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Coronavirus: la grande inquiétude du rugby français après la sortie de Maracineanu

Roxana Maracineanu, la ministre des Sports, a affirmé dimanche sur RTL que les compétitions de haut niveau continueraient à huis clos en France, tant qu'un vaccin contre le coronavirus ne sera pas disponible. De quoi susciter de nombreuses réactions dans le monde du rugby. Entre agacement, incompréhension et optimisme.

"Les conclusions et les décisions hâtives, ce n’est pas en adéquation avec ce qu’on dit depuis deux mois". Laurent Marti, président de l'Union Bordeaux-Bègles, ne cache pas son agacement après la sortie de Roxana Maracineanu, dimanche sur RTL. La ministre des Sports a fait comprendre que les compétitions de haut niveau se disputeraient à huis clos tant qu'il n'y aura pas de vaccin contre le coronavirus. De quoi inquiéter l'UBB, qui compte la plus forte affluence parmi les clubs de rugby français (24.500 spectateurs par match en moyenne). 

Alain Carré, président de Colomiers, qui joue les premiers rôles en Pro D2, réagit lui en tant que président de l’Union des trente clubs de rugby professionnels. Une réaction sans détour: "Je pense qu’elle a parlé très vite. Elle a dégainé rapidement. A ce moment-là, on n’a plus qu’à mettre la clé sous la porte. Parce que pas de vaccin, pas de reprise, si le vaccin arrive dans un an ou deux, on fait quoi? On va faire autre chose, on va jouer au water-polo. Elle nous sabre le moral avec cette phrase. J’ose espérer qu’elle a été dite comme ça, mais je suis très agacé."

Des recettes en baisse de 80% à huis clos

Avec des budgets dépendants de la vente de places, des hospitalités, de la restauration et des produits dérivés les jours de match, c’est pratiquement 80% des recettes habituelles qui s’évaporent pour le rugby professionnel français (dépendant des droits TV à hauteur de seulement 20% environ). D’où l’inquiétude de Laurent Marti, partagée par tous les dirigeants de clubs: "S’il y a des huis clos jusqu’en janvier, c’est le dépôt de bilan pour les clubs qui ne sont pas appuyés par une multinationale ou un mécène milliardaire. Ce n’est pas possible." 

Sur une vingtaine de clubs professionnels, les deux tiers seraient étranglés par une telle situation. Chez les joueurs, Provale (le syndicat des rugbymen professionnels) a réagi par la voix de son président Robins Tchale-Watchou: "Ça nous inspire des craintes et des interrogations car on connaît déjà la fragilité de notre écosystème à la suite de la crise. Il est clair qu'aujourd'hui, le rugby ne peut pas se permettre le luxe d'un huis clos sur le long terme, parce que notre écosystème ne pourra pas le supporter. Notre modèle de business non plus. Un huis clos global serait fatal pour nous."

L'espoir que Maracineanu change de position

Seuls motifs d’espoir: que les propos ministériels aient été prononcés "à date", sans tenir compte des avancées qui ont lieu petit à petit. Tchale-Watchou veut le croire: "L'effet d'expérience va nous permettre de prendre des décisions qui seraient peut-être moins drastiques qu'un huis clos. Ce qu'on sait aujourd'hui du virus, on ne le savait pas il y a trois mois. Dans six mois, on aura d'autres informations, dans neuf mois encore plus. J'ai plutôt envie d'être optimiste et de dire: "Ok, aujourd’hui, la raison veut qu'on dise pas de vaccin, pas de sport", mais ne tranchons pas aussi rapidement dans le vif car dans le cas de mon sport, on ne s'en remettrait pas!"

Si Bernard Laporte, le président de la FFR, n’a pas souhaité commenter les paroles de Maracineanu, son vice-président Serge Simon se montre légaliste. Sans perdre son optimisme pour autant: "Evidemment, on appliquera les consignes mais avec cette visibilité qui est à deux ou trois semaines, prédire qu'on ne remplira pas les stades avant qu'on ait trouvé un vaccin, je trouve que c'est un élément de débat. La preuve, ça fait débat. Mais ce n'est pas une vérité absolue. Il faut lever la tête et regarder des pays comme l'Espagne ou l'Italie qui ont été très durement touchés par l'épidémie et qui reprennent des activités plus précocement qu'ils ne le pensaient."

Laurent Depret et Wilfried Templier