
Mola : "Pas de loup ou de cadavre dans le placard"

Ugo Mola - AFP
Ugo Mola, entraîner le Stade Toulousain ressemble-t-il à ce que vous pensiez ?
Je ne m’étais pas trop mis dans la tête des schémas particuliers. On entraîne comme on est. Après, il faut s’adapter aux circonstances. On n’entraîne pas forcément des joueurs de Pro D2 comme des joueurs internationaux. Mais le rugby est suffisamment simple et basique par moment pour que le discours passe. L’idée que je me faisais d’entraîner le Stade Toulousain doit rester la même. Sachant que je suis bien aidé par tous les éléments accessoires et par l’arrivée de Fabien (Pelous, ndlr), conjointe à la mienne.
Est-ce une fierté pour vous d’entraîner cette équipe ?
Si je reste au quotidien en me disant « Wouah, j’ai vraiment de la chance d’être ici, d’avoir tel ou tel joueur, telle ou telle structure », ce serait contre-productif. Je me suis plongé dans le challenge comme je l’ai fait par le passé à Albi ou à Castres. Je me plonge tête baissé dedans et puis on fera les comptes le moment venu. J’ai plus l’impression que c’est l’idée que les gens se font de mon statut qui a changé, plutôt que le mien qui a changé.
Comment se passe votre relation avec Fabien Pelous ?
Avec Fabien, c’est assez simple. On a rapidement trouvé notre place. Il intervient peu auprès du secteur professionnel. En revanche, il est en soutien quand il peut en ressentir le besoin. On se connait suffisamment depuis très longtemps pour ne pas avoir à se consulter avant de parler ou de débriefer avec qui que ce soit. On est plutôt raccord sur l’état d’esprit et l’idée qu’on a du Stade Toulousain. Après la méthode, le fonctionnement, tout cela va se lisser au fil du temps.
Et avec le staff ?
Je récupère le staff de Guy (Novès, ndlr) à 95 %. Il y avait un gros travail à faire, avec le médical, avec les coaches. Il fallait déjà apprendre à se connaitre, être d’accord sur la philosophie du rugby qu’on voulait proposer. Il s’avère qu’au-delà de nos personnalités, on a la même idée du rugby. Maintenant, ça ne fait que 4-5 mois que l’on travaille ensemble. Un staff, ça se construit aussi dans le temps et on va passer des petites étapes importantes pour se connaitre et trouver notre organisation.
« Un bémol à me donner : je n’ai pas identifié l’importance de la Coupe d’Europe »
Guy Novès a laissé un véritable héritage au sein du club. N’est-ce pas trop gênant pour vous ?
Comment ne pas en laisser un quand on a marqué le rugby français, le rugby toulousain ? Il reste encore l’entraîneur, et j’ai bien peur qu’il le reste pendant un bon moment, le plus titré de notre championnat. Il y avait un héritage dans le fonctionnement, un héritage inconscient aussi dans la manière d’appréhender la compétition, l’entraînement, toutes les choses qui font la vie d’un club. L’héritage en championnat n’a pas été lourd. En revanche, je n’ai pas mesuré l’impact de Guy sur la période européenne où il avait la faculté à resserrer ses troupes. Si j’ai un bémol à me donner, c’est parce que je n’ai pas identifié à la juste mesure l’importance de la Coupe d’Europe, qui a été galvaudée par les événements et les équipes qu’on a été amené à jouer.
Votre intronisation auprès du staff n’a pas été trop compliquée ?
J’ai eu la chance que Guy me présente son staff et me dise le fond de sa pensée devant eux. Il n’y avait pas de loup ou de cadavre dans le placard. Maintenant, il faut changer les choses, les habitudes, les comportements. Parce que forcément, je ne fonctionnerai pas comme lui. Pas parce que je veux m’inscrire en faux, mais parce que je suis différent de Guy, même si j’aimerais avoir son parcours. Il y a des secteurs sur lesquels on a beaucoup plus calibré les choses que ce que pouvait faire Guy. Ce n’est pas de la langue de bois. Même dans notre fonctionnement, William (Servat, ndlr) et Jean-Baptiste (Elissalde, ndlr) ont encore des réflexes de l’ère Guy. Il faut aussi qu’ils apprennent à changer avec moi. Cela se fera naturellement avec le temps, si on a le temps d’avancer sereinement.
« Cultivons notre différence »
Quelles sont vos ambitions avec le Stade Toulousain ?
L’ambition, ce n’est pas celle d’Ugo Mola mais celle du Stade Toulousain. Je dois me coller aux ambitions du club et être en mesure de gagner des titres. Il faudra un peu de chance bien évidemment mais être compétitif, c’est être régulièrement qualifié en Champions Cup et régulièrement qualifié en phases finales du Top 14.
Comment Toulouse peut-il rivaliser aujourd’hui avec des formations comme Toulon ou Clermont ?
En se mettant dans le sens opposé de ces équipes-là. Malheureusement, on n’a pas de mécène et le format de direction et de conception du club est complètement différent. Au contraire, cultivons notre différence et essayons de nous appuyer sur ce qui a fait la force du Stade Toulousain pendant des années. Même si la mode est à la course à l’armement et à un fonctionnement différent, il faut être capable par moments de courber peut-être un petit peu l’échine et croire en ses convictions. La nôtre, c’est la formation, ce qui ne nous empêchera pas d’aller chercher de très, très bons joueurs comme l’a toujours fait le Stade Toulousain. Honnêtement, je ne suis pas très inquiet pour le club pour les années à venir même si la concurrence, sur le plan financier, est parfois un petit peu frustrante pour l’entraîneur que je suis. Surtout quand je vois la capacité qu’ont certains clubs à se renforcer. A nous d’aguerrir nos jeunes et notre effectif afin de le rendre de plus en plus compact pour rivaliser avec ces grosses écuries.