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Boudjellal : « Il y a des chiffres immoraux qui circulent dans le football »

Le président du RCT Mourad Boudjellal juge "immoraux" certains montants de transferts dans le football.

Le président du RCT Mourad Boudjellal juge "immoraux" certains montants de transferts dans le football. - -

Toulon accueille samedi (16h25) le Racing Métro lors de la deuxième journée du Top 14. L’occasion pour le président, Mourad Boudjellal, de revenir sur son investissement dans le club varois.

Président, pourquoi avez-vous décidé d’investir dans le rugby ?
J’avais le désir de vivre des sensations nouvelles, de rentrer dans un monde qui m’était totalement inconnu. Le rugby était un sport que j’appréciais mais j’ai surtout été attiré par le grand vide. Je ne pensais pas m’y investir autant, humainement et financièrement. C’est un vrai challenge. Pour moi c’est comme une drogue maintenant. Une fois qu’on y est, on a envie de réussir. On découvre tous les jours des émotions nouvelles. C’est encore plus fort que le monde de l’entreprise.

Est-ce possible de gagner de l’argent avec un club de rugby ?
Oui, on peut en gagner beaucoup. La problématique du budget d’un club de rugby et d’une entreprise est à peu près la même : les charges c’est « certain » et les produits c’est « peut-être ». A part que dans le rugby on a la chance d’avoir une partie de produits sécurisés qui émanent des droits TV ou de l’argent public. A Toulon, le gros des produits ce sont les abonnements, les partenariats et la billetterie. Après ? tout dépend des résultats. S’ils sont bons, on peut envisager d’autres développements comme le marketing ou la délocalisation de certains matches. On est fixé assez tôt dans la saison sur la faisabilité d’un budget.

Quelles sont vos différences et vos point-communs avec Jacky Lorenzetti, le président du Racing Métro ?
La différence entre lui et moi c’est déjà quelques centaines de millions d’euros (rires). Jacky Lorenzetti est venu au Racing parce qu’il voulait créer un projet d’entreprise. Et comme moi, il s’est pris de passion pour son équipe. On est également tous deux très ambitieux. Je pense qu’il partage aussi avec moi cette volonté de donner du bonheur au gens. On prend beaucoup de plaisir à entendre nos stades chanter.

Comment percevez-vous les critiques dont vous faites l’objet ?
Les investisseurs dans le rugby ce n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est, c’est que les présidents actionnaires s’investissent eux-mêmes dans leur club. Il y a aujourd’hui des villages qui sont devenus des grandes villes de rugby grâce à des personnes physiques. Toulon a aujourd’hui un budget qui correspond à l’économie du rugby dans la ville. Peu de clubs peuvent en dire autant. Beaucoup sont dépendants d’une personne physique, et quand celle-ci n’investira plus, que vont-ils devenir ? Il y a un vrai danger pour ces équipes et pour le Top 14 en général.

Comment rentabilise-t-on l’arrivée d’un joueur comme Jonny Wilkinson ?
Quand on signe un contrat c’est une addition et une soustraction de chiffres. Le prix d’un joueur ce n’est pas uniquement ce qu’il coûte, c’est ce qu’il coûte et ce qu’il rapporte. Quand on regarde le salaire brut de Jonny Wilkinson, il semble au-dessus des autres. Mais une fois qu’on aura fait la soustraction, on va se rendre compte qu’il n’est pas si cher que ça. C’est une démarche d’entrepreneur. Quand on a un euro, on en dépense trois pour en gagner dix. Mais il faut être capable d’investir son argent avec le risque que cela représente.

Les transferts réalisés cet été par le Real Madrid ne vous choquent donc pas ?
Si, car je ne sais pas compter jusqu’à 94 millions d’euros. A ce prix là, on n’a plus le droit de louper une passe. Avec 94 millions d’euros, on peut nourrir une partie de l’Afrique. Ça me semble excessif. Dans le rugby, on n’est pas dans ces chiffres là. On n’a pas atteint cette indécence. Quand vous avez été très pauvre et que vous êtes un peu plus riche, vous avez la notion de l’argent et la valeur des choses. Et je pense que j’ai cette notion. Il y a des chiffres immoraux qui circulent dans le football et ce n’est pas souhaitable qu’ils arrivent dans le rugby.

La rédaction - Florent Germain à Toulon