
Castres: "On dirait un mec qui fait des rave-parties à Barcelone", Caminati raconte son confinement
Julien Caminati, quand on est en confinement, on a tendance à se laisser aller ou est-on sérieux en matière de préparation physique?
Je suis relativement sérieux, j’essaie de m’entraîner le matin quand je me lève, de faire un peu de musculation, un peu de cardio. Et après, le reste de la journée, je m’occupe des enfants, on fait des travaux à la maison. Au début du confinement, je m’entraînais matin et après-midi, pour garder le rythme qu’on a avec l’équipe. Mais au bout de deux jours, t’en as plein le c…! Du coup je fais ça le matin et après, j’ai du temps pour la famille.
Quel est le pire ennemi en confinement? Le frigo, le bar ou le canapé?
Le canapé. Car quand t’es posé devant la télé, tu as tendance à bouffer des conneries. Mais bon je ne suis pas très sucreries. Et avec l’expérience, je ne fais plus comme avant. Je coupais totalement et quand je reprenais, je galérais! Là, sur la bouffe, je fais attention tous les jours. Et après pour l’alcool, une petite bière de temps en temps. Parce que ma femme ne boit pas trop alors boire tout seul à la maison, ça fait pochetron…
Vous pesez-vous tous les matins?
Moins qu’avant. Après, quand t’es dégueulasse, ça se voit (rires)! C’est que tu manges. Et quand tu commences à voir tes abdos, c’est que tu es sur la bonne voie. Mais bon, quand tu es en pleine saison et que tu t’entraînes beaucoup, que tu cours beaucoup, tes kilos en trop, tu les perds. Là, je pense que je dois avoir un ou deux kilos de trop. Mais ça se perd vite.
Et mentalement, passe-t-on par plusieurs phases?
Au début j’étais content. Tu as moins de tentations, tu dépenses moins d’argent. Tu es à la maison avec ta famille, tu profites un peu. Avec notre rythme de saison, on ne voit pas beaucoup notre famille. Donc c’est bien. Mais en fait le truc qui me manque, c’est les collègues. Parce que depuis tout petit, on passe du temps avec les copains. Et quand tu ne les vois pas… là, j‘avoue, ça commence à me gonfler.
Et à terme, craignez-vous de ne plus supporter votre famille ou le contraire?
Oh pour l’instant avec ma femme, ça va. Mais après, j’ai des phases. Je vais être ronchon un ou deux jours. Et après ça va le faire. Mais si jamais vous voyez que je me suis fait poignarder, c’est que ma femme ne m’aura pas supporté (il rigole).
C’est un peu une épreuve pour des sportifs de haut niveau comme vous, qui êtes un peu hyperactifs...
Ouais. Surtout moi. Bon après, je ne vais pas pleurer. Je sais très bien que j’ai énormément de chance d’avoir une maison assez grande avec un jardin. Je me mets à la place de gens qui sont dans un petit appartement en banlieue, où ils sont nombreux, là oui, ils peuvent se plaindre. Moi non. Je ne peux pas pratiquer ma passion tous les jours, mais il y a le jardin, il fait beau, j’ai des animaux, des moutons, tu t’en occupes un peu et ça va.
Croyez-vous en une reprise du championnat?
Plus le confinement dure et moins j’y crois. Parce que même si le confinement est terminé, comment va-t-on être sûr à 100% qu’il n’y a pas encore des gens malades? Ça va être le bordel quand même. Après, bien sûr que j’aimerais rejouer quand même, parce que je pense qu’on avait un truc à finir avec l’équipe. Mais il faut penser à la santé des gens.
Le sport peut-il faire partie des priorités?
Le problème c’est que ça va arranger les diffuseurs de reprendre. A huis clos ou pas. Et si c’est à huis clos, il y aurait encore plus de monde devant la télé. Mais jouer à un sport collectif de combat comme on fait nous sans public, ça n’a pas de sens. Donc soit tu arrêtes tout, soit tu décides de reprendre, mais tu ne fais pas les choses à moitié.
"Pourquoi pas tenter l’aventure à treize"
On se trompe si on vous dit que cet arrêt forcé n’arrive pas au meilleur moment pour vous, à 34 ans et étant en fin de contrat avec le CO?
Oui, oui (il réfléchit)… mais j’avoue que j’ai eu quand même quelques coachs au téléphone. Et si je ne trouve pas à quinze, je m’orienterai vers le rugby à treize. Déjà, avant le coronavirus, je me suis posé des questions et j’y avais pensé. Au début j’avais un peu peur avec mon âge. Ça peut freiner certains, mais je n’ai joué que 20 matchs ces deux dernières saisons. Je ne suis pas usé. Et cette année, j’en ai fait que huit, j’ai marqué quatre essais. Physiquement je suis encore là. J’ambitionnais d’ailleurs de faire des tests physiques pour éventuellement les présenter à un club en cas de doute.
