
La lecture au poker.

Antoine Vannini, consultant poker RMC. - -
La folle lecture de Stu Ungar.
Nous sommes au début des années 1990. Stu Ungar a défié le champion en titre des WSOP, dans un Heads-up à 50.000 $ pour se prouver à lui-même ainsi qu'au reste de la petite planète poker de l'époque qu'il est bien le génie illuminé de sa génération. Stu défie donc Mansour Matloubi, et nous offre une main légendaire en conclusion de son heads-up.
Stu relance 4 fois la blinde au bouton avec 9-Dix dépareillé, payé par Mansour. Le flop vient 337, et Ungar mise deux fois le pot après le check de son adversaire, qui paye.
Les montants sont amusants, mais nos joueurs ont une profondeur de 100 blindes effectives et rappelons que nous sommes bien avant le boom du poker des années 2000.
La turn est un roi, et les deux joueurs check. River dame, et Mansour ouvre à tapis en donk-over-bet. Stu Ungar ne réflechit que quelques secondes avant de payer, claquant sa main sur la table en annonçant "You've either got 4-5 or 5-6, I call." Mansour ne peut montrer que 45o pour un « soul read » exceptionnel qui écrit un peu plus la légende Stu Ungar.
Ce n'est pas le scénario du dernier "James Bond" ou du prochain "Rounders", juste la lecture d'un joueur qui dispose d'un talent à la hauteur de sa confiance en soi. C'est précisément pour ce genre d'instant « paillettes » qu'on joue, quand on est « in the zone », expression chère à Daniel Negreanu, et que notre connaissance des paramètres et du "flow" de la partie nous permet des lectures affutées.
La lecture en général.
Nous parlons ici de l'idée de déduire la valeur de la main de nos adversaires, à partir des différentes informations que nous récoltons à la table.
Il faut déjà faire attention à bien réfléchir en éventail de mains, et ré-évaluer constamment selon la texture du tableau et la ligne adoptée par l'adversaire.
Typiquement, un joueur très serré passif sera évidemment un bonheur à lire dès lors qu'il relance. A l'inverse, un joueur large agressif brouillera les pistes en jouant ses bluffs et ses valorisations avec la même agressivité. Le profil du joueur est donc un premier élément. La texture du tableau et le « pattern » ou schéma de mise, de notre adversaire en est un deuxième.
Un joueur qui ne relance pas sur un tableau riche en tirage n'a visiblement pas besoin de valoriser sa main et de protéger son équité contre les tirages. L'inverse est valable, quand on fait face à une relance dans un spot « inbluffable ».
L'idée va être d'isoler des mains dans l'éventail adverse, et d'être capable de pondérer ces mains entre valorisation et bluff, pour décider de la raison qui pousse notre adversaire à miser, check ou payer.
Attention à ne pas non plus vous prendre pour des génies de la trempe de Stu et à faire des hero-call pour votre tapis avec 5e paire toutes les deux mains, c'est juste un élément de votre arsenal stratégique, pas une science exacte.