
Haltérophilie: dopage couvert et corruption à la Fédération internationale

Tamas Ajan - AFP
La Fédération internationale d'haltérophilie (IWF), sous la houlette de son président historique Tamas Ajan, a couvert pendant des années des pratiques de dopage et mis en place "une culture de corruption", affirme la chaîne de télévision allemande ARD dans une enquête diffusée dimanche.
L'IWF est "particulièrement préoccupée par ces révélations concernant un possible dopage systématique de jeunes athlètes", a réagi la Fédération internationale, dans un communiqué transmis à l'AFP, assurant qu'elle allait "enquêter le plus rapidement possible sur les problèmes soulevés dans l'émission".
De l'argent pour les contrôleurs
Jusqu'en 2017, des haltérophiles de haut niveau n'ont pas été contrôlés régulièrement, et certains contrôleurs antidopage se sont vu offrir de l'argent pour manipuler des échantillons, affirme le journaliste d'ARD Hajo Seppelt, l'homme qui a dévoilé le scandale du dopage généralisé en Russie.
Sur 453 médaillés des Jeux olympiques ou des championnats du monde entre 2008 et 2017, 204 n'avaient jamais subi de tests antidopage hors compétition dans l'année de leur médaille.
Echantillons manipulés
Dorin Balmus, médecin de la Fédération moldave, a expliqué devant une caméra cachée comment les échantillons d'urine étaient manipulés, et parfois simplement fournis par une autre personne que l'athlète contrôlé. Les contrôleurs suspicieux étaient ensuite corrompus.
"Parmi un certain nombre de mensonges apparents, d'allégations non étayées et de rumeurs réfutées remontant jusqu'à 2008, il semble y avoir de nouvelles informations rapportées dans l'émission qui pourraient être utiles aux efforts de l'IWF pour promouvoir l'haltérophilie propre et protéger le sport propre", reconnaît la Fédération internationale dans son communiqué.
Christian Baumgartner, le président de la Fédération allemande interrogé par ARD, a accusé le Hongrois de 80 ans Tamas Ajan, président de l'IWF depuis 2000, d'avoir couvert ces fraudes: "Ajan est responsable d'un système qui a établi le dopage en haltérophilie et qui a déraillé depuis des décennies. Une culture de la corruption s'est répandue", dit-il.
ARD fait également état de documents qui montrent qu'au moins cinq millions de dollars (près de 4,5 millions d'euros) versés à l'IWF par le Comité international olympique (CIO) ont été transférés sur des comptes en Suisse dont Ajan a seul le contrôle.
"L'IWF prend ces allégations très au sérieux et, le cas échéant, envisagera de recourir à une tierce partie indépendante pour enquêter sur cette affaire", assure l'instance, précisant avoir demandé à ARD les "transcriptions" de témoignages et "documents" présentés dans l'émission.
Le sport sous surveillance depuis 2017
En juin 2017, face au nombre alarmant de cas de dopage dans l'haltérophilie, notamment lors des réanalyses des échantillons des JO 2008 et 2012, le CIO avait placé ce sport sous surveillance, demandant à l'IWF de fournir des propositions afin de lutter contre le dopage.
Apparemment satisfait des efforts entrepris, le CIO a décidé au printemps 2019 de confirmer la présence de l'haltérophilie aux Jeux de Paris-2024.