
Philippe Auclair 05 octobre

Berbatov, enfin...? Vous aurez remarqué le point d’interrogation. C’est que ce bougre de Dimitar, si vous excusez ce jeu de mots pour étymologues, demeure un mystère enveloppé dans une énigme. Il glisse plus qu’il ne court. Il tripote le cuir comme un chaton pousse une boule de laine. Quand il est maître de son art, comme contre Wolfsburg mardi dernier, il tire des ah! d’admiration des connaisseurs les plus difficiles. Mais il peut aussi exaspérer les plus indulgents des supporters de Manchester United. Trop souvent, on l’a vu disparaître sur le terrain, un fantôme élégant mais d’allure paresseuse, une sorte de...Juan Sebastian Veron, peut-être? Vous devez vous souvenir: Veron, la fausse ‘solution’ que Sir Alex croyait avoir trouvé à ses problèmes en Europe. Mais c’est peut-être se montrer injuste vis-à-vis de ‘Berba’, dont les statistiques pour 2008-09 n’avaient rien de honteux. C’est qu’on attend tant de lui, surtout maintenant que l’absence de Cristiano Ronaldo devrait pousser ses anciens coéquipiers à revendiquer le manteau de patron. Mais ce mot de ‘patron’ sied mal au Bulgare. Il ne prend pas les matchs par la peau du coup comme un Rooney – ou un Giggs. Il est discret de la voix comme du geste...à moins qu’on ne parle de geste technique, évidemment. Ce retourné contre Sunderland – quelle classe! Samedi, il fut encore le meilleur de Mancuniens il est vrai méconnaissables, et qui ne méritaient peut-être pas de sauver les meubles face à un Sunderland en tous points remarquable, mené superbement par le tandem Reid-Malbranque, et avec un Darren Bent qui étonne de plus en plus. Sans l’exploit de Berbatov, MU serait-il revenu au score? Je ne le crois pas.
Portsmouth – au fou! Il y a des moments où l’on souhaiterait avoir tort. Franchement. Car Portsmouth, ses fans, son histoire, ne méritent pas ce qui leur arrive aujourd’hui. Voilà des mois que je le répète: Portsmouth est le jouet d’hommes qui ne devraient pas avoir le droit de s’approcher d’un club de football. Le pitoyable Sulaiman al-Fahim, pseudo-propriétaire d’un club qu’il n’a pas acheté, mais ramassé dans le ruisseau en espérant le fourguer à un autre, promet maintenant de ‘sauver’ le vieux Pompey en appellant le Saoudien Ali al-Faraj à la rescousse...le même al-Faraj à qui al-Fahim avait barré la route en août dernier! Insensé – comme tout le règne des Gaydamak – comme la ‘politique’ de recrutement de Harry Redknapp, qui a saigné le club à blanc – comme le rôle pour le moins trouble du super-agent Pini Zahavi et du directeur exécutif Peter Storrie...Tous ces personnages, motivés par l’appât du gain et lui seul, sont en voie d’assassiner Pompey. Je défends volontiers la Premier League contre les attaques des jaloux. Mais en cette occasion, elle est indéfendable, hélas.
Vive Anelka! Epatant Nico. Quelle joie de voir un joueur qui a si souvent donné à ses détracteurs le bois pour le brûler enfin exprimer tout son potentiel – même si les micros lui font toujours un peu peur. Contre un Liverpool il est vrai bien trop timide, Anelka a donné une nouvelle démonstration dans l’art de ‘mener la ligne’, comme disent les Anglais. Son but, en pleine extension, était bien plus difficile à conclure que la première impression pouvait le faire supposer. Depuis ma place au Bridge, je crus d’abord qu’il s’agissait d’un tap-in, qu’il n’avait plus qu’à pousser un ballon exceptionnel de Didier Drogba (eh oui, le duo fonctionne!). Oh que non. Le geste était magnifique. Le match tout entier de Nicolas Anelka avait été magnifique. Combatif, juste dans ses choix, sans cesse en mouvement, sobre, efficace: bravo, Nico. Tu n’as jamais été meilleur qu’aujourd’hui. Pour Rafa, ce sera dur: 3 défaites en 8 matchs, c’est sans doute déjà trop pour espérer mettre enfin un terme à la douloureuse attente des Scousers. 1990. Il y aura bientôt 20 ans. Un siècle.
Et vive Arsenal... Il y en aura toujours certains qui feront la fine bouche, et qui diront que cette défense des Gunners, vraiment...et ils n’auront pas tort. Pour ce qui est de la défense. Arsenal défend à quatre, et pas toujours très bien. Pour le reste, tant pis pour eux. Quiconque ne ressent pas de plaisir à voir jouer la plus inventive des équipes anglaises (et je dirais même européennes, quite à froisser quelques Catalans de passage) peut aller se faire cuire un oeuf, en ce qui me concerne. 24 buts en 7 matchs de championnat. 18 tirs cadrés ce dimanche. Et quels buts! Sir Cesc Fabregas, bravo: 4 passes décisives, un but, et un baiser sur le badge de son maillot qui n’avait rien de gratuit. Wenger, devenu la semaine passée le doyen d’Arsenal, a reçu le cadeau qu’il méritait. Il faudrait avoir le coeur bien sec pour ne pas espérer qu’au terme de cette saison, la date ‘2009’ soit peinte sur le pourtour de l’Emirates, le symbole d’un trophée pour compagnon. Contre Blackburn, qui a d’ailleurs montré de très belles choses (que de regrets on peut avoir pour la carrière de David Dunn!), Arsenal a frôlé le sublime. Le foot, c’est aussi ça, messieurs les cyniques. Des joueurs qui sourient, qui s’amusent comme des gamins. Titi Henry, sa fille Téa sur ses genoux, était là pour applaudir ses héritiers. Lui aussi souriait. Comme David Pleat, l’ancien entraîneur de Tottenham, aux côtés duquel je regardais le match. ‘On dira ce qu’on veut’, me confia-t-il, ‘mais aucune équipe en Angleterre ne crée autant qu’Arsenal dans les 30 derniers mètres. Quel régal (what a feast)!’
Des chiffres, pour finir