents en charge du groupe 2, c’est-à-dire ceux en charge de l’évaluation et l'accompagnement des clubs.
"On a beaucoup réfléchi à comment on allait finir la saison, mais là on a déjà basculé à l’année prochaine", raconte Marti. Car l’anxiété grandit au fil des jours. Les partenaires vont-ils encore vouloir investir? Les supporters seront-ils de retour dans les stades au mois d’août en reprenant normalement le fil de leur vie? Certains en doutent… "Je suis prudent, et je ne sais pas si le père de famille va vouloir revenir au stade dès cet été, résume le Bayonnais Philippe Tayeb. Je ne s’en sais rien." A un peu moins de 200 kilomètres de là, Laurent Marti se pose les mêmes questions à Bordeaux. S’il relativise facilement sa situation sportive au regard du drame sanitaire, l’inquiétude économique est forte chez l’actuel leader du Top 14.
"La catastrophe, c’est l’année prochaine, nous a-t-il expliqué. On va être obligé de creuser la réflexion pour que tout le monde participe à ces efforts, y compris les joueurs. C’est comme si on disait qu’on continue de faire des spectacles et à vous payer, mais qu’il n’y a plus de spectateurs. Comment on fait?" Pour le moment, toutes les solutions sont envisagées, y compris une baisse des salaires des joueurs avec des discussions dans chaque club. Financièrement, les retombées, comme pour l’ensemble de l’économie française, seront terribles.
Pas de solution miracle
"Comment voulez-vous aller voir des partenaires actuellement? On ne peut tout simplement pas, répond Marti. Imaginons que le 30 avril, tout le monde soit 'déconfiné' et que tout le monde se mette un peu au travail. Vous avez un peu plus de deux mois pour faire votre partenariat, mai, juin, voire début juillet. Vous allez rencontrer des entreprises qui essaient de ne pas déposer le bilan et vous allez leur dire: 'Vous voulez une loge?' Cela va être terrible. Il faut une prise de conscience générale. Seuls les clubs soutenus par des milliardaires ou des multinationales vont s’en sortir… Les autres vont perdre des millions et des millions d’euros."
Au MHR, pourtant soutenu par la puissance financière de Mohed Altrad, on a également conscience de la situation. "On préfère sacrifier la saison actuelle que les deux, souligne Philippe Saint-André. On restera solidaire de la majorité des clubs de Top 14 et Pro D2 car la solidarité est importante dans cette période compliquée. Mais on préfèrerait solder cette saison, même s’il ne faut disputer que peu de matchs, pour enchaîner sur une vraie saison, la prochaine." Reste à connaitre le format du championnat. Il est désormais très peu probable que des clubs soient relégués. D’autres vont-ils monter? Si oui, combien? Un? Deux? Soit un Top 15 ou un Top 16 qui aurait l’avantage d’apporter deux matchs supplémentaires à domicile et donc des recettes précieuses. Là encore, les discussions sont animées.
"Je suis absolument opposé, toutes voiles dehors, au Top 16, affirme haut et fort le président clermontois Eric de Cromières, également joint par RMC Sport. Cela va nous obliger à avoir des modifications de redistribution des allocations LNR entre tous les clubs. Personne ne sera satisfait et ce sera une cacophonie. Par ailleurs, on ne respecte absolument pas les joueurs avec trop de matchs. Sauf si on fait deux poules de huit, mais ça ferait moins de matchs à domicile. Et enfin, il faudra faire redescendre trois ou quatre clubs en fin de saison. Là aussi, ça va gueuler et vous allez voir les jérémiades..." La solution miracle n’existe malheureusement pas. Mais il y aura sans doute un avant et un après coronavirus…