
RMC Sport Awards - F. Manaudou: "C’est un honneur"
Florent, le public a décidé de vous décerner le RMC Sport Award du champion français de l’année 2015. Quel est votre sentiment ?
C’est tout d’abord un honneur étant donné les sportifs qu’il y avait à côté de moi. On est dans une bonne phase du sport français. Il y avait des grands noms comme Teddy Riner, Martin Fourcade ou Tony Parker qui ont marqué le sport français et qui le marquent toujours, donc recevoir ce trophée fait très plaisir. Je pense que j’aurais voté pour Teddy car c’est un grand champion qui est au-dessus de tout le monde chaque année. Je sais que ce n’est pas simple de rester à très haut niveau, en plus il a eu quelques pépins physiques donc c’est beau ce qu’il a fait encore.
Comment expliquez-vous votre progression constante depuis plusieurs saisons, qui vous a permis de gagner trois titres aux championnats du monde cette année ?
J’ai beaucoup appris sur moi-même. En 2013, j’étais aussi favori mais j’avais beaucoup de vécu et d’expérience. Là, l’expérience a joué en ma faveur et le travail avec mon préparateur mental aussi. Parce que ce n’est pas simple d’aborder une grande finale en étant favori. L’âge, l’expérience, il y a plein de points où j’ai progressé et où je me connais beaucoup plus qu’avant. Je sais que quand on me pousse dans mes retranchements, j’arrive à performer. Je pense vraiment que mon travail mental a joué dans beaucoup de choses. Toute la préparation en chambre d’appel et me concentrer sur moi-même m’ont permis de faire mon meilleur temps dans une grande finale.
Votre principal objectif pour 2016 est-il de conserver votre titre olympique sur 50m ?
C’est vrai que ce n’est pas simple, ce n’est pas une partie de plaisir même si je suis le favori. Cela ne va pas être facile. Un mec comme Phelps a su conserver son titre. Mais la natation est de plus en plus professionnelle et les gens qui gagnent le font de plus en plus vite et il y a de moins en moins de doublés ou de triplés. Même s’il y a eu des extra-terrestres comme Phelps, le doublé 50m-100m n’a pas été fait depuis 1996 (Alexander Popov, ndlr). C’est de plus en plus professionnel et compliqué de gagner un titre avec quatre ans d’intervalle.
« Si je peux faire le doublé, je le ferai »
Avez-vous pour ambition de marquer l’histoire de la natation ?
Je m’en fous un peu parce que ce que pensent les gens cela me passe par-dessus la tête. Je n’y pense pas trop parce que ce n’est pas mon objectif de marquer les gens. Si je le fais, je sais que je marquerais un petit peu mon sport car c’est quelque chose qui ne s’est jamais fait. Mon objectif est personnel et j’ai envie de gagner pour moi et pas pour faire plaisir ou marquer qui que ce soit.
Allez-vous tenter le doublé 50m et 100m aux Jeux Olympiques de Rio ?
Je vais pouvoir me concentrer sur 50m-100m pendant au moins un mois ou deux et voir ce que cela donne en compétition. Ensuite, je verrai aux championnats de France si je suis assez en forme pour m’aligner. Si je ne fais pas moins de 48’’13, je n’irai pas. Je le sentirai, parce que je me connais très bien. Ensuite si je me qualifie, j’essaierai de faire le doublé. Maintenant, je me satisferais quand même d’un titre sur 50m et d’une médaille sur 100m. Mais si je peux faire le doublé, je le ferai.
Avez-vous peur d’échouer si vous tentez ce double défi ?
Dans un sens oui, mais c’est la peur de ne pas arriver à faire mon 50m. Ce n’est pas la peur de ne pas réussir à faire mon 100m. Je n’ai plus cette peur-là depuis deux-trois ans car j’ai appris à le gérer un petit peu. Même si c’est un peu dur en fin de course, c’est mon style de nage qui fait que c’est dur. J’ai juste peur de me perdre sur ma distance de prédilection. Ce n’est pas un problème de 100m, cela reste un problème de 50m. Maintenant, cette peur est un peu partie car j’ai retrouvé de bonnes sensations et j’ai compris qu’en quelques semaines, quelques mois, je pouvais retrouver mon meilleur niveau sur 50m.
« J’espère m’arrêter au bon moment »
On a le sentiment que personne ne pourra vous forcer à faire le 100m si vous ne l’avez pas décidé…
Je fonctionne et j’ai toujours fonctionné comme ça dans le sport ou à l’école. Je pense que l’on n’a qu’une vie et qu’il ne faut pas forcément se forcer à faire quelque chose. J’ai une grosse loupe sur moi car j’ai un statut de chef de file de la natation et de personne publique. Forcément cela fait beaucoup de bruit. Je pense que l’on n’a qu’une vie et qu’il ne faut pas forcément se forcer à faire quelque chose. Si on n’a pas envie, il ne faut pas le faire. Quand je me retourne et que je vois ma carrière, je suis satisfait même si j’arrête demain. Cela ne me dérange pas de voir ce que disent les gens car personnellement j’ai accompli ce que je voulais accomplir étant gosse. C’est sûr que je parais un peu capricieux parce que je ne rentre pas dans le moule du sportif qui, même dans la difficulté, va aller jusqu’au bout et peut s’effondrer. Je suis plutôt du genre à m’arrêter en haut qu’à m’arrêter en bas en m’acharnant. J’espère m’arrêter au bon moment et je le ferai.
Vous êtes parfois catalogué comme un athlète feignant. Est-ce vrai ?
J’ai ce côté feignant, je l’avoue. Je l’ai beaucoup en dehors de la natation, c’est-à-dire que je n’aime pas marcher et rester debout. Tout ce qui est fatigant, cela va m’énerver. Mais je pense que c’est dû aussi à mon sport parce que j’ai besoin de "repos". Rester debout trois heures, faire les boutiques et rentrer à pied chez moi c’est quelque chose que je n’aime pas car je le sens le soir à l’entrainement. J’ai peut-être une forme d’intelligence car je ne suis pas tout le temps à cent pour cent. Mais je le suis pour les choses que j’estime importantes. J’ai un bon feeling avec tout ça et c’est une de mes forces. On me le dit souvent. Romain (Barnier) et même Fabien (Gilot) encore me l’ont dit hier. Je trouve ça très flatteur car je suis passé du fainéant au mec qui est intelligent d’être fainéant. C’est-à-dire que je bosse à des moments importants et dans ceux qui le sont moins, je vais moins en faire. Mais cela s’équilibre et je marche beaucoup au ressenti.