
Mort de Christophe Dominici: la perte de sa sœur, sa dépression… quand Domi se livrait sur ses souffrances
Le point de départ. Un soir de printemps 1986, Pascale décède brutalement dans un accident de voiture. Le jeune Christophe Dominici perd tragiquement sa sœur de dix ans son ainée, il a alors 14 ans. C’est le point de départ de la fragilité psychologique de ce petit gaillard devenu légende du XV de France et du Stade Français, retrouvé mardi mort à 48 ans dans le parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
En 2007 déjà, l’ancien ailier évoquait dans son autobiographie Bleu à l’âme ses années de souffrance et de dépression malgré une vie sportive pleine de succès – cinq titres de champion de France et deux finales de Coupe d’Europe avec le club parisien, quatre Tournois des VI Nations dont deux Grands Chelems avec l’équipe de France –, ou ses deux plus belles réussites, ses deux filles Chiara et Mya.
"Il n’y a plus de vie dans ses yeux"
"Pascale m’aidait à faire mes devoirs et m’apprenait à danser. J’étais son petit enfant gâté. Elle avait choisi mon prénom, Christophe, comme Christ, eau et feu", raconte-t-il dans son livre au sujet de celle qu’il "admirait", qu’il considérait comme sa "deuxième maman. Celle qui l'a vraiment élevé". Parce que sa "vraie mère", comme il l'écrivait, "était trop accaparée par les magasins de fruits et légumes". La blessure est d’autant plus profonde.
Si en 1999, le rugbyman avait brillé lors d’une mythique demi-finale qui opposait le XV de France aux All Blacks (43-31), sa femme le quitte un an plus tard. Le plongeant à 28 ans et au sommet de sa carrière dans une dépression, dont Max Guazzini avait été témoin à l’époque. L’ancien président du Stade Français, qui avait recruté Christophe Dominici en 1997, était alors passé le voir à l’hôpital. "Quand il est arrivé, il ne m’a pas reconnu, se souvenait le joueur dans un passage télévisé sur France 2, en 2007. Il ne pensait plus que je pouvais rejouer un jour au rugby. Il était complètement effaré de voir mes yeux, dans l’état où j’étais. Il a dit à ma mère: 'Il n’y a plus de vie dans ses yeux'. (…) Quand je reviens un petit peu en arrière et que je me vois dans cette chambre, on s‘aperçoit que tout va très vite. Dans la vie, tout peut basculer d’un côté comme de l’autre."

Hanté par des idées autodestructrices
"Le blues de mon enfance me rattrape toujours. Comme autrefois, j’ai l’impression d’être nu, sans défense, ni protection. Je plonge à corps perdu dans la mélancolie, je laisse libre cours à mes idées autodestructrices, se livre-t-il dans Bleu à l’âme. Dans ces moments-là, je n’ai plus de repères, plus d’envie, aucune force. De ces heures sombres surgissent des angines blanches. Je crois que je vais mourir, étouffé ou écrasé sous un poids invisible. Je ne peux pas tenir debout. Je reste au lit plusieurs jours, recroquevillé comme un fœtus. Je ne décroche plus le téléphone." Selon les premiers éléments de l'enquête, obtenus par BFMTV, Christophe Dominici est mort au domaine de Saint-Cloud après avoir chuté d'un parapet en béton situé à 20 mètres du sol. Un témoin a assisté à la scène. Des auditions vont être menées dans les prochains jours. À ce stade, l'enquête ne révèle pas la présence ou l'intervention d'un tiers. Deux pistes sont donc principalement étudiées: chute volontaire ou involontaire.
"Le rugby m’a sauvé, confiait dans son livre celui qui comptabilisera 67 sélections avec les Bleus. Mais je me dis aussi que si j'avais été heureux à cette époque, je n'aurais jamais trouvé la force en moi pour aller jusqu'au bout de mes rêves." Et pour inscrire, peut-être, cet essai libérateur à la 89e minute de l’incroyable victoire parisienne face à Biarritz, en demi-finales de la Coupe d’Europe (20-17). Ce soir d’avril 2005 où, d’un geste vers le ciel, il avait embrassé sa sœur disparue tragiquement.