
Agnel sur Muffat : "Il faut que sa disparition devienne une force"
Yannick, comment vous sentez-vous ?
Ça va, ça va. Disons que ça va de mieux en mieux. Avec les événements récents, cela n’a pas été évident de mener à bien une préparation aux petits oignons. Mais je me sens vraiment de mieux en mieux dans l’eau. Ça continue dans la lancée de Marseille. C’est plutôt cool.
Vous ne vous êtes pas exprimé depuis la disparition de Camille Muffat. Comment avez-vous vécu cela ?
Comment j’ai vécu ça ? De manière très difficile. Je n’ai pas l’impression que ce soit encore terminé. Ces championnats… avec Camille qui veille un peu sur nous. Si je ne me suis pas exprimé, c’est qu’il y a une bonne raison et que je préfère faire ça de manière privée.
C’était quelqu’un d’important pour vous ?
Oui, plutôt. Quand on passe 8 heures par jour quotidiennement pendant 10 ans avec quelqu’un, ça crée quelques liens on va dire. C’était plus que quelqu’un d’important pour moi. C’est étrange de sentir qu’une partie de sa vie est en train de filer entre ses doigts. Parce que j’ai vécu des choses avec elle que je ne vivrai plus jamais avec personne en fait, dans le bon, comme dans le mauvais. J’essaie de ne pas trop revenir dessus, de ne pas être nostalgique. Même si c’est difficile, chaque chose en son temps. Et là, je dois préparer de bons championnats. Je préfère ne pas trop y penser.
Ce sera difficile de ne pas le faire, vu les nombreux hommages qui lui seront rendus lors de ces Championnats de France.
C’est difficile d’oublier aussi. Camille, c’était un personnage public, avec une belle notoriété. Ce n’est pas évident… C’est malheureux à dire mais ce n’est pas quelqu’un de « lambda » qui est parti. Tous les jours, il y a des hommages. Tous les jours, il y a des images. Il y a des gens qui sont là pour te le rappeler, il y a les journaux, les télés qui sont là pour te le rappeler. C’est le jeu mais c’est vrai que… la vie est injuste. C’est comme ça.
Comment vous avez géré votre préparation sachant que vous avez quand même un objectif : vous qualifier pour les championnats du monde.
Je vais essayer de faire au mieux. Je me suis remis à l’eau le plus tôt possible en essayant de gérer le truc. On va continuer sur la même préparation, en ajustant au maximum. On verra bien ce que ça va donner.
Avez-vous coupé un peu ?
J’ai essayé de ne pas couper justement. Je suis quelqu’un d’assez terre à terre en général et j’ai besoin d’être entouré de gens, de ne pas couper avec le monde extérieur. La notion de deuil, je le fais dans le privé mais c’est aussi bien de pouvoir continuer… Je ne dis pas que ça a été facile mais je me suis remis à l’eau le plus rapidement possible.
« Je ne vivrai plus jamais pareil »
Est-ce que pour vous aussi, penser à elle sera une force dans l’eau ?
J’aurais vraiment préféré ne pas avoir à le faire. J’aurais vraiment préféré ne pas avoir à dire tout ce genre de trucs, à vivre ça. Je suis très terre-à-terre. Tous les trucs un peu spirituels, ésotériques, ce n’est pas mon dada. C’est quelqu’un qui a toujours été très protecteur avec Charlotte (Bonnet) et moi. Si elle avait moyen de le faire là où elle est maintenant, je suis sûr qu’elle nous protégerait. Je vais essayer de me donner au maximum et de lui faire honneur.
De quoi avez-vous envie dans ces championnats ?
De me qualifier sur les courses sur lesquelles je suis engagé. Ce serait déjà bien. Après on verra. Je veux donner mon maximum, ne pas avoir de regrets.
Sa disparition aura-t-elle selon vous une influence sur ces championnats de France ?
Ça aura forcément une influence, vu la manière dont on a tous vécu ça. Je ne peux pas dire ce qui va se passer. Derrière le plot, je vais essayer de faire en sorte que ce soit une force. Il ne faut pas être triste parce qu’elle est partie. Il faut en garder une force, parce qu’elle a vécu, parce qu’on l’a connue. C’était quelqu’un d’extrêmement motivant, galvanisant. Pour avoir nagé avec elle deux fois par jour pendant quasiment une décennie, il y a énormément de choses qui vont me manquer, notamment en compétition. Il faut que ça devienne une force.
Qu’est-ce qui va vous manquer justement ?
Je n’en sais rien… des petits moments un peu personnels. On était souvent aligné sur les mêmes courses. On se croisait, on se câlinait. Comme pour valider le travail acquis, on se disait "c’est top". C’était le truc genre "on a réussi". Je n’ai jamais réussi à me faire une paire de lunettes. C’est Camille qui me les faisait et qui me les a faites pendant 10 ans. Je n’aurai plus jamais personne pour me faire mes lunettes. Il y a plein, plein de petites anecdotes qui font que je ne vivrai plus jamais pareil. Mais bon, il faut aller de l’avant.
Après votre départ de Nice, avez-vous continué à vous entretenir régulièrement avec Camille ?
On s’était un peu éloigné. C’était la vie, tout simplement. Vu que c’était très tendu avec Fabrice (Pellerin) et que Camille voulait aussi garder une certaine cohésion dans le groupe, je pense qu’elle a peut-être été un peu vexée par mon départ. Les quelques fois où on s’est recroisé, ça a été très bien. C’était comme des frères et sœurs qui se recroisent après une longue période d’absence. On n’était pas à se donner des nouvelles en permanence malheureusement. Ce n’est pas vraiment ce que je retiens.