
Philippe Auclair 07/12

Petite mise en bouche en deux chiffres
Et le premier est trois. Trois comme le nombre de clubs londoniens dans les quatre premiers du classement. Inhabituel, à tout le moins. Le second, quatre, comme le nombre de penalties manqués, ou plutôt sauvés ce week-end. Les coupables: Cesc Fábregas, Frank Lampard et Jermain Defoe, plus Aruna Dindane. Les héros: Thomas Sorensen, Shay Given, Tim Howard, ‘The Beast’ Jensen. Ce qui me fait songer: le niveau des ‘keepers en Premier League est selon moi le plus relevé du monde; mais combien d’Anglais parmi eux? Cinq: Hart, Robinson, Kirkland, Green et James. Ben Foster, le plus doué, est remplaçant du remplaçant à Manchester United. A aucun autre poste n’observe-t-on un tel déséquilibre. Même si on a tendance à exagérer la ‘tradition’ des ‘grands’ gardiens anglais (qui ont toujours été moins nombreux qu’on le dit), c’est inquiétant. Larvatus prodeo...
‘J’avance masqué’. Le mot de Descartes pourrait s’appliquer à Ferguson cette saison, même si le ‘discours de la méthode’ d’Alex est exprimé dans un vocabulaire plus robuste que celui du grand René. United s’est replacé dans le sillage de Chelsea comme si de rien n’était, sans faires de vagues. Toute l’Angleterre avait les yeux rivés sur le City of Manchester Stadium. Les grands titres étaient pour ‘King Carlos’ Tevez, dont le coup franc avait bluffé Petr Cech. United, de son côté, avait passé West Ham à la casserole. Normal! Les Hammers n’ont plus un penny, encaissent des buts comme s’il en grêlait (30 en 15 matchs, voilà qui fait désordre dans le club de Bobby Moore), MU s’est baladé – normal, donc.
Sauf que ce United si dominateur a fini son match avec le back five suivant: Kuszczak – Fletcher, Carrick, Brown, Giggs (Évra était monté d’un cran). Vous avez bien lu. Si Arsenal est en train d’établir de nouveaux records en termes de blessures (après le 2-0 contre Stoke, 40 depuis le mois d’août, dont énormément d’accidents musculaires qui doivent faire poser des questions sur le suivi médical et la préparation physique des Gunners), United leur file le train dans ce domaine. Van der Sar, Neville, Fabio, O’Shea, Evans, Ferdinand (le reverra-t-on un jour?), Hargreaves, Vidic...et maintenant Brown. Blessés, grippés, tous. Seul Évra tient encore debout. Dieu sait quelle défense Ferguson pourra aligner demain contre Wolfsbourg, alors que la 1ère place du Groupe B est en jeu...Mais nous n’en sommes pas là. United, clopin-clopant ou pas, a chahuté les Hammers dans une 2ème période quasi-parfaite dans la maîtrise du jeu. La défense des Irons a été disséquée par un scalpel une nouvelle fois manié par des Nobels du ballon nommés Giggs et Scholes. Rooney a marqué son 11ème but en championnat – un rythme à la Cristiano Ronaldo – à la suite d’un mouvement offensif admirable de simplicité, d’élégance et de précision. Darron Gibson s’est encore fendu d’une frappe énorme – sa 3ème en 2 matchs, après le doublé contre Tottenham en Carling Cup; heureusement qu’il était resté sur le banc contre les Bleus, le bougre. Chapeau. Combien d’équipes auraient su gérer une telle hécatombe dans un même secteur de leur effectif? Imaginez Chelsea finissant une rencontre avec Hilario – Essien, Ballack, Hutchinson, Malouda. Arsenal avec Manonne – Eboué, Song, Silvestre, Diaby. Liverpool avec...avec qui? Auraient-ils tenu, et, mieux, donné une leçon de football comme United le fit? Je ne le crois pas.
Or Chelsea doit encore aller à Old Trafford (le 5 avril), tout comme Liverpool et Tottenham. Et si aucune équipe anglaise n’a jamais remporté 4 titres de champion consécutifs, je ne parierai pas que cette statistique tînt éternellement. Je ne parierai pas sur grand-chose d’ailleurs. Il est rarissime que les deux équipes les mieux placées à ce stade de la saison aient déjà concédé trois défaites chacune; Arsenal, soit dit en passant, n’en a subi qu’une de plus. Nous vivons une saison d’incertitudes, où les questions sont plus nombreuses que les réponses, et où chaque phrase peut être suivie d’un ‘mais...’. Manchester City n’est pas devenu un ogre parce que Shay Given a sorti le grand jeu sur un pénalty tardif de Frank Lampard; mais ils ont tout de même mangé Chelsea; mais la défense des Blues était à la rue; mais elle tient bien mieux le choc à la maison: 1 but encaissé en 7 matchs; mais...mais...mais...nous pourrions continuer longtemps ainsi. Jusqu’au 9 mai(s)! Que doit faire Louis Saha pour que la France se souvienne de lui?
C’est tellement, tellement frustrant. 9 buts en 14 matchs de championnat pour Everton, 11 en 18 toutes compétitions confondues, et ce alors qu’il s’est si souvent levé du banc, ou l’a rejoint à l’heure de jeu. Croyez-le ou pas, de tous les attaquants des grands championnats européens, aucun n’a un ratio buts/temps de jeu supérieur à celui de ‘Ti-Louis. Qui a été à quelques centimètres de nous offrir le ciseau retourné de la saison, en plus. Certes, il a 31 ans, et ne peut enchaîner 90 minutes tous les trois-quatre jours. Mais la France pourrait-elle rêver d’un meilleur joker? David Moyes sait combien il doit à son Français, ce qui joue d’ailleurs contre lui parfois: Saha est si précieux à Everton que son manager le sur-protège parfois. Un coup de coeur pour finir
...et pour un débutant: Sèamus Coleman qui, comme son prénom l’indique, vient d’Irlande, du comté de Donegal pour être précis. 21 ans, international espoirs, et, pour son début en Premiership pour Everton, un trophée – mérité – de ‘man of the match’, et ce, alors qu’il était entré en cours de jeu après que Joseph Yobo se fut blessé. Des arrières droits comme celui-là, on en redemande: vif, malin, sans cesse aspiré vers l’avant, et avec une qualité de dribble qui n’avait rien à envier à celle d’Aaron Lennon dimanche soir. Retenez son nom. Bien d’autres choses à dire, évidemment (la ‘success story’ de Birmingham City, par exemple), mais ce sera pour le micro. A tout de suite!
Philippe