
Béziers: comment le club veut rebondir après l'échec du rachat
Et maintenant? Mardi, sur le terrain d’entraînement de la Gayonne, à quelques centaines de mètres du stade Raoul-Barrière, la totalité de l’équipe professionnelle de l’AS Béziers Hérault avait pour la première fois un rendez-vous commun. Des semaines après la crise du Covid, qui allait précéder celle d’un potentiel rachat finalement avorté, ces joueurs-là se sont tous retrouvé. Dans quel état d’esprit? Avec quel socle commun, quand une partie de l’effectif espérait une page nouvelle et clinquante promis par Christophe Dominici et les Emiratis et l’autre juste sauver sa tête et continuer à porter ce maillot? Avant l’entraînement, un des présidents, Pierre-Olivier Valaize, est venu s’adresser à eux pour tenter de les rassurer. Et il leur a demandé de dorénavant se tourner vers le sportif et la saison de Pro D2.
Car le tsunami médiatique né de déclarations tapageuses et d’ambitions XXL a secoué l’ex-géant du rugby français, onze fois champion de France. Mardi, les discussions étaient encore vives entre les nombreux supporters présents à l’entraînement. Henri, quarante ans de soutien affiché au compteur, se grattait la tête: "On est abasourdis. On rêvait un petit peu, on s’était dit que le train s’était arrêté en gare de Béziers et que c’était une opportunité. Mais le couperet est tombé". Entre ceux qui avaient déjà des étoiles dans les yeux et les sceptiques devant les effets d’annonces du clan Dominici, le fossé est là.
"Il y a quelques temps que je ne crois plus au Père Noël, lâche Jacques. Même si on entendait que c’était fait… résultat, certains, qui croyaient dur comme fer à ce projet, sont extrêmement déçus et disent qu’ils ne remettront plus les pieds au stade et qu’ils ne s’abonneront pas de nouveau. Toute cette histoire a fait des dégâts. Parce que quand vous créez des illusions chez les gens et qu’elles retombent, forcément… c’est comme le soufflet qui retombe, ce n’est pas beau". Pour autant, il faut tourner cette page. Car le temps presse.
Sur le terrain, à un mois du premier match amical face au Stade Toulousain et un peu plus de sept semaines de la reprise du championnat Pro D2, les joueurs sont heureux du retour du ballon. Ça crie, ça transpire, ça s’encourage. Une trentaine de professionnels, une dizaine d’espoirs, en attendant une à deux recrues supplémentaires. A la manœuvre, l’entraîneur David Aucagne a le sourire. "Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu ce terrain. Ça fait de bien de reprendre, de voir les joueurs, d’être ensemble. De vivre on va dire! Il y a un bel état d’esprit dès ce matin et ça c’est le principal".
"Tout le monde s’est un peu foutu de notre gueule"
Où en est ce groupe? "Il a été chamboulé par tous ces événements, avoue Jonathan Best, le capitaine. On a entendu des bruits, des noms et on pensait que certains pouvaient disparaître des radars. Moi j’étais en tête de gondole et je ne sais toujours pas pourquoi. Maintenant, le groupe qui est là va faire la saison. Peut-être que le moral a été affecté, je n’espère pas. On va faire en sorte de recréer un collectif. Ça passe par la confiance. La confiance en nous, en notre projet. Le plus dur c’est de se refaire confiance, d’aller tous dans le même chemin et de se concentrer uniquement sur ce qu’on sait faire".
Jouer au rugby. Et ne plus alimenter les gazettes. Désabusé par temps de rebondissements, quand on lui demande si l’épisode a pu laisser des traces au sein de son groupe, Aucagne veut passer à autre. "Franchement, on essaye vraiment de l’occulter un maximum. Le message que j’ai fait passer aux joueurs, c’est que nous, ce qui nous intéresse, c’est d’être là sur le terrain et de vivre des moments ensemble. De belles aventures, de jouer au rugby et de prendre du plaisir. Après, ce qu’il se passe autour, on ne peut rien maîtriser. Malheureusement, ça nous est arrivé à nous. J’espère que ça n’arrivera à personne d’autre car c’est dur à vivre".
La cicatrice est là. Mais l’envie de prouver aussi. "C’est sûr que tout le monde a rigolé, ajoute Best. Depuis deux ou trois mois, tout le monde s’est un peu foutu de notre gueule. On a entendu des noms dans tous les sens donc ça sous-entendait que l’effectif construit actuellement n’avait pas le potentiel pour jouer les premiers rôles en Pro D2. Donc il faut montrer que même si on n’a pas de joueurs internationaux, pas de stars, on est capable de créer un collectif. A nous de s’en servir comme revanche, comme motivation", dit celui qui, à 37 ans, jouera sa dernière saison.
Ce jeudi, le club doit fournir des compléments de garanties à la DNACG. Les présidents Valaize et Bistué, qui souhaitent toujours prendre du recul, disent tabler sur un budget de 7,3 millions d’euros. Le premier, joint par téléphone, assure que le club sera bel et bien sur la ligne de départ du championnat début septembre. Avec René Bouscatel à la présidence, comme prévu initialement? "Trop tôt pour en parler", nous dit-on, même si, selon nos informations, l’ancien président du Stade Toulousain est toujours disponible pour mener les destinées du club héraultais.
En tous cas, la mission est grande. Béziers et ses supporters sont dans leurs petits souliers. "Il va falloir être prêt, dit Henri, car on va être attendus de partout. Sur les réseaux sociaux, on se fait déjà chambrer comme ce n’est pas possible. A Carcassonne, à Perpignan, ça va être sympa, on va être accueillis. A ce groupe de prouver qu’il est là et que les résultats seront positifs". Il dit avoir confiance en ces joueurs-là, mais attend fébrilement le passage devant le gendarme financier et les premiers matchs. "On souhaite que ça continue. Car si on nous enlève ça, la mer et le soleil, on est cuit". A Béziers, pour la mer et le soleil, ça devrait aller. Le reste est à écrire.