
Jeux olympiques de la jeunesse: Lausanne 2020, de la Suisse dans les idées
Si le Comité international olympique voulait oublier l’affaire russe et les histoires de corruption autour de l’attribution des JO, ces Jeux olympiques de la Jeunesse ont été un parfait bol d’air pour se changer les idées. Thomas Bach commence à ralentir le pas et à courber le dos, mais le président du CIO n’a pas lâché son sourire pendant ces deux semaines de compétition. Les réunions matinales au bord du Lac Léman n’ont jamais duré bien longtemps. La colonne problèmes de son agenda était aussi dégagée sur la vue sur les Alpes Vaudoises. En Suisse romande, on entend souvent l’expression "ça joue ou bien?". Lausanne a joué, bien, et ses habitants ont croqué dans cet événement d’ampleur autour des 2000 athlètes, huit sites de compétition répartis entre la Suisse et la France.
L’équipe de France a récolté douze médailles dont deux titres pour Auguste Aulnette (combiné) et le duo Jeanne Richard/Mathieu Garcia (relais mixte simple biathlon). C’est mieux qu’à Lillehammer il y a quatre ans (sept médailles dont deux titres) et même en enlevant les breloques des nouvelles disciplines comme le ski alpinisme (une en argent, deux en bronze).
"Je retiens l’état d’esprit. Nos athlètes ont été généreux, motivés et décidés même quand la médaille n’était plus possible. On a eu 61 ambassadeurs de rêve", constate la cheffe de mission Ophélie David, auprès de RMC Sport. La multiple championne du monde de ski cross a conseillé les jeunes tout au long de la quinzaine. Elle débarquait skis au pied au bord des pistes pour les porter dans l’effort ou être l’épaule sur laquelle se reposer après une manche ou une déception.
Les athlètes ont adoré
Le biathlète Mathieu Garcia a marqué les esprits avec sa rage de vaincre. L’élève de Première s’est arraché pour obtenir le bronze sur l’individuelle allant même jusqu’à se vomir dessus dans les derniers mètres. Mais sans jamais céder un pouce. Il finit sa semaine avec trois médailles dont un titre.
Dans un autre style, la grimpeuse rieuse de Chamonix Margot Ravinel, trois médailles en ski alpinisme, a apporté sa fraîcheur. L’élève ingénieure à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon se prépare elle-même ses gâteaux pour la récupération puis vous parle couture. Une drôle d’athlète. Son sport, l’épreuve sprint particulièrement, a marqué les esprits. Peut-être entrera-t-elle aux JO 2026 prévus à Milan et Cortina. L’Italie possède une vraie science de ce mélange de grimpe et de descente et pourrait vouloir intégrer ce nouveau sport qui mérite tout de même une réalisation à la hauteur. Ces JO italiens seront le rendez-vous des athlètes les plus précoces de ces JOJ, hormis les extra-terrestres du freestyle comme Kelly Sildaru ou les Japonais du snowboard.
Pensés "par des jeunes, pour des jeunes", selon le mantra répété, ces Jeux olympiques de la Jeunesse ont plu aux principaux intéressés. En particulier le village olympique en forme de tourbillon, le Vortex : "C’était magique, il y avait plein d’activités à l’intérieur", retient Margaux Herpin, médaillée d’argent en snowboardcross. "C’était très convivial", pour Enzo Milesi, sauteur à skis.
Train à crémaillère
Pour cette première expérience "olympique" pour nombre d’engagés, pas beaucoup de fausses notes: la nourriture, les horaires ou les transports. C’est ce point qui a cristallisé le plus de questions. Lausanne 2020 a fait le pari de Jeux avec une empreinte carbone réduite. Pas d’hôtel athlète au pied des pistes. Tout le monde au village. Les amoureux des trains à crémaillère suisses se sont régalés. Le réseau de chemin de fer helvète est l’un des plus performants du monde. Thomas Bach a loué cette efficacité lorsqu’il s’est enquillé cinq heures de train de Lausanne à Saint-Moritz (lieu des épreuves de luge) avec des temps de correspondance réduits.
Départs aux aurores et retour tardifs, pas facile pour les jeunes athlètes qui devaient parfois s’enquiller deux heures entre le village olympique et leur site de compétition : "Il y avait un temps de transport conséquent sur ces JOJ note Ophélie David. C’était un challenge pour nous les accompagnateurs. C’était enrichissant car les grands événements seront de plus en plus éclatés à mon avis. On va se retrouver à devoir se déplacer vers les sites et en collectif". Les Bleus partaient avec leur petit-déjeuner sous le bras et revenaient suivis par un kiné et armés d’une machine de récupération pour optimiser ces temps sur les banquettes de train ou de car.
Ces JOJ verts vont sûrement faire réfléchir pour l’avenir des JO des grands: "Lausanne 2020 est un vrai modèle à suivre", a lancé Christophe Dubi le directeur des JO. Le public a suivi ce mouvement vert et cela n’a eu aucune conséquence sur l’affluence. Le site français des Tuffes a drainé 4.000 spectateurs un samedi de biathlon et 2.000 supplémentaires le week-end du combiné et du saut à skis. 8.000 personnes ont rempli la patinoire de Lausanne les soirs de hockey sur glace. En semaine, les écoles (80.000 enfants pendant les JOJ) débarquaient en masse au bord des pistes.
Un membre du comité d’organisation nous a avoué qu’il ne s’attendait pas à un tel succès populaire. Avant la cérémonie d’ouverture, l’ambiance était même au pessimisme. Mais "il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des anneaux", résume-t-il. D’où l’impression que plusieurs domaines comme la restauration étaient un soupçon trop modestes face à l’affluence. Les Suisses sont fondus de sport d’hiver et, après l’échec de la candidature de Sion pour les JO 2026, les Helvètes voulaient montrer qu’ils avaient les épaules pour ce genre de grosse organisation. Pari réussi. Se lanceront-ils dans une nouvelle aventure olympique en impliquant plusieurs territoires? Lausanne 2020 a donné de la Suisse dans les idées.