
Saint-André : "Capables de rattraper le retard pris en trois ans"

- - AFP
Philippe, que reste-t-il de la tournée de novembre, marquée par deux victoires et une défaite ?
De cette tournée, il reste de bonnes choses. Il y a eu beaucoup d’ambitions dans le jeu, l’envie de faire des passes, de déplacer le jeu et une belle victoire l’Australie (29-26). Et à l’image du rugby français depuis un siècle, il y a ce petit goût amer de ne pas enchainer une troisième victoire contre les Argentins (13-18), qu’on avait les moyens de battre. Il faudra se souvenir de la bonne fin de match contre les Argentins si on les retrouve en quarts de finale de la Coupe du monde.
Vous êtes aux trois-quarts de votre mandat. Comment jugez-vous l’année 2014 ?
On a montré qu’on était capable de battre les meilleurs, l’Angleterre, l’Australie. On a aussi eu une tournée très compliquée en Australie (trois défaites en autant de tests). Pendant trois ans, on essaie de faire le moins mal possible et on a un an maintenant pour faire le mieux possible, avec comme objectif d’être champions du monde. Je crois qu’au mois de novembre, on a trouvé de nouveaux joueurs, on a beaucoup plus de compétition à pas mal de postes. Maintenant, on doit bien commencer ce VI Nations 2015. Durant l’été, on aura deux mois et demi de grosse préparation pour arriver en pleine forme et être au sommet en matière de physique, de mental et de stratégie pour cette Coupe du monde.
Cette année est-elle celle de la véritable mise en place ?
Dès 2012, on a essayé de mettre un groupe, pour lui donner de l’expérience et le faire venir à maturité pour la Coupe du monde. Mais les aléas de forme, de blessure, de non-titularisation nous ont poussés à faire un turn-over beaucoup plus élevé. On a mis de la concurrence, on a fait venir de nouveaux joueurs et d’anciens sont revenus en pleine forme. On sait que sur une préparation de deux mois et demi, on est capables de rattraper le retard pris pendant trois ans.
Nourrissez-vous des regrets ?
Non, lors du premier VI Nations (en 2012), on a fait confiance aux derniers finalistes de la Coupe du monde. On aurait pu faire plus de tests. Mais on a tenté Wesley Fofana ou Yoann Maestri, qui sont maintenant des joueurs cadres du groupe.
« Certains étrangers sont plus français que nous »
2014, c’est aussi une polémique avec l’arrivée de joueurs sans passeport français…
Quand on voit l’émotion de Scott Spedding lors de l’annonce de sa sélection, son investissement, sa grinta lors des trois tests… J’ai fait le tour des clubs et les gens me disent avoir été content de voir des mecs fiers de porter ce maillot. Ce sont des joueurs qui sont en France, depuis huit ou neuf ans, qui jouent dans notre championnat chaque week-end et qui sont parfois plus français que nous.
Serge Blanco et le comité de suivi sont également arrivés au sein des Bleus. Comment l’avez-vous vécu ?
Il n’y a eu aucun problème (rires). Je l’ai su bien avant tout le monde. Il fallait ce comité de suivi, on a élargi le groupe à 70 joueurs et on ne pouvait pas faire tous les matches seuls, chaque week-end. Teddy Thomas ou Alexandre Dumoulin n’était pas dans les radars au début. Serge Blanco est le vice-président de la Fédération, il a fait signer la convention entre clubs, Ligue et Fédération. C’est une bonne chose pour l’équipe et pour moi. Sincèrement, si on peut avoir de la valeur ajoutée, c’est positif.
Avez-vous été surpris par ce rapport parfois violent avec les médias ?
Sincèrement non. Quand j’ai accepté, j’avais vu l’expérience de Marc Lièvremont auparavant. Malgré toutes les critiques, je crois qu’on n’a jamais eu un sélectionneur passé aussi près d’être champion du monde. On en a d’autres qu’on entend beaucoup alors qu’ils n’ont jamais eu même une médaille de bronze en Coupe du monde. Je suis un privilégié. J’ai été joueur, capitaine de l’équipe de France et maintenant sélectionneur. Après on sait que le rugby professionnel a évolué. Nous, on se bat contre des pays où les joueurs sont sous contrats avec leur fédération. Leurs objectifs sont les tests de novembre, le VI Nations, les tests du mois de juin. Nous, on a les joueurs onze semaines dans l’année, donc on subit beaucoup de choses pendant trois ans. C’est la structure du rugby français. Je le prends avec philosophie. Surtout, j’ai une envie et une ténacité énormes pour qu’on fasse une grande Coupe du monde parce qu’on va avoir des joueurs obnubilés, concentrés sur un seul objectif pendant trois mois et ça, ça change beaucoup de choses.
« La préparation sera coriace »
Comment les Bleus peuvent-ils être champions du monde ?
Les périodes entre les Coupes du monde sont compliquées à cause de l’organisation de notre rugby. Mais pour la préparation de la Coupe du monde, on aura les mêmes moyens que les autres, on aura le temps de se préparer, le temps d’avoir une osmose collective. On aura le temps d’être une vraie équipe parce qu’on n’aura pas qu’une semaine de rassemblement mais deux mois et demi de temps ensemble, de vécu au niveau collectif, physique mais aussi de l’état d’esprit. Il va falloir préparer un commando comme l’équipe de France de Marc Lièvremont a pu le faire, avant de tomber en finale de la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande, très près du Graal (défaite 9-8).
Etre sélectionneur, c’est choisir ou éliminer ?
Je crois qu’être sélectionneur c’est choisir pendant trois ans et demi mais pour la préparation de la Coupe du monde, on va bientôt devoir annoncer une liste de 50. On va faire une préparation à 36 joueurs et on finira à 31. Là, il va falloir éliminer, mais c’est mon rôle. Je crois que ce qui est important, c’est qu’on ait des joueurs qui se donnent à 250% dans la préparation, après on prendra les meilleurs et on cherchera aussi la meilleure osmose puisqu’on va avoir trois mois de vécu en commun, donc il y a l’aspect sportif mais aussi l’aspect mental et l’aspect de l’état d’esprit qui entrent en compte.
Peut-on revoir Imanol Harinordoquy, Julien Bonnaire ou Aurélien Rougerie dans les 50 ?
On connait leurs qualités. Ce sont des champions, des compétiteurs, on ne s’interdit rien du tout. La saison est très longue. On verra leur état de forme au moment de la liste des 36 joueurs. Après, des joueurs ont marqué pas mal de points en novembre. Il nous reste quelques semaines avant de faire le groupe pour le VI Nations mais on ne s’interdira pas de prendre nouveau joueur qui explose ou un joueur d’expérience qui montre qu’il est le meilleur chaque week-end.
Avez-vous en tête à partir le programme qui vous emmènera jusqu’au premier match de la Coupe du monde contre l’Italie, le 19 septembre ?
Pratiquement. On façonne les derniers petits détails. Dans une longue préparation comme ça, il faudra être précis et les surprendre. Pratiquement à la minute, je sais ce que l’on va faire tel ou tel jour. Il faudra arriver au meilleur de notre forme et bien commencer lors du premier match contre l’Italie.
Quel sera ce programme ?
Il y aura beaucoup de choses. Le but sera d’avoir une osmose et un groupe prêt à tout donner. La préparation ira crescendo. Les cinq premières semaines seront très axées sur le physique, le cardio. Les joueurs devront être motivés car la préparation sera coriace.