
Jeux Paralympiques de Paris 2024: des athlètes français aidés par Airbus pour améliorer leur matériel
Après des jours d’imagination, de réflexion, de conception, les ingénieurs d'Airbus n'ont pas conçu une partie d'un avion mais bien... un fauteuil roulant. Celui de David Toupé, joueur de para-badminton paraplégique.
"Là, les roues sont parfaitement positionnées. Chaque athlète a des réglages particuliers et si les roues sont plus devant ou plus derrière, ça conditionne mon déplacement, montre-t-il. Pouvoir bouger cela, ce n’est pas donné à tous les fauteuils. Les mains courantes et le grip sont aussi très importants. Dans mon sport on accélère sur trois mètres, on s’arrête, puis on repart. Et pour moi qui n’ai pas d’abdos, pouvoir arrêter le fauteuil sans être déséquilibré et pouvoir repartir demande des compétences physiques, mais aussi un matériel parfaitement réglé. Je gagne en puissance."
Dix-neuf projets au départ
Ce projet fait partie des dix-neuf idées sélectionnées (sur cinquante-cinq proposées) dans le cadre du partenariat entre Airbus et l'Agence Nationale du Sport. Cette collaboration, officialisée mi-mars, dure en réalité depuis mai 2022. Les sportifs "médaillables" ont été choisis en priorité. Ces para-athlètes travaillent avec des ingénieurs du constructeur aéronautique basé à Blagnac pour optimiser le "développement et l’innovation de matériel permettant d'améliorer les performances".
Elur Alberdi (para-aviron) veut par exemple faire évoluer son orthèse après une triple-fracture ouverte au poignet, tandis que le para-triathlète Alexis Hanquinquant se penche sur sa prothèse de jambe. "On regarde deux axes d’amélioration principaux. On ne se limite à rien, aujourd’hui tout est poussé, explique le triple champion du monde et champion paralympique à Tokyo, sans trop en dévoiler. Ce sont des gains qui peuvent paraître marginaux mais gagner dix ou quinze secondes ce n’est pas marginal du tout. Airbus a un côté novice dans la pratique, ce qui offre un regard différent et des solutions parfois plus rapides celles auxquelles j’aurais pu penser."
La question des règlements
Jusqu’ici, Hanquinquant travaillait principalement avec son propre prothésiste. Cyrille Mazure, en charge du para-triathlon à la Fédération, développe : "Cela peut se traduire par des gains de puissance à vélo. On regarde des aspects aérodynamiques, mécaniques, de poids de matériel, de maniabilité. On veut améliorer des choses qui fonctionnent bien, faites jusqu’ici de manière artisanale. On est amené à modifier des pièces, revoir leur géométrie."
Une des interrogations principales concerne la temporalité : "On doit être sûr que les évolutions que l’on propose sont légales, pour que si on les dévoile au dernier moment, on ne se fasse pas retoquer, explique Mazure, qui épluche les règlements. Mais on ne veut pas non plus dévoiler nos projets trop tôt pour que la concurrence ne puisse pas profiter des avancés qu’on imagine." Il faut donc être bon dans ce calcul pour coiffer la concurrence mondiale lors des Jeux Paralympiques à Paris en 2024.
David Toupé, le premier
Ce qui rassure, c’est que la collaboration a déjà fait ses preuves puisque David Toupé, avec son fauteuil, est un pionnier. Il s’était tourné de lui-même vers Airbus dès 2017 pour améliorer son équipement, prêt pour les Jeux de Tokyo.
"A l’époque je les avais sollicités pour du sponsoring, se souvient-il. Puis on m’a mis en contact avec le Protospace (où sont développés les projets) qui pouvait améliorer le fauteuil. J’avais besoin de savoir quelle était la meilleure position pour moi. Car les fauteuils, habituellement, sont soudés et permettent peu de réglages. Des ingénieurs se sont penchés dessus et m’ont amené une seule pièce, qui a montré que j’étais plus rapide. Puis on a cherché à faire d’autre réglages jusqu’à l’idée folle de partir sur la conception d’un fauteuil entier. En quatre ans, ils ont réussi à faire un fauteuil tout réglable, qui évolue encore aujourd’hui. Je peux le désosser et le reconstruire avec les réglages de mon choix."
Le para-escrimeur Maxime Valet avait aussi été aidé de manière bénévole. "Il y a très peu de fournisseurs à l’internationale et nous avons beaucoup besoin d’individualiser. Nous voulons donner tous les avantages compétitifs aux athlètes, justifie Arnaud Litou, manager de la Performance Paralympique à l’ANS. Dans beaucoup de disciplines, les écarts sont de l’ordre du dixième ou du millième de secondes et nous ne voulons pas avoir de regrets. En 2024, il faudra se dire qu’on a fait plus que les autres, mieux que les autres et ça donne de la confiance."
Des matériaux des Airbus A350
En plus de ses connaissances, le personnel d'Airbus partage certains moyens techniques comme la soufflerie. Et ses matériaux : des chutes de production des Airbus A350 peuvent par exemple être utilisée pour des prothèses. Les athlètes sont en contact réguliers avec les équipes concernées et les rencontrent parfois pour faire des tests et voir les avancements. Chez Airbus, c’est Christophe Debard, en charge du Protospace, lui-même amputé d’une jambe, qui chapeaute le tout.
"On utilise les mêmes compétences et les mêmes moyens à des échelles différentes, détaille-t-il. Il y a des gens qui font de la structure, du calcul, de l’aérodynamique, des domaines que l’on utilise déjà pour les avions. C’est hyper engageant et motivant pour ceux qui travaillent dessus." Les projets sont juste plus concrets pour le personnel. Avec l’ambition, pour Christophe Debard, plus tard, de faire "profiter de ces améliorations à tous, même ceux qui ne sont pas de grands athlètes".