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All Blacks : comment Dan Carter est redevenu le meilleur

Un retour fulgurant. Le demi d’ouverture des All Blacks Daniel Carter, meilleur marqueur de l’histoire du rugby (1579 points), affiche une forme étincelante durant cette Coupe du monde avant la finale contre l’Australie samedi. Malgré le poids des ans (33 ans, 111 sélections), le futur Racingman a retrouvé son génie, après des années de galères. Quatre explications à cette renaissance.

Une surcharge de travail après ses blessures

En 2014, peu de monde aurait parié sur un Dan Carter de retour à ce niveau pour le Mondial. Adducteurs, tendon d’Achille, cheville, genou… L’ouvreur néo-zélandais a enchaîné les blessures au cours des dernières saisons, et à 33 ans, les doutes sur sa longévité semblaient légitimes. Après huit mois de congé sabbatique entre novembre 2013 et juin 2014, Carter n’a disputé que deux matches avec les Blacks, en 2014. Parti de loin après ses blessures, il s’est imposé une ligne de conduite quasi militaire pour revenir en forme, affûté, le jour J.

«Je ne sais pas s'il est dans la meilleure forme de sa vie, je sais qu'il est dans la forme dont nous avons besoin qu'il soit aujourd'hui, note Ian Foster, coach assistant des Blacks, qui a été l’un des mentors de DC dans ce retour éclatant. Quand on sait tout ce qu'il a traversé, remonter la pente et composer avec tout ce temps perdu, c'est extraordinaire.» Une débauche d’énergie, un combat contre le temps et son propre corps, que Carter a réussi. Il partait pourtant de loin. Une analyse biomécanique réalisée par le staff néo-zélandais révélait en effet que sa morphologie le desservait, tout comme sa manière de se déplacer. Une source de motivation supplémentaire, pour redoubler d’efforts. «S'il y a avait une médaille du travail pour revenir, il l'aurait, quand vous voyez tous ces retours après blessures», poursuit Foster.

«La manière dont mon corps réagit m'autorise quelques années de plus, avance de son côté l’intéressé. Avec l'âge, le travail devient plus dur pour rester au plus haut niveau. La récupération, prendre soin de son corps, on y fait beaucoup plus attention.» Le talonneur emblématique Keven Mealamu ressent cette charge de travail et cette application mise pour durer, dans les matches actuels de Carter. «Je crois que la manière dont il joue en ce moment prouve combien il a dû travailler dur pour revenir, confie-t-il, admiratif. Quand son corps est au niveau de son esprit, il évolue à ce niveau.»

La confiance totale du staff

Pendant qu’il pansait ses blessures, Dan Carter a également dû soigner l’esprit. Alors que la presse nationale lui tombait dessus, et militait pour que Lima Sopoaga (24 ans) soit l’ouvreur titulaire au Mondial, Carter a encaissé. Et a compté sur le soutien sans faille du board des All Black. Steve Hansen, le sélectionneur, a toujours fait de lui la clé de son système, alors que son assistant, Ian Foster, a noué une relation encore plus profonde avec Carter.

Foster a fonctionné comme un coach personnel avec le demi d’ouverture. Les échanges entre les deux hommes se sont multipliés. Et la confiance de Carter est revenue. Le déclic a eu lieu lors du dernier test-match avec le coup d'envoi du Mondial, quand les All Blacks ont largement dominé l’Australie (41-13). Ce jour-là, Dan Carter s’est libéré, relâché. Il a retrouvé ce côté «extraterrestre», qu’il a maintenu tout au long de la compétition, montant en puissance au fil des rencontres. «Ces deux derniers mois, il est comme un junior, il prend du plaisir, juste de faire partie de l'aventure», abonde Mealamu, qui redécouvre un Carter heureux d’être sur le terrain, tout simplement.

La motivation de toujours se dépasser est l’une des clés pour Carter. «Ce qui vous pousse, c'est l'envie, le désir, surtout quand cela fait pas mal de temps que vous jouez. Si votre esprit vous commande de le faire, vous serez prêt à tout mettre en œuvre pour atteindre ou rester à ce niveau» résume-t-il.

La volonté d’enfin disputer « sa » finale

Son génie revenu, Carter vise désormais la prestation parfaite samedi, lui le maudit des finales. Blessé lors du quart de finale en 2007 contre la France, il n’avait pu éviter la défaite (18-20) et abandonné sans pouvoir combattre son rêve de sacre. Blessé en décembre 2008 avec l’USAP, il avait raté le match du titre face à Clermont. Blessé durant la Coupe du monde 2011, il n’avait pas participé au triomphe face aux Bleus.

La finale de samedi pourrait donc être «son» grand moment. «Je suis certain que cela va être le pinacle de sa carrière en terme de performance», s’avance le troisième ligne Victor Vito. «Est-ce qu'il se sentira au mieux pour la finale ? Bien sûr que oui ! Si nous sommes assez performants pour la gagner, il se sentira encore mieux», explique Steve Hansen.

L’expérience le sublime

A 33 ans, Carter a tout connu, passant de tout en haut, à tout en bas. En l’espace de 13 saisons avec les All Blacks, depuis son premier match en 2003, l’ouvreur est devenu une légende. Et son expérience lui permet aujourd’hui de livrer des prestations quasi sans faute, techniquement notamment. Sa faculté à être un taulier, sa capacité à se remettre en cause, c’est Ma’a Nonu qui l’explique le mieux. «J'ai la chance de jouer aux côtés de Dan depuis près de dix ans. C’est vraiment un grand professionnel, il est très fort pour communiquer sur la manière de jouer», explique le centre All Black.

«Ça lui prend énormément de temps arriver à ça, à améliorer et réussir les combinaisons, poursuit Nonu. Ça n'est peut-être pas parfait à tous les coups, il lui est arrivé de faire quelques bêtises, mais ce sont des challenges qu'il relève à chaque fois. C’est simplement un "world class", qui joue son meilleur rugby.»

A l’image de son drop face à l’Afrique du Sud en demi-finale, le 7e de sa carrière seulement, Carter se pose en chef d’orchestre des Blacks. Et tous ses coéquipiers en sont conscients. «Pour une équipe comme nous, c'est un truc énorme d'avoir un joueur comme lui sur des matchs au couteau», estime Victor Vito. L’ouvreur vedette fait passer son message, mais refuse de se mettre au-dessus des autres. «Quelques joueurs de l’équipe étaient déjà là en 2011. Alors évidemment, on fait profiter de l'expérience qu'on a pu acquérir» se contente d’expliquer Carter. Classe jusqu’au bout.

Nathan Gourdol (avec Laurent Depret)