RMC Sport

Philippe Auclair 21/09

Let the show begin!

L’un des visages les plus reconnaissables des salles de presse anglaises est celui du correspondant de la Gazzetta dello Sport, Giancarlo Gavalotti. Giancarlo est, dirons-nous, bien étoffé de sa personne; et chacun de ses traits est comme une ligne tracée par un caricaturiste essayant de dessiner l’Italie. Sa voix elle aussi est distinctive, capable d’énoncer les plus incroyables énormités avec un sérieux papal (et un accent à découper au couteau d’affineurs de jambons de Parme).

L’une de ses phrases préférées est: ‘this...is..not...football’.

C’est que Giancarlo vient du pays où le ballon est une science, et qu’il travaille dans un autre, où, fait-il semblant de croire, il est d’abord affaire d’instinct et de combat.

Dimanche après-midi, a Stamford Bridge, dans l’attente du coup d’envoi de Chelsea-Tottenham, nous regardions ensemble le 152ème derby de Manchester dans une salle comble.

‘This...is...not...football’ (mais dit avec le sourire, cette fois). Parce que ce n’était pas ‘du’ football, c’est vrai, mais ‘le’ football, dans ce qu’il a de plus viscéral, de plus prenant, de plus beau.

Aussi, aujourd’hui, au-delà de la controverse (où diable l’arbitre a-t-il été pêcher 2’30” de temps additionnel...dans le temps additionnel?), rendons hommage à tous ceux qui ont fait vibrer toute la planète foot par un de ces matchs que seule la Premier League peut offrir. Scénario parfait, acteurs en verve, des bons, des méchants, et un public...mon dieu, ce public! Du feu, de la lave – mais aucun débordement, n’était un imbécile qui a balancé une pièce de monnaie sur Garrido (visant sans doute le ‘traître’ Tevez), et qui, c’est probable, ne remettra pas les pieds à Old Trafford. Pas plus que l’autre andouille qui est allé faire du jogging sur le terrain à la fin du match, avant de se faire 1) plaquer par les stadiers sous les applaudissements du public et 2) allonger une gifle par Craig Bellamy.

Prenez-en de la graine, minables ultras qui croyez que menacer vos dirigeants et bousiller les voitures de vos joueurs est une façon de montrer votre amour du maillot. Vous le souillez. Alors, coucouche panier. Laissez le football à ceux qui l’aiment.

Je reviens au match. Si on m’avait qu’un jour, je me sentirais triste pour Craig Bellamy....et je le suis, ce soir. Le Gallois n’est pas un imbécile, loin de là. Mais il s’est parfois comporté comme s’il en était un (il l’a encore fait au coup de sifflet final, en donnant une gifle au supporter de MU dont je parlais plus haut, celui qui avait eu la mauvaise idée d’envahir – à lui seul – la pelouse d’Old Trafford). Mais en ce dimanche inondé de soleil, il a d’abord rappellé qu’il était un de ces footballeurs qui vous font vous lever de votre siège. Comme le grandissime Rooney dans le coin rouge, Rooney qui ferait un si beau Ballon d’Or, vous ne trouvez pas? Rooney qui ne ‘choisit’ pas ses matchs, Rooney dont la tronche de vaurien lui interdit de poser pour CK or Versace, Rooney le génie humble, aristocrate et prolétaire. Rooney, dont Florentino Perez n’a jamais prononcé le nom (Fred, je suis incapable de résister...). Rooney, que j’espère voir marquer le but de la victoire pour l’Angleterre l’été prochain. (Ce n’est pas de l’amour, c’est de la rage!)

On le dit un peu...’limité’. Quel contresens. S’il explose cette saison, c’est qu’il a su se mettre à l’écoute de deux maîtres, Ferguson et Capello, qui savent qu’ils ont un surdoué pour élève. Rappellez-vous d’où il vient. Un quartier pourri, une famille...bref. Je le vois sourire sur un terrain (et son sourire est magnifique, si franc), et je sais que ce footballeur, comme tous les grands, les vrais, a en lui quelque chose qu’un Cristiano Ronaldo doit encore apprendre: la générosité, le don de soi. Rooney est né avec – et avec le talent pour l’exprimer sur un rectangle vert, où il peut faire des cadeaux à des milliers, des millions d’inconnus. Comme Garrincha, Best, Maradona. Il est de cette race, ne vous meprenez pas.

Mais l’hommage ne doit pas s’arrêter à un individu, aussi exceptionnel soit-il. Chapeau à Mark Hughes qui est en train de façonner une vraie équipe, et pas seulement en allongeant les chèques (pas de mauvais jeux de mots, please). Chapeau à Shay Given. Chapeau à Darren Fletcher...tiens, quand se rendra-t-on enfin compte que ce type est un tout bon, le seul footballeur écossais d’aujourd’hui à soutenir la comparaison avec ceux d’il n’y a pas si longtemps? Chapeau à Ryan Giggs, encore capable de moments de grâce absolue à 73 ans, ou quelque chose comme ça.

Chapeau à ce football anglais qui n’a pas seulement ébloui à Old Trafford, mais aussi à Upton Park (oh – un aparté; je me suis fait botter en touche pour avoir critiqué le ‘point aveugle’ que Benitez avait pour Yossi Benayoun; chers internautes, vérifiez vos stats. L’Israélien a joué tous les matchs des reds, c’est vrai, mais deux fois comme remplaçant entré après l’heure de jeu. C’est ça, un titulaire? Heureusement, Rafa semble avoir compris qu’il était un début de solution. Et viva Torres! Carragher, par contre...réveilles-toi vite, Jamie!). Et à Turf Moor, où Burnley (budget: inexistant), entraîné par l’admirable Owen Coyle, a encore fait triompher une certaine idée du football, d’où la peur est exclue. Ajoutez à ça la confirmation de la classe de Thomas Vermaelen, qui fera énormément de bien à Arsenal, une autre démonstration inouïe de puissance et d’intelligence de Drogba au Bridge, le réveil de Gaby Agbonlahor, celui, encore plus spectaculaire, de Louis Saha avec Everton...sans parler d’un championnat de D2 palpitant (QPR qui tape Cardiff 2-0 au Pays de Galles, West Brom qui dynamite Boro 5-0 à l’extérieur, qui l’eût cru?). Des stades pleins, des buts comme s’il en pleuvait, et des beaux (36 le week-end dernier, 34 celui-ci), du soleil, pas d’incidents. Ah, le joli mois de septembre...