RMC Sport

Philippe Auclair 16/11

Vraiment? Vous voulez vraiment revenir sur Irlande-France? Depuis l’annonce du barrage que vous savez, j’ai mené une double vie au micro. Les rendez-vous avec RMC se sont multipliés, et pour (bonne) cause: 10 des 11 titulaires de Trapattoni jouent en Angleterre, la seule exception étant Aiden McGeady, l’ailier du Celtic qui, d’ailleurs, est écossais aux trois quarts. Mais mes amis de NewsTalk (Dublin) n’ont pas été avares d’appels non plus. Une situation intéressante, quand il s’agit de faire le parallèle entre les perceptions irlandaise et francaise de ce qui s’est passé à Croke Park et l’anticipation de ce qui se passera au Stade de France. Résumons.

Avant le match, les Irlandais (population de l’Eire: 4,6m d’habitants) avaient une trouille monstre de se prendre une raclée historique. Les Français, épouvantés par un spectre nommé Domenech (ce qui se comprend), s’imaginaient que Dublin, ce serait Aboukir ou Sedan. Au final, qu’avons-nous vu? (Et mon point de vue, de ce côté, est d’une neutralité absolue: au risque d’en choquer certains, le football de sélections me laisse froid) Un match dans lequel une équipe aux moyens techniques largement supérieurs s’est imposée logiquement, mais avec un coup de pouce de la chance (St Leger déviant la frappe d’un excellent Anelka), et sans convaincre totalement, tandis que ses adversaires n’étaient pas parvenus à transformer la rencontre en un combat de rue. Ce qui, entre nous soit dit, n’avait jamais été son plan: l’Irlande ne ‘casse’ pas ses rivaux. Elle les entourloupe autrement. Elle est fine, rusée, déterminée, à l’image du formidable Kevin Doyle.

Le lendemain, que lit-on, qu’entend-on? En Irlande, on est plutôt fier de ses fils, tout en reconnaissant la supériorité des Français – que personne n’avait jamais mise en doute. L’honneur est sauf. On est soulagé. On y croit encore, mais en se signant comme à Lourdes. Un miracle est toujours possible, non? En France, par contre...je n’y comprends rien. Ceux qui doutaient s’y voient déjà. Soudain, ces Irlandais ne valent plus rien. Comme Israël en 1993. Chypre en 1988. On se projette sur l’Afrique du Sud. On oublie que, n’était un Lloris exceptionnel, les deux équipes se seraient données rendez-vous à Saint-Denis avec un score de 1-1 à la mi-temps. D’un excès à l’autre. Les Irlandais de mercredi seront tout aussi remontés qu’ils l’étaient samedi, et ils auront des dizaines de milliers de supporters pour les pousser, à la différence du soutien minable pour les Bleus à Dublin. Bravo à ceux qui ont fait le déplacement. Mais 6000 billets revendus sur 7000 offerts à la FFF? La France aime le foot le cul dans son fauteuil. C’est plus confortable pour râler. Il y a davantage de supporters de Derby County qui se remuent la carcasse pour suivre leur club en Championship. C’est pourtant gentil, Dublin.

Pendant ce temps, 10 000 Anglais avaient pris l’avion pour Doha, pour voir leur équipe ‘B’ jouer un match amical contre le Brésil. Dans lequel Rooney et compagnie n’ont pas vraiment donné la prestation de futurs champions du monde. Serait-ce partie du plan de Capello? L’Angleterre a désormais affronté les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, le Brésil et l’Espagne en amical, pour ne remporter qu’un seul match, contre la Mannschaft, mais jamais avec son meilleur onze. Le maestro s’en tape. La qualification en poche, pour lui, ces rencontres ne sont que des essais de laboratoire. Cette souris-ci? A la poubelle. Celle-la? merci. Darren Bent? Non. Jermaine Jenas? Non. James Milner? Of course.

Capello l'impitoyable connait son onze, ses seize. Il veut connaitre ses vingt-trois. L’efficacité avant tout. Voilà pourquoi Milner, qui peut jouer à tous les postes sauf celui de gardien, sera dans l’avion pour l’Afrique du Sud. Un rêve, ce Milner. Il ne râle jamais. Il centre des deux pieds. Il est malin, et bagarreur. Les journaux anglais du dimanche étaient pleins de commentaires de pleureuses sur l’infériorité technique ‘patente’ des Anglais; ok. Mais par rapport à qui? A Lucas, resté sur le banc d’une équipe brésilienne à laquelle ne manquait que Robinho? Certes pas. Du XI de Doha, seuls 2 joueurs figureront dans celui que Capello alignera d’emblée en Afrique du Sud: Barry et Rooney (Milner sera sur le banc). Comparez:

James

G. Johnson – Terry – Ferdinand – Cole

Lampard – Barry

Walcott/Lennon – Gerrard

Rooney

Heskey

Et:

Foster

Brown – Upson – Lescott – Bridge

Barry – Jenas

Wright-Phillips – Milner

Rooney

Bent

Et maintenant, faites la même opération pour quelque ‘grande’ équipe que ce soit. Et demandez-vous si la roue de secours de votre ‘grande’ équipe aurait fait mieux que 0-1 face au Brésil au (presque) grand complet. Matière à réflexion, non?