Ce n’est pas la fin de l’aventure alors...
Non, ce n’est pas la fin de l’aventure. C’est clair que non. J’ai encore envie de jouer au rugby. Mon corps, ça va. Je l’ai vu quand j’ai joué contre Bordeaux lors du dernier match. J’ai fait le taf, chez le premier du championnat. Un match important.
Et l’avenir pourrait donc passer par le rugby à treize?
Oui. Déjà, j’aime beaucoup ce sport. Et je me dis que si je ne trouve pas de point de chute à quinze, j’ai déjà quelques entraîneurs d’Elite 1, la première division en France, qui m’ont téléphoné. Donc pourquoi pas tenter l’aventure. Je n’ai jamais joué à treize mais j’ai envie d’essayer, ça me tente bien. J’ai fait le rugby à quinze, le sept, alors pourquoi pas le treize.
Jusqu’à quel âge avez-vous envie d’être sur les terrains?
Je ne sais pas trop (il souffle)… après j’aime ce jeu! J’ai fait le choix de rester à Castres. Je me suis accroché parce que je suis bien ici. Je suis dans un grand club, avec une grande équipe. Et le fait de ne pas avoir joué ces deux dernières années, c’est comme si j’avais 32 ans en fait!
Etes-vous le genre de joueur qui sera sur les terrains du rugby amateur à 40 ans?
Ah ça oui, c’est sûr! Déjà je vais passer mon diplôme d’entraîneur. Ma reconversion, elle sera là. Et puis même, je continuerai à jouer, parce que lorsque je vais entraîner Labruguière avec Baptiste (Delaporte, son coéquipier à Castres qui a été formé là-bas ndlr), avec qui on est consultants là-bas, même s’ils sont en troisième série, bah d’être avec les copains, jouer au ballon, se faire plaisir, c’est bon. Moi j’aime ce jeu, j’y joue depuis tout petit et depuis que j’ai gagné le Bouclier de Brennus avec Castres, eh bien que tu joues en amateur, en Top 14, chez les All Blacks, où tu veux, quand tu gagnes un titre, c’est une aventure de dingues. Ça dure toute une année, tu es obligé de tisser des liens avec des gens, humainement c’est super enrichissant. Donc je me dis que si je peux jouer pour une équipe qui a ce genre d’objectifs, c’est toujours cool. Je ne me donne pas de limites. Comme je sais que je vais rester habiter ici, dans deux, trois ans, pourquoi pas aller jouer à Labruguière. En même temps je leur ai promis (rires)!
"Ce qui me fait bander, c’est le moment du vestiaire"
Votre reconversion se fera dans le rugby?
Oui je pense. Et avec l’effet médiatique, mon parcours peut servir à des jeunes. J’ai envie de renvoyer au rugby ce qu’il m’a donné. Grâce à lui j’ai gagné de l’argent, j’ai pu acheter ma maison, ça m’a apporté plein de bonnes choses.
Et qu'allez-vous leur dire, aux jeunes?
De travailler. Il n’y a que ça qui paie. Quand tu n’as pas envie, que tu veux faire des conneries, bah tu travailles. Tu fais tes "skills" tout le temps, tu bosses, tu bosses. Tu ne te poses pas de questions. Si t’as décidé d’en faire ton métier, il faut t’en donner les moyens. Et t’en donner les moyens, c’est de travailler. Et puis j’ai eu un bon feeling avec Labruguière. J’ai retrouvé un peu ce que j’ai vécu en tant que joueur. Et moi au rugby, ce qui me fait bander par-dessus tout, c’est le moment du vestiaire en fait. C’est pour ça que j’aime ce sport. Pendant une heure, avant de jouer, tu regardes tes collègues, tu te prépares à aller à la guerre. C’est quelque chose que je considère comme sacré. C’est pour ça qu’entraîneur ou joueur, j’ai envie de donner. Le rugby c’est ma drogue. Alors je veux me concentrer à fond là-dessus. Et si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas on verra bien!
Le confinement vous rend philosophe? Ça vous laisse le temps de penser à tout ça?
Vous savez à quoi je pense là et ce que je suis en train de faire? A aménager ma terrasse. Comme ça quand le confinement sera terminé, je vais inviter mes amis à faire un barbecue toute la journée et on passera un bon moment.
Vous pensez nous envoyer bientôt une photo de vos abdos alors?

Non. Plus de ma coiffure. Car au début du confinement, j’ai voulu me faire une coupe mulet. Mais je ne sais pas pourquoi, c’était plus long devant que derrière. Et en plus, j’ai voulu me décolorer l’espèce de crête que je m’étais fait en blond mais ça n’a pas marché. C’est sorti... pas très blond. Plutôt orange. On dirait un mec qui fait des rave parties à Barcelone! Et avec la moustache en plus, quand je vais courir, les gens me regardent assez bizarrement…